Neal Morse n’est pas homme à se reposer sur ses lauriers. Après un album et une tournée en compagnie de Transatlantic, le revoilà déjà au boulot avec un projet ambitieux : donner suite à son album autobiographique, Testimony, qui avait lancé pour de bon sa carrière solo après son départ de la Barbe. Mais le contexte de cette sortie invite déjà à la prudence : même si le Transatlantic était une franche réussite, rappelons-nous également que le dernier album solo de Neal, Lifeline, n’a pas fait l’unanimité.
L’occasion de lâcher une question bien bateau, ou une formule toute faite, comme vous préférez. Alors, erreur de parcours, ou baisse durable de régime ? Ça, c’est fait. Dans la quête d’une réponse à cette question existentielle, les premières écoutes n’invitent pas à l’optimisme. En effet, à l’écoute d’un album de Neal, on s’attend toujours à retrouver plus ou moins les mêmes éléments : une musique ultra-mélodique immédiatement assimilable, mais suffisamment variée et complexe pour survivre à l’épreuve du temps, brassant divers styles et influences. Bref, du kiff immédiat, mais du kiff durable, histoire de reformuler. Pourtant, passée la trompeuse "Mercy Street", pas grand-chose d’immédiat à se mettre sous la dent ici : rythmiques alambiquées, mélodies peu orthodoxes, peut-être moins inspirées aussi, peu de variété stylistique… mais où est passé Nealou ? Dans ton cul, répondront sans doute certains, mais ce n’est pas le genre de la maison. Ni de la mienne, ni de la sienne, d’ailleurs. Au fur et à mesure que l’album défile, on finit par retrouver ses petits avec, par exemple, "Nighttime Collectors", ou Neal nous (re-)fait le coup du faux live, ou encore "Chance of a Lifetime". Pourtant, l’impression que tout cela n’est pas aussi inspiré que par le passé reste tenace.
Au fil des écoutes, Testimony 2 fini pourtant par dévoiler ses ficelles. Et on commence fatalement à y voir plus clair et à comprendre le pourquoi de cet arrière-goût. Il s’avère en fait que Nealou, ayant moins de bonne matière première à répartir que par le passé, et dans le but d’avoir une quantité de musique similaire à l’arrivée, a doté son album d’un enrobage sans saveur. La première illustration de cet état de fait arrive d’entrée d’album avec "Time Changer". Entre deux refrains inspirés, le titre se perd dans des couplets et des riffs de prog générique, pas mauvais, mais pas particulièrement plaisants à écouter non plus. Même chose sur "Time Has Come Today", qui se pare de deux minutes d’introduction instrumentale bien dispensable pour déboucher sur un riff sympathique. Mais il faut le mériter… Toujours au rayon des désagréments, certaines formules usées jusqu’à la corde auraient pu rester au placard cette fois-ci, à l’image du traditionnel canon vocal, toujours sur "Time Changer", ou encore les sempiternelles ballades ("Jesus’ Blood", "Jayda"). Passons sur les paroles, car si vous ne supportez pas l’aspect religieux de Neal Morse, vous auriez du arrêter d’en écouter la musique ou d’en lire les chroniques depuis bien longtemps. Concept album – ou plutôt suite de concept album – oblige, on n’échappe pas non plus aux sempiternels rappels de mélodies de la première partie.
Rajoutés aux écueils dépeints dans le paragraphe précédent, cela nous dépeint un tableau peu appétissant, je vous l’accorde. Pourtant, on trouve de bons moments dans Testimony 2. Simplement, plutôt que de réduire son album à sa substantifique moelle, Neal a jugé essentiel de le remplir à ras-bord. A l’écoute de "The Truth Will Set You Free", "Chance of a Lifetime", ou encore "Road Dog Blues", on sera rassurés sur sa capacité à composer des titres certes peu aventureux, mais efficaces. Ce n’est qu’en fin d’album que l’on s’éloigne un peu des sentiers battus, avec la hyper commerciale, mais finalement bien gaulée "It’s for You", avec un refrain digne de Calogero. Et bizarrement, après si peu de prise de risque, ce titre ferait presque du bien à entendre ! Il convient d’évoquer en quelques mots le CD2, car en plus de sa suite conceptuelle bien chargée, Testimony 2 nous offre une quarantaine de minutes sans rapport aucun avec l’autobiographie dont il est question. Passons-y tout de même rapidement, car entre "Absolute Beginner" et son riff presque punk-rock, la dispensable "Supernatural" et la plutôt bien foutue "Seeds of Gold", longue de vingt-six minutes, mais qui n’en méritait sans doute pas tant, on ne sait plus tellement où donner de la tête.
Bref, au menu : un repas extrêmement copieux, mais paradoxalement, peu de choses à se mettre sous la dent. Les fans die-hard de Neal Morse, peu regardants sur les redites et le manque de variété, y trouveront sans doute leur bonheur. Les autres regretteront probablement une baisse d’inspiration et une prise de risque minimale d’un artiste qui arrive tout de même à se fendre d’un album largement écoutable et sympathique, mais qui nous avait habitués à mieux.