CHRONIQUE PAR ...
Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15/20
LINE UP
-Eric A.K.
(chant)
-Edward Carlson
(guitare)
-Michael Gilbert
(guitare)
-Troy Gregory
(basse)
-Kelly David-Smith
(batterie)
TRACKLIST
1) No Place for Disgrace
2) Dreams of Death
3) N.E. Terror
4) Escape from Within
5) Saturday Night's Alright for Fighting
6) Hard on You
7) I Live You Die
8) Misguided Fortune
9) P.A.A.B.
10) The Jones
DISCOGRAPHIE
Fin des années 1980 : RTL, Wango Tango. Francis « Bande de p'tits graisseux » Zégut. MTV, Headbanger’s Ball. Kristiane Backer…
A l’époque, il fallait veiller pour avoir le droit d’écouter notre drogue autrement que sur une vieille platine ou un lecteur K7. Une patience pas toujours récompensée car quand Zégut ou Kristiane annonçaient fièrement « Ce soir, spécial Mötley Crüe », je m’en allais dormir la mort dans l’âme, tel un pionnier du funeral doom. Par contre, certains soirs ça souriait. Celui où j’ai pu entendre "No Place For Disgrace", premier titre de l’album du même nom, est à ranger dans la catégorie « moments spéciaux qui ne s’oublieront jamais ».
Attention ! Il s’agit d’une chronique de la version ORGINALE de No Place For Disgrace et pas de l’immonde bouse remastérisée où des techniciens munis de moufles, amateurs de ska, de blues, de tout sauf de thrash metal, se sont évertués, à base de lissage/lifting à la Meg Ryan, à annihiler l’essence même du son si caractéristique du thrash mélodique US de la fin de 80s. No Place For Disgrace c’est la combinaison, cinq morceaux durant (la première face du vinyle, quoi), de riffs grésillants, âpres et agressifs à souhait, et de mélodies aussi bonnes que celles qui jalonnent Masters of Puppets ou Ride the Lightning. Initiée par le riff monstrueux du début de "No Place For Disgrace", la magie prend fin une fois la dernière note de la reprise ultra-énergique de la chanson d’Elton John "Saturday Night’s Alright..." écoulée. Entre temps, la grâce métallique qui a touché Metallica sur ses deuxième et troisième œuvres se penche également sur le berceau du deuxième rejeton de Flotsam & Jetsam. Les natifs de l’Arizona nous font la totale : "No Place for Disgrace" allie parfaitement puissance et mélodie (ah... ce break où les tremolos heavy d’Eric A.K ficheraient les larmes aux yeux au président d’honneur de la Ligue Nationale Contre les Musiques Sataniques et Pour Les Musiques Pas Sataniques...), les riffs de "Dreams of Death", particulièrement précis, font de ce titre un missile à tête chercheuse.
Quant à "Escape From Within", il s’agit tout simplement d’une version améliorée de "Fade to Black" (pas la peine d’envoyer des lettres d’insulte, elles iront directement au panier) : la puissance des ses accélérations n’a d’égal que la beauté de ses mélodies. Que se passe-t-il ensuite ? La bonne fée a-t-elle voulu s’approcher trop près du bébé ? Celui-ci lui a-t-il vomi dessus ? A-t-elle voulu le changer et le charmant bambin en a-t-il profité pour se soulager, maculant ainsi la robe de la créature magique ? Mystère. Le résultat est pourtant là : "Hard On You" et "I Live You Die" montrent le combo américain sous un visage beaucoup moins séduisant : on y constate une pauvreté choquante des riffs et des refrains, l’inspiration semblant avoir foutu le camp. Les trois titres suivants relèvent tout de même le niveau (notamment l’instrumental très heavy "The Jones", sorte de préfiguration du "Cauterization" de Dark Angel), mais les sommets atteints lors de la première moitié de l’album sont loin, les mélodies sont beaucoup plus prévisibles et les enchaînements moins fluides. Flotsam montre des limites qui ne seront hélas pas démenties sur les albums suivants.
No Place for Disgrace est un très bon disque. On peut même en faire un passage incontournable du thrash metal car il est assez caractéristique d’une certaine scène US qui, s’engouffrant dans la brèche créée par Metallica et Megadeth, mise sur une musique racée, profondément ancrée dans le heavy, alliant puissance et charisme (Heathen, Holy Terror, Hades…). Si la première moitié de l’œuvre fait partie de ce qui se fait de mieux dans le genre, l’essoufflement postérieur empêche que ce disque puisse se hisser tout en haut de la hiérarchie des albums de thrash-metal. Ça empêchera les fanatiques (dont je fais partie) de se le passer en boucle ? Manquerait plus que ça…