Mine de rien, Carnivore Sublime est déjà le septième album de Benighted… Le septième en quatorze ans. Vous le sentez le coup de vieux ? Bon, moi un peu moins parce que j’avais quatre ans à l’époque, et que je m’intéressais moins à la scène extrême hexagonale qu’à la nouvelle saison des Power Rangers, mais quand même… Et malgré leur étiquetage brutal death, les stéphanois ont évolué subrepticement depuis leur effort éponyme, qui transpirait le black, à Identisick, et son pur brutal death plein de groove, pour amorcer une approche plus grind des choses depuis Icon et Asylum Cave.
Alors, à la vue de la durée totale de cette nouvelle sortie, aucune surprise : moins de quarante minutes pour 11 titres. La ligne directrice est restée la même : des morceaux courts, mais qui vont à l’essentiel, comprendre un tabassage ferme. Et, sur Carnivore Sublime, on peut rajouter continu, car sur les 37 minutes qu’il dure, entre 33 et 35 sont menées à allure épileptique, avec une prestation assez inhumaine de Kevin, leur batteur, qui enchaîne les accélérations assez scotchantes. Avec Carnivore Sublime, Benighted va chercher dans la démesure de violence, pour le plus grand malheur de ceux qui auraient aimé plus de mélodie dans le style de celle d’"Asylum Cave". De ce fait, on perd en groove ce que l’on gagne en violence, même si quelques passages s’imposent assez violemment dans ce domaine, comme le ralentissement de "Noise". Julien n’a pas non plus changé ses habitudes, et oscille entre tous les styles vocaux, du pig squeel, particulièrement présent sur "Experience Your Flesh", au yaourt glaireux en passant par les hurlements grind. Alors, lorsqu’il se trouve en plus soutenu par le doux dingue Kvaforth de chez Shining à l’occasion d’un "Spit" détonnant, le résultat est à la hauteur. Il sera le seul featuring de ce disque ; et bien qu’on ait pu entendre Majewski (Devourment) et Sven (Aborted) sur le précédent, on ne le regrette nullement, tant la diversité vocale du bonhomme se suffit à elle-même.
On croirait même que ce même Kvaforth, ou Famine de Peste Noire sont venus péter une durite sur le début de "Defiled Purity". La patte du groupe est toujours présente donc, avec cet arrière-goût de dérangement; et toujours ces riffs mastocs, qui tablent au maximum sur l’efficacité plutôt que la diversité. De ce fait, tous les titres ont une accroche, que ce soit "Les Morsures Du Cerbère" et son passage mélodique bien jouissif, qu’on aurait aimé voir se répéter une deuxième fois, "Spit" et ses retours à des relents de black, ou la survoltée "Collection Of Dead Portrait" qui tente tant bien que mal de s’imposer comme le titre le plus méchant. D’un autre côté, malgré la relative homogénéité de l’album, "Slaughter/Suicide" marque moins, sûrement à cause de la véritable petite fanfare que sont respectivement les titres qui l’entourent, malgré un refrain lancé comme une locomotive qui nous sort un peu du GRUUWAABREE (hum, je réfléchis à déposer un brevet pour ce mot…). "Carnivore Sublime" aussi pourrait lorgner vers le bas de ce palmarès assez excellent, si le petit break calme ne relançait pas le tout avec brio. D’un point de vue global, et malgré un fil rouge que même Elle Driver, après une rencontre aussi courte que douloureuse avec Beatrix Kiddo, verrait, à savoir l’omniprésente brutalité ; Carnivore Sublime fait tout de même l’effort de varier, comme son prédécesseur, en ajoutant un peu de black, de la mélodie, un guest, voire un refrain catchy…
La question que tout le monde se pose : alors, auraient-ils enfin fait mieux qu’Identisick ? Vous n'en avez pas marre de vous la poser à chaque sortie ? Il y aura le camp des « oui », et celui des « non ». Eh bien pouf, en bon gros hipster (normand ?), on dit non à ces comparaisons entre les disques, et on conclut juste en disant que Carnivore Sublime fera toujours bien plaisir aux amateurs de brutal death grindisant.