CHRONIQUE PAR ...
Dexxie
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
18/20
LINE UP
-David Eugene Edwards
(chant+guitare+banjo+bandonéon)
-Pascal Humbert
(basse)
-Jean-Yves Tola
(batterie)
TRACKLIST
1)I Seen What I Saw
2)Black Soul Choir
3)Haw
4)Scrawled in Sap
5)Horse Head
6)Ruthie Lingle
7)Harm's Way
8)Black Bush
9)Heel on the Shovel
10)American Wheeze
11)Red Neck Reel
12)Prison Shoe Romp
13)Neck on the New Blade
14)Strong Man
DISCOGRAPHIE
Ah, Sixteen Horsepower ! Ou comment faire se chevaucher deux mondes qu'a priori tout oppose... car c'est vrai que le rock est souvent considéré comme le petit frère du blues, et que la country est surnommée le « blues du blanc ». On sait pourtant que l'un et l'autre ont apporté au rock 'n roll, en terme de musicalité comme d'esprit, et ce premier opus de notre trio franco-américain représente cela de manière très, très intéréssante : avant d'écouter cette galette, débarrassez-vous de vos éventuels préjugés sur la country.
Sur ce premier album, nos trois gaillards menés par le grand David Eugene Edwards (alors futur Woven Hand) nous proposent une superposition des plus plaisantes : des sonorités empruntées au blues et à la country sont ici jouées sur un rythme plutôt entraînant, limite rock, mais attention, sur des tonalités mineures. Le résultat n'est pas facile à cerner mais je vous certifie qu'il est tout sauf désagréable. Concrètement, on se retrouve plongé dans une ambiance plutôt sombre, alliée à des sons typiques de l'Ouest. Pour info, le leader du groupe semble être très croyant, mais, loin de sombrer dans le cliché du parfait chrétien, il est aussi branché par des rites un peu plus exotiques. Voyez en lui l'image d'un gars avec sur la tête un pur chapeau, parcourant les States de la deuxième moitié du XIXè siècle, et ayant sous le bras une bible pour éloigner le démon : voilà une explication possible à cet alliage si extraordinaire de ces deux univers.
Dès le premier titre, "I Seen What I Saw", une bonne partie des éléments contribuant au charme de ce disque nous sont révélés. On commence sur une batterie au jeu de cymbales bien efficace et là, la guitare arrive. Et elle mérite qu'on lui déroule le tapis rouge. Un son archi-pur se laisse entendre, ce qui s'explique par l'emploi d'une bonne vieille gratte demi-caisse et de la technique du bottleneck. Allez, un peu de culture générale : le bottleneck, qu'on traduit de l'anglais par « goulot de bouteille », était en fait utilisé dans le vieux blues noir. On faisait glisser le goulot sur les cordes et ça donnait un son bien particulier. De nos jours, ça se trouve plutôt sous la forme d'un tube creux, en métal. Bref, on n'entend pas de ce truc-là tous les matins et d'un côté c'est tant mieux, parce que le jour où ça nous tombe dans les oreilles, la sensation est d'autant plus agréable. Notons quand même que cette guitare est soutenue par des lignes de basse sans lesquelles il y aurait ici un très gros vide !
S'ajoute alors la voix. Et là aussi, tapis rouge ! Un timbre très particulier, mais par-dessus tout, l'utilisation d'une technique de chant absolument remarquable, apparemment issue de l'intérêt du chanteur pour ces fameux cultes plutôt underground. Il balance de temps en temps des notes aiguës assez bizarres, particulièrement à la fin de ses lignes de chant. C'est inexplicable avec des mots, il faut l'entendre pour le comprendre. Alors qu'il en abuse sur ses premières démos, l'usage de cette manière de faire est beaucoup plus soigné sur l'album. Album qu'il est d'ailleurs préférable d'écouter du début à la fin, celui-ci formant véritablement un tout, qui nous fera passer par des morceaux plutôt blues comme "Horse Dead", des titres country à souhait comme "Red Neck Reel" (qui d'ailleurs comblera de joie les amateurs de banjo), ou alors des morceaux à la limite du rock (mais attention, pas de disto ici) comme l'excellentissime "Haw". Sur ce dernier, l'usage du bottleneck est particulièrement plaisant.
Assez parlé, il est temps pour vous d'apprécier cet album par vous-même. Pour ce faire, nul besoin d'aimer la country : j'ai accroché dès les premières écoutes et pourtant je n'étais pas franchement fan de banjo et compagnie à l'époque. Et pour ceux qui en doutaient, il s'agit là d'un bon exemple pour illustrer le fait qu'on trouve du bon dans tous les styles de musique, même la country, et oui ! En vous rappelant qu'elle n'est pas pure ici : nous sommes bel et bien en présence d'un rock aux sonorités de l'Ouest, baptisé Denver Sound...