CHRONIQUE PAR ...
Pietro
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15.5/20
LINE UP
-Mikael Stanne
(chant)
-Niklas Sundin
(guitare)
-Martin Henriksson
(guitare)
-Martin Brändström
(claviers)
-Daniel Antonsson
(basse)
-Anders Jivarp
(batterie)
TRACKLIST
1)Shadow in Our Blood
2)Dream Oblivion
3)The Fatalist
4)In My Absence
5)The Grandest Accusation
6)At the Point of Ignition
7)Her Silent Language
8)Arkhangelsk
9)I Am the Void
10)Surface the Infinite
11)Iridium
Bonus Tracks:
12)Star of Nothingness
13)To Where Fires Cannot Feed
DISCOGRAPHIE
Dark Tranquillity mène une carrière exemplaire. Vingt ans après ses débuts le combo de Göteborg est plus captivant que jamais, ses albums n’ayant pour l’instant jamais déçu, proposant à chaque livraison une vision nouvelle mais toujours très pertinente de son death metal mélodique originel. Peu de temps après un excellent live qui a permis de fêter comme il se doit les vingt ans du groupe, inutile de dire que l’excitation était de mise quant à la sortie de ce nouvel album. La surprise n’en a été que plus grande. Car We Are The Void est surprenant, c’est le moins que l’on puisse dire.
Premier signe qui ne trompe pas : la pochette étonne (en bien ou en mal, c’est une histoire de goûts) par son aspect beaucoup plus concret que d’habitude. En effet pour la première fois depuis très longtemps elle n’est pas l’œuvre de Niklas Sundin, contrairement à ce que l’on peut lire à ce sujet à gauche ou à droite. Le guitariste n’a pas eu le temps de s’en occuper, on va vite comprendre pourquoi. Les premières écoutes de l’album surprennent elles aussi, tout simplement parce qu’elles sont... décevantes. Le groupe semble avoir perdu son aspect irrésistiblement accrocheur, ce qui faisait de Fiction une petite bombe facile d’accès et jouissive très rapidement. Autre point qui fâche : la diversité de ce même Fiction est aux abonnés absents, We Are The Void s’apparentant plutôt à un bloc très homogène duquel se dégage une noirceur insondable. Car voila LA caractéristique la plus marquante de ce nouvel album, We Are The Void est de loin l'opus le plus sombre des Suédois.
Dès le morceau d’ouverture "Shadow in Our Blood" une ambiance malsaine dégagée notamment par des claviers presque black metal nous prend à la gorge, avant un riff particulièrement groovy. Cela n’empêche pas ce titre d’être efficace, en partie grâce à son excellent refrain bien accrocheur typique du groupe. Le constat est à peu de choses près le même pour "Dream Oblivion" (majoritairement écrit par le nouveau venu Daniel Antonsson), plutôt classique dans sa structure mais qui surprend par l’emphase des claviers, ou dans une moindre mesure pour "The Fatalist" qui brille surtout par son refrain ou "At the Point of Ignition" (sur lequel Antonsson retrouve sa six cordes le temps du solo). Mais au fur et à mesure que l’album défile l’ambiance se plombe, comme sur le refrain prenant et mélancolique d’"In My Absence". "The Grandest Accusation" est un des sommets et des morceaux les plus emblématiques de cet album, jouant sur les ambiances, le piano étant à l’honneur, avec un passage instrumental plutôt atmosphérique et un feeling général qui rappelle "Inside the Particle Storm" sur Fiction. La voix claire de Stanne fait ici une première et timide apparition.
Mais le point le plus profond des abysses est clairement atteint sur un "Arkhangelsk" particulièrement flippant. Ce mid tempo qui utilise l’image de la ville Russe d’Arkhangelsk régulièrement coupée du monde par la glace et la neige comme une métaphore de l’enfermement et du repli sur soi est profondément sinistre. Son ambiance tout comme la voix de Stanne se rapproche clairement d’un black metal certes mélodique mais loin, très loin de respirer la joie de vivre. Cet aspect très evil voire dissonant dans la composition est la marque de fabrique du guitariste Niklas Sundin, qui signe logiquement ce titre seul. We Are The Void marque d’ailleurs clairement un retour du guitariste au premier plan en tant que compositeur, lui qui avait plus ou moins laissé cette place ces dix dernières années à son compère six cordiste Martin Henriksson et au batteur Anders Jivarp, au style plus classique et direct. L’implication retrouvée de Sundin, qui signe ou co-signe huit des onze titres de l’album (dix sur treize si on compte les deux titres bonus de l’édition limitée) explique l’aspect si sombre de We Are The Void.
Même "Her Silent Language", morceau qui joue le rôle de titre moins violent et plus accessible avec ses couplets chantés en partie en voix claire (remember le tube "Misery’s Crown" ?), est extrêmement mélancolique, et aurait pu sans mal se trouver sur l’album Projector. La fin de l’album est plus rapide et violente, avec un excellent "I Am the Void" au riff principal tout simplement énorme, avant un refrain plus mélodique mais encore une fois bien sombre, et un "Surface the Infinite" à la structure typique du groupe, et qui comporte de discrets éléments electro. "Iridium" vient mettre un terme aux « festivités » de la manière la plus inquiétante qui soit, en reprenant la formule d’"Inside the Particle Storm" tout en en accentuant les contrastes : couplets calmes en arpèges sur lesquels se pose un chant clair désabusé, avant un refrain plus épique renforcé par les claviers avec un chant extrême véritablement poignant de Stanne. Sa longue fin atmosphérique et ténébreuse clôt cet album de manière funeste. Ce titre date de 1995 et aurait dû figurer sur The Mind’s Eye, le groupe l’a retravaillé car il colle bien avec l’ambiance dark de l’album.
Difficile d’avoir un avis tranché sur We Are The Void. Il est indéniable que l’on ne retrouve pas ici tout ce qu’on aime d’habitude chez Dark Tranquillity, l’aspect direct et accrocheur du groupe étant moins présent. En revanche la richesse de la musique des Suédois est plus que jamais fidèle au poste, et prend le parti d’explorer le côté le plus sombre de l’âme humaine. Le courage du groupe se doit d’être salué, car ce n’est vraiment pas la facilité qu’ils ont choisi avec cet album qui est un exemple parfait du « grower », ces albums qui ne se livrent pas tout de suite, de nombreuses écoutes étant nécessaires avant d’en saisir l’essence même. Dark Tranquillity n’a jamais aussi bien porté son nom.