Nous revoilà, deux ans après la sortie de l’uppercut qu’était The Common Man’s Collapse, qui avait causé de nombreux maux de tête et saignements de nez à tous les fans de deathcore progressif. Cette fois-ci, le CD est un peu plus court, tout comme le titre, avec un sobre [id]. Pourtant « sobre », ce n’est pas du tout la caractéristique musicale de cette formation qui commence à se faire une bonne place dans la scène metal à l’entrée des années 2010.
Mais alors, pourquoi [id] comme nom pour ce deuxième album ? Les gars de Detroit se chercheraient-ils une identité malgré le missile envoyé deux ans auparavant ? C’est ce qu’il faut croire. Une chose est sûre, ils n’ont pas trouvé l’orientation de leur rendu visuel et graphique, à tel point qu’ils ont sorti cette pochette sous quatre coloris différents (rouge, jaune, vert et gris) afin de satisfaire les goûts et les couleurs de chacun. Mais au-delà de ça, pour trouver leur véritable voie, ils ont tout d’abord décidé de remanier un minimum leur line-up puisqu’ils se sont séparés de leur bassiste, Karl Higler, et ont récupéré Matthew Pantelis et sa sept-cordes. Ils ne sont pas ingrats pour autant puisqu’ils lui rendent hommage ici, par l’intermédiaire d’une piste portant son nom, la plus brutale par ses blasts et la plus rapide niveau tempo. En revanche, c’est celle qui s’éloigne le plus des préceptes du groupe, sonnant plus deathcore que progressif.
Hormis ce petit contretemps, il ne faut pas aller bien loin dans la composition pour s’apercevoir que l’identité de Veil Of Maya été gardée entièrement intacte. Ou presque. Il y a toujours cette piste d’introduction éponyme qui fouette le visage et débroussaille avant l’assaut. Les samples électro intéressants sur leur précédent opus ont été conservés ("Unbreakable", "Resistance"), les pistes interludes également, au nombre de deux cette fois-ci ("Martyrs" et "Circle") afin d’aérer l’ensemble et, bien évidemment, les breakdowns brise-nuque sauvages ("Unbreakable" à 2’59, "Dark Passenger" à 2’10, "Namaste" à tout moment, "Codex" à 1’00). Voilà, tous les ingrédients sont sauvegardés, la recette ne peut que prendre. D’ailleurs, "Mowgli" en est l’exemple parfait. Le stéréotype de la chanson Veil-Of-Mayesque incarné, puisqu’on y retrouve tout ce qui a été cité précédemment. Elle aurait même pu figurer sur The Common Man’s Collapse pour le coup.
Et parmi tout ça, un élément majeur a été renforcé. Celui qui provoque une parfaite alchimie, une cohésion essentielle entre l’artiste et l’auditeur : la mélodie. En 2008, la technicité était indéniablement au service de celle-ci. Mais depuis, le guitariste Marc Okubo s’est quelque peu calmé quant à la relation étroite qu’il entretenait avec son manche (esprits mal placés, veuillez sortir). Il a cette fois-ci voulu miser sur les mélodies plutôt que sur la technique, même si cette dernière est irrémédiablement omniprésente. Mais cela nous paraît moins être une démonstration de force. Une maturité appréciable en somme. Écoutez le trio "Resistance", "Conquer" et "Codex". Si les deux premiers titres pourraient ne faire qu’un, ils ont aussi la particularité de faire plus résonner la basse que les autres. Un son métallique parfait. Pour la dernière de l’album, ce qui marque, c’est son introduction mélancolique au plus haut point, à la limite de la nostalgie.
A l’instar de la jaquette multi-coloris, il y en a pour tout le monde. Si vous ne voulez pas de mélodie, mais de la polyrythmie et de la syncope à gogo, "Namaste" et ses nombreuses analogies à la série "Lost" (écriture des breakdowns et refrain pour les connaisseurs) répondra à vos attentes. Beaucoup plus axée sur la voix, celle-ci fera le bonheur de ceux qui veulent s’essayer à quelques vocalises. Pour les guitaristes et bassistes amateurs, ça sera un peu plus compliqué, même si vous avez un bon sens du rythme. De même pour l’autre tube, "Unbreakable", un tantinet plus mélodique avec ses harmoniques ultra aiguës, désormais marque de fabrique de la maison. Petite mention pour l’excellente et entraînante "Dark Passenger" qui livre un jeu sur les balances des plus intéressants, ainsi qu'un autre renvoi à une série télévisée, en l'occurrence "Dexter". Ce n’est pas un hasard si les trois meilleures chansons sont les plus longues.
Car [id] a beau être un album homogène au niveau de la longueur des titres, ni trop courts (2’56 au minimum) ni trop longs (3’44 au maximum), on constate qu’il n’atteint même pas la demi-heure. Et c’est regrettable, car la production est d’excellente facture. Rien de plus normal pour du Sumerian. Veil Of Maya signe là un deuxième excellent album, un ton en dessous du précédent, mais qui a d’ores et déjà sa place dans la collection de n’importe quel deathcoreux, surtout grâce à des titres qui resteront cultes.