La chronique du dernier Gojira, ça fait genre deux semaines que je suis dessus, soit le temps que Quaid à prévu de rester sur Mars (« Deux semaines, deux semaines ! », merde, Paul Verhoeven, Total Recall quoi !). Mais je vous rassure, non seulement les deux n'ont aucun rapport mais en plus je n'ai pas arrêté de vivre pendant ce temps. C'est juste que pour la première fois depuis que je connais le groupe, je n'ai pas spécialement envie de parler d'eux.
Les raisons ? Oh, il y en a plusieurs. Gojira, d'ici quelques années, ils auront des fans par ci par là qui leur diront "les gars, votre musique m'a aidé à surmonter des galères", ou d'autres trucs comme ca, parce que sur leurs précédents albums, les basques mettaient une importante charge émotionnelle dans leurs morceaux. Un "Backbone" pour vous retourner la tête et vous faire serrer les dents, un "In The Forest" pour vous transporter dans une tristesse moite et chaude, un "Vacuity" pour vous mettre face à vous même, quelque part dans une grotte intérieure, pour vous accompagner sur le chemin de la douce introspection mélancolique d'où ne ressort en général pas que des trucs cools, un "Embrace The World" pour ressentir une puissance à vous faire soulever une montagne, ou même à la briser, le vent dans les cheveux, cinglant, violent, puissant, etc.
Sur L'Enfant Sauvage, première critique, Gojira n'émeut pas ou peu. Et quand il émeut c'est trop court, comme sur la fin de la title track, ou sur le refrain de "Gift Of Guilt". Sinon, au mieux il s'en rapproche, comme sur "Explosia", long morceau d'ouverture où les guitares hurlantes nous placent en terrain balisé, au pire il détruit l'aspect viscéral de sa musique en proposant un death gojirien de base vidé de la dernière goutte d'émotion ("Planned Obsolescance" typiquement, où le groupe tricote sans rien mettre dedans). En soit, ce n'est pas grave... Dave Mustaine par exemple n'a jamais été un grand sentimental, ça n'a jamais empêché Megadeth de nous coller des parpaings en travers de la tronche. Mais quand après "Planned..." vous vous en quillez la pataude "Mouth Of Kala", euh...
Admettons, cette première charge contre L'Enfant Sauvage est purement subjective. Par contre, si l'on commence à parler de redite, mis à part les nouveaux fans qui sont arrivés avec The Way Of All Flesh, ou même celui-ci, tout le monde s'accordera pour dire : (hum, je me racle la gorge à l'écrit) attention messieurs, la prochaine fois ça ne passera pas ! L'album "synthèse de tout ce qu'on sait faire", vous l'avez déjà pondu avec TWOAF. Alors on peut être tolérant, quand on aime on compte peu, mais on compte quand même ! Reprendre le motif de "The Art Of Dying" et le coller au début de "L'Enfant Sauvage", vous êtes pas loin de vous griller. Et la grillade risque de vous attirer des remarques plus désagréables... Je n'irais pas jusqu'à dire que vous vous parodiez, vous avez une identité très forte depuis le début... Mais attention à ne pas vous "Burtoniser" !
Bref, pas besoin de faire beaucoup plus long, résumons plutôt... Le son de l'album est, comme d'habitude, d'excellente facture. La basse un poil mieux mixée que par le passé ce qui renforce la chape développée sur certains titres. Mario est, comme d'habitude, à la fois brutal, fin et inventif et, comme d'habitude, l'album repose pour beaucoup sur son jeu. Joe est, au chant, et, comme d'habitude, très bon, avec son growl caractéristique, qui n'est ni black, ni death, ni trash, mais juste hurlé. Parfois plus clair, parfois plus violent, le monsieur nous gratifie de textes bien articulés et bien ficelés. Les grattes sont, comme d'habitude, incisives et lourdes, avec ces gimmicks que l'on pourrait maintenant qualifier de gojiriens. Originales, elles le sont, les tapping, les "cris", sont de véritables marques de fabrique comme Dimebag en son temps ou Zakk Wylde encore aujourd'hui.
Mais bon sang, comme c'est frustrant de ne pas être emballé par un truc tout bien mené de A à Z ! Comme on aimerait se passer de ces "comme d'habitude" ! Et Dieu-du-metal sait qu'ils vont devoir proposer autre chose pour le prochain ! Parce que même si techniquement rien n'est mauvais, on ne trouve sur cet Enfant Sauvage aucun morceau capable de soulever une foule ! Et ce n'est pas la fin de l'album, plus "ambiancé" (terme à la mode hein) qui prouvera le contraire... Oui, "Pain Is A Master" propose une violence bienvenue, entre un "Wisdom Comes" et "In The Wilderness", oui "Born In Winter" se la joue "From Mars", oui "The Fall" défouraille en proposant une structure intéressante, entre lourdeur et pure blast, mais tout ça, c’est sans risque. Ils savent écrire de bons morceaux, ils l’ont déjà montré, mais autant le quidam s’inclinera devant l’œuvre, autant le fin connaisseur (MOI !) ne pourra qu’être un poil déçu.
Arf... Dur dur pour moi d'écrire ça. Les mecs de Gojira, je les aime vous voyez ? Fort. Leur musique m'a aidé à surmonter des galères. Et j'ai peur pour eux. Peur de certains commentaires acides qui pourraient venir ternir le sans faute de ces gars là. On ne peut pas dire que l'album est en pilotage automatique, ce serait honteusement faux. Mais il est clair que pour le prochain, il leur faudra aller chercher plus loin encore. Peut-être du côté de Sirius ?