CHRONIQUE PAR ...
Beren
Cette chronique a été importée depuis metal-immortel
Sa note :
18.5/20
LINE UP
-John Haughm
(chant)
-Don Anderson
(guitare)
-Jason W. Walton
(basse)
-Chris Greene
(batterie)
TRACKLIST
1)Limbs
2)Falling Snow
3)This White Mountain On Which You Will Die
4)Fire Above, Ice Below
5)Not Unlike The Waves
6)Our Fortress Is Burning
7)Bloodbirds
8)The Grain
DISCOGRAPHIE
Le problème, lorsque l'on chronique un tel disque, c'est d'éviter de s'enflammer inutilement et de conserver suffisamment de distance critique. Pourquoi, me direz-vous? Parce qu'Agalloch nous livre, avec Ashes Against The Grain, ce qui paraît être l'album de l'année de votre serviteur. Impossible donc de résister: cette chronique carbure à l'ivresse procurée par ce disque proprement phénoménal. N'ayez peur!
Mais avant toute chose: les réfractaires au groupe américain et au chant très particulier de John Haughm ne changeront probablement pas d'avis avec cette oeuvre, toute aussi unique et palpitante qu'elle est exigeante. Et puis, il y a les autres qui grattent l'écorce d'Agalloch un peu plus à chaque réalisation et découvrent un univers musical fascinant. Autant The Mantle - bardé de blanc et très porté sur les dualités acoustiques - était réussi, autant Ashes Against The Grain, organique et profondément terrestre, a bouleverse par une intelligence d'écriture qui confine parfois au génie. "Limbs" introduit le disque et sert de repère pour la suite de l'écoute: la litanie va être massive mais aérienne, mélodieuse mais cathartique. Don Anderson nous gratifie d'un riff d'ouverture magistral, lourd comme de la pierre puis doucement, la tristesse se mêle à l'épique par le chant d'Haughm, toujours aussi volatile et brisé.
Neuf minutes qui passent à la vitesse du son, tout comme celles de "Falling Snow", qui voit Agalloch flirter avec les douces sirènes du doom/death "à la Katatonia" pour un résultat très personnel et franchement dévastateur. La secousse va crescendo. Le temps d'un court interlude noir comme du charbon ("This White Mountain On Which You Will Die") et nous voici plongés dans ce qui va être la première apogée de ce chef d'oeuvre: "Fire Above, Ice Below" ou comment écrire les pages les plus belles et les plus mélancoliques d'une musique constamment au service d'un propos toujours aussi fragile mais tellement juste: "There will never be an ode like this again", clame Haughm. Survient alors l'un des riffs les plus poignants qu'il m'ait été donné d'entendre, à la limite de la rupture, donnant une force hallucinante à l'ambiance déjà tellement réussie de ce disque que ç'en devient presque incroyable.
Comme si les quarante premières minutes de ce disque ne se suffisaient pas à elles-mêmes, Agalloch part alors manifestement en quête du Graal musical: défrichant des territoires inexplorés, voilà qu'Haughm et ses trois apôtres nous délivrent la seconde apogée, en trois temps, de ce disque maintenant hors des normes ("Our Fortress Is Burning..."). Le triptyque final s'ouvre sur un instrumental de haute volée, calme avant la tempête, et s'épanouit gravement lors des deux parties suivantes. "Bloodbirds" s'arme d'une guitare légère mais tremblotante, où les paysages post-rock de The Evpatoria Report ne sont jamais très loin. Haughm crie à qui veut bien l'écouter, les guitares se délient et partent dans un maëlstrom de vibrations pour finir sur "The Grain", véritable no man's land où les instruments n'ont plus lieu d'être.
Agalloch s'en retourne définitivement à la terre et nous, nous voudrions bien que ce moment jamais ne s'arrête. Infini, démesuré et pourtant terriblement humain, Agalloch s'est fendu là d'une oeuvre inoubliable. L'ombre des Américains plane sur les prétendants au meilleur album de l'année, assurément.