Et bien voilà, après 32 ans passés parmi l'élite, l'AJ Auxerre est reléguée en L2, rejoignant au cimetière des éléphants Lens, Nantes, Monaco ou Le Havre, sans parler de Metz ou Strasbourg, à la destinée encore plus funeste. A partir de là, deux solutions : soit on se dit que la L1 ne ressemble plus à rien, soit on jette un œil aux matches des "petites" équipes et on s'aperçoit qu'hormis le prestige du nom et du palmarès, elles n'ont pas grand-chose à envier aux prétendues grosses cylindrées. C'est marrant, ça marche aussi pour le heavy metal…
Régulièrement, on peut lire que le heavy metal est mort et enterré, souvent de la part de personnes qui essaient de s'auto-persuader à tout prix que le dernier Maiden n'est pas une bouse, qui implorent les cieux pour que Judas Priest ne s'arrête pas sur le médiocre Nostradamus, qui espèrent encore que Manowar va finir par se reprendre après des années d'errance ou qui se sentent réellement attristées par le spectacle lamentable qui nous propose actuellement Queensrÿche. Et bien non : ce qui est en train de mourir, ce sont les légendes, chose bien compréhensible car après 30 ans de carrière, difficile d'avoir encore de l'inspiration, le métier a pris le relais depuis bien longtemps. Mais à côté, des tas de jeunes groupes pointent le bout de leur nez. Ils seront toujours considérés comme des seconds couteaux car ils n'auront évidemment jamais l'aura des pionniers, mais ils ont un truc en plus par rapport aux dinosaures : ils ont faim, ils ont envie, ils ont la gnaque. Sortiront-ils un jour des classiques du genre ? Rien n'est moins sûr, ce ne sera même sans doute pas le cas, mais au moins leurs albums valent mieux que les daubes sorties par les gros ces dernières années. Leur nom ? Serenity, Arrayan Path, Orden Ogan, Voyager, ou en visant un peu plus large, Winter's Verge.
En visant large, parce que bon, je ne vais pas vous survendre le truc, Winter’s Verge ne sera jamais un grand du heavy. Ils seront toujours limités par leur chanteur, George Charalambous qui a une voix assez unique en son genre, et c’est un peu le problème : celle-ci ne sonne vraiment pas très bien. Et comme son chant est de surcroît relativement plat... La comparaison avec les guests n’est pas très flatteuse pour lui, que ce soit avec la nénette à la jolie voix sur la fin de "Bleeding Heart" (même si on se demande un peu ce qu’elle vient faire là) ou le mec qui vient taper le duo sur "Angels of Babylon", qui envoie tout ce qu’on attend d’un chanteur de heavy même s’il a tendance à en faire des tonnes sur le vibrato. Charalambous a aussi le chic pour caser le détail inutile qui vient tout casser : alors qu’il s’abstient judicieusement de monter dans les aigus sur "The Paper is Blank", un titre de speed mélodique très classique, il tente la montée finale façon testiboules coincés dans la braguette… et c’est complètement foiré. Nullement découragé, il recommence au beau milieu de "Unto the Darkness", pour un résultat identique. Et sur "Dying", alors que le refrain grave et feutré est taillé pour lui, il ne peut s’empêcher de caser une ligne de chant aiguë parfaitement à côté de la plaque.
Heureusement, la musique est là pour compenser ce qui s’apparente de toute façon davantage à de petites maladresses qu’à un handicap insurmontable. Les Chypriotes butent encore au moment de composer LE morceau qui les fera accéder à la postérité, mais ils sont tout à fait capables d’écrire largement assez de bons titres pour remplir un album sans racler les fonds de tiroir. Déjà, ils n’hésitent pas à s’aventurer sur tous les terrains du heavy : classique ("Cunning Lullabies", "Unto The Darkness"), speed mélodique ("The Paper is Blank"), épique ("Semeni"), gothique ("Threads of my Life"), agressif ("Angels of Babylon"), sans oublier la ballade de rigueur avec "One Last Night", qui a tout pour être craignos mais qui finalement n'est pas si mal que ça, avec une belle performance de George (comme quoi, quand il veut !). Voilà un joli éventail, surtout que les gars se débrouillent plutôt bien dans tous les styles (seules les touches gothiques semblent un peu stéréotypées). En plus, ils n'hésitent pas à tenter des trucs complètement improbables, comme cette ligne de claviers enjouée à la "Macumba" en intro d'un morceau intitulé "Dying" ! Seul petit regret, cette fin en eau de boudin avec "A Dream for a Dream", un titre gorgé de claviers pas du tout concluant.
Beyond Vengeance, c'est un peu comme comme Tales of Tragedy, un tout petit cran en-dessous : pas l'album du siècle, mais le genre d'album qui ne fera pas honte dans une discothèque. Ce ne sera jamais un choix spontané au moment de sélectionner un CD, il ne reviendra pas forcément tourner très régulièrement, mais le jour où on le ressort pour varier un peu les plaisirs, on se dit qu'on n'a pas perdu son pognon. Et ça voyez-vous, c'est déjà pas mal.