CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14.5/20
LINE UP
-Ju
(guitare+chant)
-MiLKa
(chant+triton)
-Vidda
(guitare+basse)
-Brice
(batterie)
TRACKLIST
1)Love Is Dead
2)Do It Yourself
3)Rock'n Roll Assistance
4)Amnesia
5)Your Vision
6)L'ombre et la proie
7)Polder
8)Cynique amniotique
9)On ne sait jamais
10)Teenager Genocide
DISCOGRAPHIE
C'est pas tout d'avoir explosé tout le monde avec un premier album de fou furieux, encore faut-il enchaîner derrière. Plus de deux ans passés sur la route, un changement de line-up, une reconnaissance qui va grandissante... il est temps de s'y mettre ! Contrairement au Temps de la Réflexion qui était composé de chansons écrites depuis très longtemps et compilées pour l'occasion, L'Ombre et la Proie est un album de compos fraîches. On pourrait dire que le vrai style de Psykup s'affirme à l'occasion de cet album...
Et aujourd'hui qu'on peut regarder les trois albums de la formation toulousaine avec un peu de recul, il semble évident que Psykup commence à définir son son avec cet album. L'évolution depuis Le Temps de la Réflexion est multiple. Premièrement les délires sont beaucoup plus appuyés : même si les digressions du premier album étaient déjà balèzes, le groupe ne se permettait pas des moments de folie tels le passage de jazz pur et le spoken-word de prêcheur présents sur "Love Is Dead". Le groupe n'allait pas jusqu'à balancer des sketches au mileu de leur insanité musicale, comme l'hilarant dialogue de "L'ombre et la proie", satire du star-system aussi juste que corrosive. Les transitions entre leurs mille genres musicaux n'étaient pas aussi naturelles, et le chant moins maîtrisé : Ju n'avait par exemple pas encore appris ses légendaires hurlements suraigus (qu'il poussera à l'extrême dans Manimal) et c'est à partir de L'Ombre et la Proie que les rôles des deux chanteurs deviendront clairement définis, avec un Ju qui part toujours plus dans les aigus et un MiLKa qui se pose en maître les graves, ceci en chant comme en growl. Tout est plus poussé, plus technique, plus assuré.
Mais tout est-il mieux pour autant ? Pas forcément... car comme We Love You All, plus encore même, L'ombre et la proie est un album-bloc. Un album qu'on s'enfile d'un bout à l'autre ou pas, et où les seuls moments que l'ont retient sont ceux où Psykup ne fait plus du Psykup. Et ce n'est pas une question de nombre d'écoutes ; même après avoir assimilé l'album encore et encore le constat reste le même : c'est bon, c'est cinglé, ça part dans tous les sens, c'est groovy, ultraviolent et mélodique à la fois, on retient çà et là des plans mémorables comme l'intro de "Your Vision", les choeurs de "Rock 'n Roll Assistance" ou les ambiances bizarres et cristallines de "Cynique Amniotique"... mais retenir une chanson en particulier est à la limite de l'impossible. Et comme sur le petit dernier c'est la chanson la plus atypique qui retient l'attention : pas de morceau de rap de dix minutes, mais une ballade acoustique à tomber par terre nommée "On ne sait jamais". Une guitare aux accords magnifiques, deux voix, un texte étrange et beau, et c'est l'extase instantanée. Combien de duos de chanteurs peuvent prétendre à un tel niveau de perfection, d'émotion combinée ? À part Simon et Garfunkel, je veux dire ?
L'Ombre et la Proie est un genre de We Love You All en moins bien, une ébauche en quelque sorte. L'ère des compos hyper reconnaissables et typées du Temps de la Réflexion est terminée, mais le niveau de maladie mentale et de virtuosité inhumaine de l'album suivant ne sont pas encore là. Ça reste en tous cas une sacrée claque, qui ne pâlit que parce que coincée entre un premier essai confinant au génie et un troisième opus autrement plus maîtrisé.