Chaque album de Dream Theater semble désormais obéir à un cycle de vie quasi routinier. Il y a d’abord la conception de l’album, son annonce, les premiers bouts de morceaux découverts sur Internet amorçant les premières prises de position. Puis la sortie proprement dite, les critiques, les espoirs déçus des vieux fans et les vivats des nouveaux. Ensuite vient le temps de la tournée, où l’on découvre les nouveaux titres sur scène, leur conférant parfois une autre dimension. Et enfin, le DVD live, devenu systématique (chaos) depuis Metropolis Part II…
Et nous en sommes là. Systematic Chaos est dans les bacs depuis un an, la tournée est finie, et de la même manière que Metropolis Part II a eu son Live Scenes From New York, que Train Of Thought a eu son Budokan Live, que Octavarium a eu son Score (où Six Degrees Of Inner Turbuence, qui n’avait pas eu droit à un DVD live, a été bien mis à l’honneur), voici Chaos In Motion, témoignage de 2008 du groupe. Difficile, à première vue, de s’en réjouir au dela du raisonnable. Le fan absolu du groupe – comme le sont bien souvent les fans de Dream Theater – l’achètera de toutes façons, les simples amateurs rechigneront sans doute à y investir une partie de leur patrimoine, et le fan de fraîche date a mieux à se mettre sous la dent s’il veut découvrir Dream Theater en live sur son rutilant écran plasma 50 pouces.
Car à côté des live précédents (le Live Scenes et le Budokan, surtout), ce Chaos In Motion fait un peu pâle figure. Déjà, et même si ça n’est pas en soi un reproche, on n’assiste pas à un concert unique mais à un montage de diverses dates. On comprend bien que le groupe a voulu rendre hommage ainsi à plus d’un public (en vrac, ceux de Buenos Aires, Toronto, Boston, Bangkok ou encore Rotterdam – et Paris, alors ?), mais du coup on perd l’unité de lieu et de temps propre à un « vrai » live issu d’un unique concert. Mais finalement, pour peu qu’on ne soit pas gêné par cet aspect, on a bien l’impression d’avoir droit à un show de Dream Theater, 3 heures de musique live et une playlist assez proche de ce que l’on a pu voir lors de leur concert au Zénith.
Sans surprise, Systematic Chaos est mis en avant. Pour ceux qui n’auraient pas eu l’occasion de le constater de visu, la plupart des titres de cet album prennent une dimension autrement plus percutante en live - même si Systematic Chaos était un album tout à fait croustillant. En particulier "In the Presence of Enemies (Part I & II)" et "The Dark Eternal Night", dont l’énergie et la musicalité gagnent largement par rapport au pressage CD. Le reste de la prestation est malheureusement sans aucune surprise pour ceux qui connaissent déjà le groupe en live (que ça soit en vrai ou via DVD). On retrouve les mimiques de Portnoy, la calvitie naissante et les tremblotements de mâchoire de LaBrie, les muscles de Petrucci, le clavier rotatif de Rudess et l’immobilité zen de Myung. Du côté de l’image, la qualité n’est pas extraordinaire, mais le montage est efficace, même s’il se concentre sur Portnoy et Petrucci – sans surprise.
Le second DVD propose un certain nombre de bonus. On passera très vite sur les vidéos promos de l’album précédent, que tout le monde a déjà vues, et on s’attardera sur le documentaire de 90 minutes intitulé Behind The Chaos On The Road. Divisé en plusieurs parties, il montre le groupe sur la route et s’attarde en particulier sur les roadies, les ingénieurs, l’organisation de la scène et autres cuisiniers. Loin d’être inintéressant, il a tout de même la grave tendance prévisible a tomber dans l’autosatisfaction, où tout le monde il est content, où tout le monde il est génial et où c’est super de travailler avec tout le monde. On tombe dans le risible quand chaque membre du groupe se voit demandé de parler de ses compères. C’est alors une tempête de « great guy », « incredibly talentuous person » et autres « very kind man ». Mais heureusement, l’aspect backstage/roadies donne un peu plus de consistance au reportage. Point négatif : l'absence de tout sous-titre, demandant du coup une bonne compréhension de l'anglais oral.
Dans la section « remplissage », on va trouver les vidéos diffusées sur écran derrière le groupe quand il joue live, ce qui ne présente aucun intérêt, mis à part l’hilarant dessin animé de "The Dark Eternal Night", auto-parodie rafraichissante du groupe. Reste finalement la sensation de retrouver une bonne bande de potes, avec toujours le sémillant et envahissant Portnoy, dont il ressort malgré tout une vraie bonne humeur et un groupe toujours aussi attachant quoi qu’on puisse en dire au niveau musical. Dream Theater n’est certes pas le groupe le plus déluré au monde, et vous ne verrez pas ses membres en train de faire les cons, de se bourrer la gueule et de vomir dans le tour bus comme ça a pu être vu chez Type O Negative ou Pantera : non, les cinq membres de Dream Theater sont tous mariés avec des gosses, de tranquilles et sympathiques pères de famille qui font de la musique.
Achat loin d’être indispensable, donc. Si vous souhaitez découvrir Dream Theater en DVD, allez plutôt vous procurer Live Scenes From New York ou le Live At Budokan, à moins que vous n’ayez craqué pour Systematic Chaos ou Octavarium. En tous cas, la boucle est bouclée, le cycle se termine pour Systematic Chaos, et Dream Theater est en repos. Jusqu’à ce que se pointe l’annonce d’un album prochain : le grand cirque pourra alors recommencer, et le théâtre des rêves se remettra à nouveau en branle.