Après un premier album aussi excellent qu'original, David Eugene Edwards nous sortit un deuxième opus presque aussi original mais plutôt décevant. C'est donc avec la plus grande curiosité que l'on se plonge dans l'ambiance de cette troisième galette, sortie en 2002, en se demandant quelles surprises David nous aura concoctées sur ce coup-là, mais aussi, et c'est là le point principal, si la majorité d'entre elles seront valables, contrairement à la fois précédente où seuls quelques petits effets sympathiques seront parvenus à charmer nos oreilles.
On commence sur la petite intro de basse du morceau "Clogger", un morceau qui annonce certains aspects de l'album. D'une part, il faudra l'écouter plusieurs fois pour en apprécier toutes les subtilités, et si possible avec du bon matériel ou un casque correct. Vous l'aurez compris, il y a sur cette piste, et plus généralement sur la galette, du contenu implicite, donnant à ce cd une saveur toute particulière. La piste sonne un peu pop/rock à première vue, mais les choses ne peuvent pas être simplifiées de la sorte. Dès les premiers accords, on entend derrière la guitare principale des petites notes de guitare accoustique donnant à l'ambiance du morceau une couleur toute particulière, qui est peut-être difficile à percevoir, à froid, lors des premières écoutes de la chanson. C'est là tout à son avantage : quoi de plus ennuyeux qu'un vin dégageant toutes ses saveurs du premier coup ?
On enchaîne sur "Wayfaring Stranger", une vieille chanson folklorique américaine, à la sauce Sixteen Horsepower, banjo, bonne gratte entraînante, et chant aussi original qu'agréable à entendre sont donc de rigueur. Le leader de la bande parvient à exploiter le banjo dans un contexte plutôt sombre, mettant ainsi en valeur l'aspect obscur de cet instrument. Ainsi, il instaure une atmosphère des plus particulières au sein de l'album, contribuant par la même fortement à la cohésion entre les morceaux, une cohésion qui manquait au précédent opus de la formation, Low Estate, sorti 3 ans plus tôt. L'ambiance de Secret South est en général beaucoup moins joyeuse que sur celui-ci, et on aura plutôt droit à des chansons relativement tristes et mélancoliques, mais ceci d'une manière agréable, et certains enchaînements sont des mieux trouvés, comme les petits breaks en distorsion sur "Poor Mouth", un des morceaux qui montre que le trio est capable d'exécuter des choses plus calmes avec un talent pourtant similaire.
Les suites d'accords et les lignes de chant ne sont pas toujours très complexes, mais leur qualité n'en est pas altérée pour autant. En effet, c'est une musique d'une grande qualité que nous sert ici Sixteen Horsepower, et même s'il y a des morceaux dont l'utilité reste à prouver (citons "Nobody 'Cept You", mais il y en a d'autres et le fait que ce soit une reprise n'y change rien du tout), une grande partie de la galette est constituée de pistes vraiment très bien ficelées. En plus des quelques morceaux cités précédemment, ajoutons à la liste des tueries sur cet album l'excellent "Splinter", dont les variations d'intensité sont plus que jouissives. De plus, le chanteur semble avoir gagné en maturité et exécute les lignes vocales de ce disque avec la plus grande précision, et nous transmet ainsi diverses émotions. La basse est quant à elle utilisée avec parcimonie, et le guitariste est visiblement moins accroc au bottleneck qu'il ne l'a été. Concernant la production, elle semble être ici plus propre qu'auparavant, un fait qui peut, associé à la qualité des compositions ici présentes, donner à l'auditeur la sensation d'apprécier un disque de luxe.
Bref, il s'agit là d'un album tout à fait remarquable. Moins surprenant que ses prédécesseurs, cela n'en fait pas moins un chef-d'œuvre. On apprécie ici une atmosphère globale nous faisant traverser divers types d'ambiances, des instruments bien produits, et une voix, comme toujours, exemplaire de par son originalité, ou plus généralement de par sa qualité d'ensemble. Les compositions sont elles aussi de qualité : Secret South est un excellent album, très agréable à écouter, prouvant que le groupe mûrit, et laissant présager pour la formation un avenir des meilleurs.