The Morning Never Came, le premier album de Swallow The Sun, portait fièrement son nom, tout en nous laissant un arrière-goût quelque peu amer sur la langue (dû à un certain manque de finition): en effet, ce groupe possèdait un potentiel si affolant qu'il aurait été complètement fâcheux de le laisser filer si vite. Firebox a bien senti le vent tourner soudainement du côté de ce groupe, qui était encore inconnu il y a deux ans et qui nous propose aujourd'hui ce petit bijou qu'est Ghosts Of Loss.
D'une musique si noire, si compacte et si linéaire, laissant l'auditeur sur le carreau, dans le désespoir le plus total, les Finlandais se sont dépassés pour proposer un doom/death classieux, inspiré et qui, surtout, respire enfin. "The Giant" nous confirme que l'on avait bien raison: Swallow The Sun est en passe de devenir un futur grand. Fini le chant entièrement monolithique, les claviers trop écrasants, ce morceau débute sur des arpèges de guitare splendides et sur un chant clair bien mieux maîtrisé, pour nous envoyer tout de go au fond du trou dans un retournement de situation digne du grand huit. Ce morceau passe en revue les briques musicales du groupe (guitares très mélodiques, mid-tempos écrasants et une ambiance glaciale à en crever), mais glissées dans une composition bien plus mature, surtout plus honnête et jouant moins la carte de l'affliction la plus totale.
La tristesse semble bien moins primaire sur ce disque, qui cède maintenant une large place à la mélodie subliminale ("Fragile", le plus beau moment de l'album avec "The Giant" et "Ghost Of Laura Palmer", qui, un comble, réussit à faire transparaître l'univers lynchien à travers ce morceau subtile et très aérien, rehaussé par des claviers très planants). Les moments plus calmes et lents, majoritaires ici, laissent souvent soudainement la place à un gros riff dévastateur. Ce schéma de composition, s'il peut paraître éculé, et cet enchaînement réussi d'atmosphères suffisent pourtant à captiver et incitent à poursuivre l'écoute de l'album, qui, d'un bout à l'autre, malgré quelques faiblesses passagères (le fantôme de The Morning Never Came n'est jamais loin) ne déçoit que rarement. Seuls "Descending Winters" et "Gloom, Beauty And Despair" sont beaucoup moins convaincants, à cause de leur longueur et de leur linéarité.
Linéarité inhérente au style, qui est souvent ici détournée par des artifices intelligents (l'alternance chant clair/chant death de possédé, l'atmosphère délicatement sournoise et une dynamique générale intéressante) et surtout grâce à un son proprement phénoménal, où les guitares ont la part belle, sans laisser les claviers, élément fondateur de la musique du groupe, trop en retrait. Ce doom-là vaut bien celui de My Dying Bride ou celui, plus atmosphérique, de Morgion, pour moi les deux maîtres en la matière, désormais.
Dans un style ni (enfin!) trop éprouvant, ni trop massif, Ghosts Of Loss se distingue par des arrangements finement écrits, bien que les anciens démons rôdent encore de temps à autre. Il faudra attendre le troisième album pour enfin juger sur pièces, mais Ghosts Of Loss est si bon qu'il serait dommage de s'en priver.