Sonnez les cloches, fermez les portes, le démon est de retour et la messe noire peut reprendre ! Le sang de cérémonie est prêt, les toges repassées, le stock de craie pour les pentacles a été vérifié hier : à priori nous sommes ok pour notre petite sauterie blasphématoire. En espérant que notre commande de tête de porc arrive à temps sinon notre décor d'église désacralisée en papier mâché aura vachement moins de gueule. Bon, Monique, tu veux bien allez chercher les vierges, s'il te plait ?
Belphegor, c'est tout un rituel. On n'écoute pas Belphegor à la plage en sirotant une Piña Colada, ou en allant en boite de nuit, pas plus qu'on ne se sert des compositions des Autrichiens pour mettre en musique la dernière élection de Miss France. Il y a des ambiances à respecter, un folklore sulfureux à convoquer, il faut se contenter des lumières tremblotantes d'une bougie, s'acclimater du froid nocturne qui s'infiltre par les fenêtres ouvertes et supporter les hordes de chauves-souris qui ne manqueront pas d'envahir la pièce dès Totenritual projeté par les enceintes de votre puissant système audio (satanique, lui aussi, bien sûr). Et alors, enfin, vous aurez une petite chance d'apprécier à sa juste valeur ce nouvel album. Parce que si vous vous contentez de le mettre sur votre iPod et de l'écouter dans le bus en allant acheter vos asperges, ça n'aura sans doute pas le même effet.
Car Belphegor, sur Totenritual, déploie l'habituel arsenal qui caractérise ses productions récentes : des riffs lourds, une batterie qui tantôt blaste de manière hypersonique (sur le trop court "Totenritual" ou le furieux "Swinefever"), tantôt se contente de la lourdeur pachydermique du death metal ("Baphomet", "Totenbeschwörer"), mais aussi des riffs de guitare parfois joliment ornés (comme sur "Apophis") et bien sûr les grognements énervés d'Helmut qui plus que jamais privilégie le growl death au hurlement black. Et au final, avec cette recette déjà mise en œuvre (avec plus de succès) sur Blood Magick Necromance, Belphegor ne parvient cette fois que difficilement à clouer l'auditeur sur son siège, comme si la motivation n'était plus vraiment là, que le groupe passait régulièrement en pilotage automatique ("Embracing A Star", "Spell Of Reflection") et se contentait d'appliquer une recette qu'il maîtrise maintenant très bien.
Malgré une excellente production, meilleure que les précédentes (la batterie est bien lourde, les guitares amples et la basse puissante), Totenritual peine à se démarquer de ses prédécesseurs Conjuring The Dead (malgré un tempo peut-être plus varié, globalement plus lent) et Blood Magick Necromance (dont il ne parvient que bien mal à reproduire l'ambiance démente qui s'en dégageait). Ne jetons pas le cadavre de bébé avec le sang du bain : Totenritual peut s'écouter avec plaisir, c'est habilement manufacturé, construit à l'ancienne, fruit d'un artisan qui a de l'expérience dans la violence musicale et dont les incantations blasphématoires sur fond de black/death continuent de faire leur petit effet. Simplement, cette fois-ci, on a un peu l'impression d'avoir du réchauffé - ou à tout le moins quelque chose de moins passionné.
Bon, eh bien c'était une chouette messe noire, non ? Allez, comme d'habitude, maintenant, faut tout ranger et nettoyer, on n'a loué l'église en ruine que pour la soirée, faut rendre les clefs ce matin et il reste des intestins sur le candélabre et des fausses toiles d'araignée un peu partout. Monique, tu passeras un coup de serpillère sur l'autel et… quoi ? Non, la tête de bouc n'était pas là quand on est arrivé ! Toujours le même cirque, à chaque album de Belphegor… allez, vivement le prochain.