- Maître Vorph, sauf ton respect, il nous faut des tons pastel pour la couverture du nouvel album !
Début 2017. Au département « Marketing et Couronne d’Épines » de la Samael Corp, c’est l’ébullition. L’équipe est en pleine séance de brainstorming. Le petit nouveau se croit plus malin et original que tout le monde. Le Chef le rabroue illico.
- Hors de question ! Pourquoi pas des blasts non plus, hein ? Tu veux aller rejoindre l’abruti qui nous a conseillé d’accélérer la cadence sur Above ? "Red Planet", "Black Supremacy", la nouvelle pochette sera rouge et noire !
- Et puis on fera une cover de Jeanne Mas aussi…
Le jeune impudent s’en veut déjà, mais le persiflage est sorti tout seul…
Vorph fait un effort insensé pour ne pas perdre le contrôle. Il ferme les yeux, se masse les tempes puis prend la décision.
- Xy ! Makro ! Emmenez ce jeune blanc-bec au donjon ! Une heure de "Salve Rociera" en boucle ! La version
Live at Lisbon de Linda de Sousa !
- Vorph… ne crois-tu pas que cette punition est un peu excess…
- Exécution !
Vous l’aurez compris. Pas de reprise d’ "En rouge et noir" au programme d’Hegemony. À la place, une reprise du "Helter Skelter" de Charles M… des Beatles, pardon. L’hommage à ce classique est-il de bonne qualité ? Honnêtement, je n’en sais rien, il faudra demander ça aux fans de McCartney and co. En revanche, ce que je sais, c’est que le dernier album en date du cultissime combo helvétique est un bon cru. Plus énergique qu’un Lux Mundi fort mollasson, il montre Samael tout en maîtrise et bien agressif comme il faut. Niveau tension, nous nous situons plutôt du côté de la période Passage/Eternal. Mais mettons-nous d'accord tout de suite, j’ai dit « niveau tension ». Hegemony est donc un bon album mais n’allez pas croire aux miracles. On ne peut pas être et avoir été. L’époque du pic créatif du groupe est passée. Le niveau de jouissance sonore est moindre qu’à la très grande époque. Ce dixième album contient tout de même de fort bons moments, disséminés sur l’ensemble de l’œuvre. Des riffs intéressants, des refrains accrocheurs, quasiment tous les titres contiennent de quoi satisfaire le fan du groupe.
En revanche, seul un titre s’avère réellement plein et bouillant du début à la fin, l’excellent "Black Supremacy" qui, lui, rappelle plutôt Solar Soul et, plus précisément, le très remuant "Slavocracy". Même si le groupe semble avoir été échaudé par l’expérience mitigée d'Above, cette "Suprématie Noire" est jouée sur un rythme endiablé, et les claviers et les guitares y fument comme à la grande époque. Pour le reste, il faut se contenter de coups d’éclats plus ponctuels, comme le riffing très nerveux et judicieux du début de "Samael" - quel dommage qu’il n’ait pas été plus développé sur ce titre ! - ou les bons refrains de "Rite of Renewal" et "Red Planet". La force de frappe tranquille de "Land of the Living" fait également partie des réussites d’un album qu’on aurait tout de même fantasmé un peu plus fou, un peu moins prévisible. Je sais, c’est facile de critiquer. Et oui, sortir un dixième album de cet acabit après trente ans de carrière n’est en rien facile. Concentrons-nous donc sur la belle énergie déployée par les Valaisans et oublions le reste.
Au moment où j’écris ces lignes, cela fera bientôt huit ans que Samael n’a pas sorti de nouvel album. Si Hegemony devait être le dernier fait d’armes du groupe, ce dernier n’aurait pas à rougir de sa sortie. Solide, énergique, parfois très inspirée, cette œuvre montre un Samael un tantinet prévisible mais sûr de sa force, en hausse par rapport aux albums précédents. To be continued?