A l’heure de choisir un restaurant, il vaut mieux éviter les arnaques, histoire de ne pas commander, par exemple, un « prince des mers dans sa sauce de fruits du soleil » et se retrouver avec une sardine à l’huile dans son assiette. Il peut être sage de ne pas fréquenter non plus les endroits sophistiquo-originaux-branchés afin de ne pas se voir servi un « cuissot de chevreuil dans sa sauce à la mangue, roquefort et vomi de lapin ». Non, le plus sage est souvent d’aller manger dans le bon vieux resto du coin, celui tenu par Tata Jeanine et Tonton Paul, par exemple. Le menu est simple et n’a pas varié depuis des lustres, mais on sait ce qu’on a dans son assiette, on ressort le ventre plein et sans mauvaises surprises le lendemain. Le jour où les Allemands de Der Weg Einer Freiheit monteront un établissement culinaire, c'est très certainement ce genre de cuisine qu'ils feront.
La musique proposée sur Unstille, deuxième album des musiciens originaires de Bavière, est effectivement fort peu originale : les six morceaux de l’opus font tous dans le black metal, point. Pas d’extension à rajouter : ni post, ni sympho, ni folk et pas non plus indus. Du black metal. Pour être plus précis, le Chemin d’Une liberté pratique l’agression sonore trépidante, mais au son « limpide » telle qu’Immortal l’a définie il n’y a pas loin d’une vingtaine d’années avec des œuvres comme Pure Holocaust ou Sons of Northern Darkness. Cette furie cristalline est encore à la mode et pas plus tard que cette année, les Italiens de Stigmhate ont réalisé un travail assez proche de celui évoqué ici. Der Weg Einer Freiheit se différencie quand même un peu des deux groupes cités : l’album ajoute à ces parties endiablées une dose importante de temps plus calmes, éventuellement accoustiques, permettant de créer des ambiances mélancoliques, à base de mélodies simples mais assez efficaces. L’absence totale d’arrangements « exotiques » confère un caractère extrêmement dépouillé et sobre à l’œuvre. Il en résulte un mélange bien fait et assez agréable, mais également classique et prévisible.
Sur les six titres de l’albums, d’une qualité assez homogène, on retiendra peut-être plus la première moitié de l’album. Le long et épique "Zeichen", qui joue pleinement sur le contraste entre une première partie féroce et un second temps plus mélancolique, est une bonne entame d'album, même si on pourra regretter une fin de morceau un peu bâclée. "Lichtmensch", brutal presque de bout en bout, montre la facette la plus speedée du groupe. Quant à l’instrumental plus posé "Nachstam", il n’a rien de très surprenant, mais il est fort bien exécuté. Comme le groupe utilise les mêmes recettes d’un bout à l’autre de l’album, la seconde moitié de l’œuvre, si elle n’est pas foncièrement moins bonne que la première, lasse un peu plus. Certes, "Zu Grunde" nous rugit assez agréablement dans les oreilles, certes "Vergängnis" (le morceau le plus lent de l’opus) et "Zerfall" ne déméritent pas non plus, mais comme elles ne proposent rien de nouveau, on a tendance à passer dessus un peu rapidement. De plus, le côté un peu standard de l’album fait que l’on a l’impression que nos artistes sont un tantinet timorés, qu’ils ne déversent pas toutes leurs entrailles sur l'album, ce qui est dommage, en matière de black metal. La production ni très puissante ni très « sale », renforce d'ailleurs un peu cette sensation.
La seule originalité du groupe est, en fait, de chanter exclusivement en allemand. Pour le reste, on pourrait penser que les musiciens sont capables de monter la première International School of Black Metal Basics, tant leur musique rend hommage, de manière quasi académique, aux pilliers du black metal violent et mélodique à la fois. Par l’alternance de ses temps agités et calmes très bien exécutés, Unstille est un album bien plaisant à écouter. Les amateurs de classicisme métallique noir, allergiques aux loufoqueries du black metal avant-garde pourront prendre cette œuvre en exemple. Les autres, s’ils pourront louer le savoir-faire démontré par Der Weg Einer Freiheit, resteront un peu sur leur faim.