On s’était quitté avec Belenos cahin-caha. Un air bon mais trop curieusement (furieusement ?) mâtiné de ne reviens-y pas avec le premier rejeton 100% breton Yen Sonn Gardis. Le son Belenos était bien là, seulement la prise de pouvoir exclusive de Loïc Cellier sur tous les instruments semblait l’avoir détourné de l’excellence des compositions. La pause de six ans qui vient de se clore s’annonce alors comme une très bonne nouvelle. Le sieur a (normalement) eu tout le temps nécessaire pour s’exprimer de nouveau à la hauteur de son talent.
Car Errances oniriques puis Spicilège demeurent des souvenirs vivaces, tenaces et poignants. Un black metal breton racé, agressif, inspiré et atmosphérique (le tout ensemble). Chants de bataille et Yen Sonn Gardis ne surent malheureusement pas maintenir la dynamique. Yen Sonn Gardis en particulier sonnait le cul entre deux chaises. Retrouvant les cavalcades du passé tout en étant drastiquement limité techniquement par l’irruption de Loïc Cellier lui-même derrière les fûts. Non pas que la batterie fût inapte, mais bien trop carrée, froide, académique pour mettre en valeur des compositions qui méritaient et nécessitaient mieux. Kornôg débarque donc armé de six années de labeur intense supplémentaires. Six années mises à profit par le maître à penser unique du groupe pour affiner son art et assurer sa maîtrise instrumentale.
Car c’est la première chose qui saute aux oreilles de l’adorateur de Belenos, la batterie retrouve un niveau digne de Errances Oniriques ou Spicilège. Diversité, créativité, son sylvestre, elle fait tout à fait honneur aux chansons qu’elle soutient rythmiquement. Cette constatation peut paraître frivole à certains, elle est pourtant décisive. D’autant plus décisive que les compositions ont de nouveau retrouvé un niveau digne d’antan. Seulement la comparaison directe serait hâtive et bancale. Car Belenos a évolué en quinze ans. Finies les explosions de colère de la jeunesse primesautière, le Celte excelle désormais principalement dans la progression, l’enchevêtrement. Ce sont d’ailleurs les principaux défauts de cette galette (bretonne, urh urh urh) : l'étirage en longueur et le manque de blasts. Comment ? Un crétin inconditionnel s’indigne de la raréfaction de cet instrument du brutal ? Oui.
Car toute pagan soit la musique de Belenos, elle a ses racines dans le black metal. Et le black metal s’entiche formidablement du blast beat à dose raisonnable. Surtout, les rares chansons qui se gavent de la chose (citons la première chronologiquement "E donder ar mor") imposent une puissance et une majesté colossales. Ne nous arrêtons toutefois pas à cette unique caractéristique. La deuxième qui vient chatouiller vos tympans est le temps. Belenos prend encore plus son temps qu’à l’accoutumée et encore une fois cela va monopoliser votre attention. Disque exigeant. Faut-il lui en vouloir pour cela ? Un peu car il est indéniable que Loïc Cellier excelle vraiment quand il lâche les chevaux d’autant que ça lui permet de ne pas perdre les auditeurs en route. Sinon les riffs sont complexes, nombreux et largement au niveau la plupart du temps. On se surprend à retrouver un arrière-goût de Infestus sur The Reflecting Void par moments. Et aussi du death metal, peut-être corollaire de ce goût pour la complexité.
Réussite et semi-déception serais-je tenté de lâcher en conclusion molle. La réussite tient au retour de tous les ingrédients Belenos, et en premier lieu cette batterie organique et puissante. L’inspiration et la richesse des compositions bien sûr aussi, tout cela enrobé de l’ambiance celtique caractéristique du groupe. Pourtant à s’échiner à s’étirer en longueur et rechigner à assumer sa brutalité exquise, le Breton loupe le coche qu’il aurait pu (et dû) totalement exploser.