A l'époque, je grattais encore un tout petit peu de guitare électrique. Quelques morceaux de mon cru ici où là. Très souvent, avec une influence doom assez marquée, qu'elle me vienne de My Dying Bride, Candlemass ou Skepticism. Un jour, apercevant le plafond de verre de mon modeste talent, je me suis rabattu sur l'acoustique, pour la pureté et la simplicité. Et depuis, j'ai toujours gardé en tête cette idée de me lancer dans du doom acoustique. Jusqu'à alors mon meilleur exemple dans ce prétendu genre était Tenhi. Mais avec 40 Watt Sun, la donne change. Certes, 40 Watt Sun n'est pas acoustique. Mais quand même. On ne tombe pas bien loin. Pas étonnant, que ce disque me fascine.
Petit rappel des faits : 40 Watt Sun est né des cendres du projet intitulé Warning. Le point commun étant la présence du chanteur/guitariste Patrick Walker (amen), à la bouille d'ouvrier Célinien complétement désabusé. Petit rappel bis : Warning est responsable de deux albums, dont le second, Watching From A Distance (2006) est à juste titre considéré par moi-même et de nombreux fans du genre, comme une perle unique et rare, très largement au-dessus de la mêlée. Watching From A Distance renouvelait le genre du doom traditionnel en le rendant émotionnel au possible, touchant, humain et à fleur de peau. En six morceaux, Patrick Walker avait mis au monde un monument toujours unique en son genre, et à ce jour indépassé. Vous aurez compris que sous cet éloge se cache une injonction d'écouter immédiatement l’œuvre dont il s'agit. Merci d'avance pour Patrick. 40 Watt Sun est un projet dans la droite ligne de Warning. The Inside Room (2011) avait été une Warhing-bis. D'une excellente qualité, il n'en atteignait le génie qu'en de ponctuelle occasion (on se souvient du bouleversant "Carry Me Home"). Ce touché exact du riff lourd, triste et apaisant tout à la fois. Le romantisme classe, façon doom metal, sans artifice aucun. A l'annonce de Wider than the Sky, si l'on savait que l'excellent était probable, on ne savait pas encore que le génie allait, à nouveau et dix ans après Watching..., frapper de nouveau.
Car Wider Than The Sky est bel et bien du niveau jusqu'à alors inégalé de Watching. Les riffs, rares, forts, sont les mêmes, le chant, fragile et profondément humain, est le même... Tout est identique, et pourtant, tout est différent. Watching était résolument doom metal dans son approche. Wider Than THhe Sky, pour être profondément doom, n'est quant à lui plus metal. Sans être acoustique, ce nouvel album est... rock... doom/rock, d'une manière jusqu'alors inconnue. Oui, 40 Watt Sun reprend le génie de l'un des meilleurs disques de doom metal jamais créé, pour l'appliquer à une sphère parallèle, plus douce, plus nuancée, plus subtile, avec un succès renouvelé. Avec deux albums d'un tel niveau en dix ans, Patrick Walker devient, s'il ne l'était pas, une légende. L'ensemble du disque tourne en rond, dans le bon sens, celui qui prend le temps de poser le propos pour mieux l'asséner, aussi la différence de durée entre "Stages" (plus de seize minutes) et "Marazion" (à peine quatre minutes) ne pose t-elle finalement aucune problème. Tout est dans la ciselure précise du riff, et dans les failles intérieures que découvrent ce chant clair à peine conscient d'être écouté. La mélodie ne se cache jamais et prend le temps de se développer. Les notes absentes comptent alors autant que celles étant jouées, et Wider Than The Sky le bien nommé, disque d'une humanité à nul autre pareil, est, dans l'entre-temps, devenu une merveille.
Par un coup de génie d'une simplicité évidente - la transition du tout metal, vers plus de douceur - 40 Watt Sun se hisse au niveau de son père Warning. Rien n'a changé et pourtant tout à changé. Ce doom/rock n'a rien de commun avec ce que vous connaissez dans le genre.Gommez Candlemass, gommez My Dying Bride, gommez Skepticism. Il s'agit ici de quelque chose d'autre.