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CHRONIQUE PAR ...

17
Lucificum
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note : 18.5/20

LINE UP

-King Diamond
(chant)

-Andy LaRocque
(guitare)

-Pete Blakk
(guitare)

-Hal Patino
(basse)

-Mikkey Dee
(batterie)

TRACKLIST

1)At the Graves
2)Sleepless Nights
3)Lies
4)A Visit from the Dead
5)The Wedding Dream
6)"Amon" Belongs to "Them"
7)Something Weird
8)Victimized
9)Let It Be Done
10)Cremation

DISCOGRAPHIE


King Diamond - Conspiracy
(1989) - heavy metal - Label : Roadrunner Records



Couchez les enfants, rentrez le chien, assurez-vous que les personnes âgées aient été nourries et qu’elles dorment. Fermez les volets, tamisez – voire éteignez la lumière – mettez votre stéréo en route et laissez-vous porter. Ne voyez-vous pas cette brume rasante envahir votre salon ? N’est-ce pas le bruit du vol d’une chauve-souris que vous percevez ? Ne sont-ce pas deux yeux jaunes mauvais qui vous épient ? Et cette odeur de putréfaction…illusion ou réalité ? Quant à la personne qui a remplacé votre lit douillet par un cercueil grand ouvert…ne cherchez pas, son visage est en couverture de l’album.

Visage outrageusement maquillé, dans une optique vaguement différente du corpse paint du black métal, mais non moins sinistre, King Diamond - car tel est son nom - avait décidé de frapper fort en 1989 (il y a vingt ans !) après un Them universellement salué par la critique et au moment où l’on commençait à évoquer ce sinistre personnage provocateur, dans la lignée des Kiss et autres Alice Cooper, dans une veine satanique et morbide. Mais King Diamond n’est pas seulement là pour se maquiller avant de monter sur scène ou avant une séance de photos promos. Non, King Diamond est ici pour vous raconter des histoires. King Diamond n’est pas un simple chanteur de heavy-metal, il est à la musique ce que les contes de la crypte sont à la série télé : une version déjantée, flippante et grand-guignolesque du folklore naissant de la musique métal.

Et – à part une couverture passablement repoussante – c’est salement réussi. Conspiracy fait suite à Them, et développe la seconde partie de cette histoire de maison hantée, de fantôme de petite sœur, d’hôpital psychiatrique avec de méchants docteurs sadiques et de pacte avec le diable, bref, une bonne louche d’ingrédients indispensables à toute bonne histoire horrifique (de série B, cela va sans dire). Et pas seulement grâce au charismatique chanteur : non, l’autre monstre dans le groupe, c’est le guitariste Andy LaRocque qui signe ou cosigne un titre sur deux, et qui illumine tout l’album de ses solos lumineux et eux aussi, diablement inspirés. King Diamond (le groupe) doit sa qualité autant à son chanteur qu’à son lead guitariste, qui sera débauché quelques années plus tard par un autre génie, Chuck Shuldiner – mais ceci est une autre histoire. Le reste du line-up sera par la suite interchangeable, mais notons ici la présence de Mikkey Dee (Motörhead) derrière les fûts en batteur de session.

King Diamond, c’est donc du heavy metal inspiré, varié et totalement conceptuel. Logiquement, l’approche des textes et la construction se veulent très narratives, puisque chaque album du King est une histoire – ou la suite d’une histoire. Mais pas seulement : King Diamond habite littéralement ses personnages. S’ensuit donc des mises en scènes et un jeu de chanteur absolument théâtral, voire par moment possédé. Malgré les nombreux personnages traversant l’imagination perverse de King Diamond, il assure toutes les voix, que ça soit celle d’un docteur, d’une petite fille ou (ses préférées) celle d’un dément ou d'un sadique. Chanteur caméléon, Kind Diamond change donc complètement de tessiture d’une phrase sur l’autre avec un sens de l’expression magnifié par des lignes vocales de toute beauté et parfaitement en accord avec les riffs qui parsèment les dix titres de Conspiracy.

L’album s’ouvre sur le long "At the Graves" et son introduction géniale, et le ton est donné : riff après riff, solo après solo, le King s’en donne à cœur joie et en rajoute des tonnes. Alors bien sûr, sa voix unique – mais pour le coup vraiment unique – et sa façon de monter dans les aigus ne peut pas plaire à tout le monde. Nombreux sont les gens le trouvant horripilant, voire ridicule. Bien sûr, ces gens-là – sauf leur respect – n’ont rien compris. Ce sont les mêmes qui conspuent Manowar parce qu’ils posent huilés, l’épée en main : ils ne sont habités ni par la maladie mentale de King Diamond, ni par le pouvoir du metal de Manowar. Tant pis pour eux. Les autres se régaleront des claviers de "The Wedding Dreams", de l’angoisse palpable de "Victimized", la tristesse de "A Visit from the Dead" ou l’hypocrisie de "Lies"… Conspiracy a en tous cas ouvert toutes grandes les portes de l'Enfer avec pour la première fois une production impeccable, sèche et totalement en accord avec le sujet.

King Diamond et Andy LaRocque survolent avec une aisance et une inspiration déconcertante ce Conspiracy, donnant enfin ses lettres de noblesse au « concept » de King Diamond qui s’affranchit au passage de son alter-ego Mercyful Fate en se lâchant totalement dans ce nouveau combo. Et ça n’était que le début : la suite montrera que la paire Diamond/LaRocque avait encore de nombreuses choses à dire. Et que vous n’aviez pas fini de frissonner.


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