Les fans de metal extrême ? Des abrutis. Leur musique ? Du bruit. Leurs goûts artistiques ? Sinistres, de la merde. Un exemple ? Le dernier Kampfar, quel nom risible, c'est des nazis, c'est ça ? C’est pas compliqué, dès les premières notes tu as compris. Un gars qui crie, des « musiciens » si on peut appeler ça comme ça, qui produisent un vacarme sans queue ni tête. Et cette pochette ! Putain cette pochette, mon Dieu, qu’elle est laide ! Bande de tarés ! Baltringues ! Allez, je retourne écouter ******, là y a de la mélodie, et puis au moins on comprend ce qu'il dit le chanteur.
Profan chasse d’entrée toute personne obtuse, tous ces gens prétendument tolérants. « Ah moi j’écoute de tout ! Du metal ? Ah non, quand même pas, faut pas exagérer ! » Le temps de quelques raclements de gorge et Kampfar se met en mouvement : Dolk explose, les musiciens exterminent la vermine d’emblée, "Gloria Ablaze" met les choses au point directement, sans préavis. Et si un quelconque « profane » (ah ah que c’est drôle !) osait passer à la seconde piste ("Profanum", lol), il recevrait également une bonne volée de bois vert bien méritée. Et en imaginant qu’il persévère jusqu’au troisième morceau, ses espoirs ne dureraient que quelques secondes, le temps qu’une mélodie improbable laisse sa place à un Dolk en grande forme, dont les « Icons ! », scandés avec conviction et véhémence finiraient de dégoûter tout auditeur un tant soit peu réfractaire au genre. Du coup, eh bien on se retrouve entre gens de bonne compagnie, entre amateurs de baston élégante, car c’est bien ce que propose la septième œuvre des vétérans norvégiens : du riff sec comme un coup de trique, de la double pédale en veux-tu en-voilà, de la rage parfaitement canalisée sous laquelle on perçoit une certaine beauté, ou plutôt une beauté certaine.
Le plus bel exemple est bien sûr l’intro de "Daimon" : après avoir reçu une pluie de coups quatre titres durant, la nuit se calme et des notes tirées d’un clavier sortent des entrailles de la terre. Rebelote sur "Pole in the North Ground" qui, après un nouvel épisode de rage, s’assagit et propose aux survivants une mélodie délétère mais également empreinte d’une certaine nostalgie, sortie d’on ne sait où. Les plus avisés des lecteurs remarqueront peut-être une ressemblance entre ces lignes et celles écrites pour Djevelmakt, c’est normal. Profan est dans la droite lignée de son grand frère, un peu plus irascible peut-être, mais la similitude est saisissante sans qu’on puisse songer à l’auto-plagiat, tant la sincérité et l’envie du groupe est évidente tout au long de ces quarante minutes de brutalité aussi lisible que classieuse. On ne déplorera qu’une micro-baisse de régime sur "Skavank", qui reste cependant de tout premier niveau et on appréciera la clôture en forme d’hommage à Quorthon qu’est "Tornekraft", menée de main de maître par Dolk, dont les modulations vocales (cf. également "Gloria Ablaze") sont un vrai bonheur. Mention très bien pour la pochette également : non seulement elle est belle, mais en plus son côté mystérieux et obscur, ainsi que sa teinte oscillant entre noir et ocre, résument parfaitement le contenu de l’album.
Kampfar signe encore un album magistral, les Norvégiens y distillent une liqueur qui arrache la gorge et tord les boyaux, mais qui laisse un excellent arrière-goût. Dans la droite lignée de son prédécesseur Djevelmakt, il démontre que longévité (vingt ans de carrière, ça commence à faire !) et envie sont parfaitement compatibles. Du black/pagan de très grande classe.