On l’attendait, amateurs de riffs polyrythmiques, mélodiques, techniques, pachydermiques, et tout ce qui s’en suit, mordus à notre écran d’ordinateur depuis le début du mois de mai dans l’espoir que ce nouvel opus fuite un peu avant l’heure ! Il est désormais là, à disposition de nos oreilles affamées. Après trois ans d’attente, voici venu le nouveau rejeton des rois du Deathcore progressif, j’ai nommé Mesdames, Messieurs : Veil Of Maya !
Depuis quelques mois, le groupe dévoilait de temps à autres ses nouvelles compositions. C’est ainsi que les singles "Phoenix", "Mikasa" et "Teleute" étaient sortis sur YouTube bien avant l’heure et avaient laissé entrevoir un léger retour aux sources. Impression qui va se confirmer en bonne partie dans la suite de l’album. Après à peine vingt secondes de musique, pas d’erreur, on a bien à faire à du Veil Of Maya. "Nyu" fait office d’habituelle chanson d’introduction. Un bon riff bien syncopé pour nous mettre dans le bain, tout en incorporant de la voix, ce qui est une première concernant une chanson d’ouverture. Le mot qui vient à l’esprit après les trois premières chansons est « jouissance ». On repart sur les mêmes bases qu’Eclipse avait laissées. Le début électro de "Leeloo" nous renvoie à ce "Martyrs" dans [id] et son breakdown à 2’22, dans les cordes. Et que dire de "Ellie" ? Une des trois meilleures de l’album, et suite logique de "Leeloo". Un petit quelque chose d’[id] encore, des structures polyrythmiques partout, et un breakdown à 1’58 précédé d’un « But I am alive ! » qui colle encore des frissons des jours après. A ce moment, vient la désagréable sensation que l’album ne pourra pas tenir ce rythme fou jusqu’au bout. Ça démarre tellement fort que c’en est peut-être trop. Pourtant "Lucy" est loin d’être mauvaise, car elle permet de mettre en valeur le jeu varié d’Applebaum, et on perçoit une petite ressemblance avec "Entry Level Exit Wounds" de leur deuxième méfait. Arrive alors le premier tube de l’album : "Mikasa", connu de tous les fans pour être la première chanson du groupe avec une voix claire. Cette chanson deviendra magique à vos yeux grâce à son riff à la "Unbreakable" à 0’44, son riff d’après-refrain estampillé The Common’s Man Collapse, mais aussi et surtout en raison de la voix somptueuse et touchante du frontman durant le refrain qui vous restera instantanément en tête. Comble de la chose, vous vous surprendrez à fredonner du Veil Of Maya sous votre douche (non mais où va le monde ?). L’autre tube "Phoenix" est tout aussi marquant, mais tout à fait différemment. Une intro à la "Wounds". Une rythmique annonciatrice. Un « My dismembered soul ! » grogné avec force, avant l’explosion d’un riff phénoménal à 0’53 puis une guitare toute folle durant le reste de la chanson. Efficace.
Pardon mais, attendez, un peu plus tôt vous avez parlé d’une « voix claire » ? Alors oui, effectivement pour ceux qui ont vécu sur Mercure ou sur Mars durant les derniers mois, la précision est de mise : le Voile de Maya s’est séparé de Brandon Butler, son fidèle chanteur depuis 2007, après avoir composé son dernier fait d’armes, le single "Subject Zero", qui ne figure donc pas, par souci de cohérence, sur cet album. Après avoir pensé à recruter une femme, les Chicagoans se sont tournés vers Lukas Magyar. Non-content de porter le nom d’un peuple qui habite aujourd’hui l’actuelle Hongrie, celui-ci possède la particularité de maîtriser à peu près tous les chants possibles. Ecoutez "Aeris" pour vous rendre compte du monde qui sépare l’ancien chanteur de l’actuel, et de découvrir l’étendue de la palette vocale de ce dernier. Et bien sûr, parmi celle-ci... la voix claire. Celle qui faisait craindre le pire à chaque fan de Veil Of Maya en ce bas monde. Il faut reconnaître qu’aucun de nous n’aurait jamais imaginé que nos gars du Michigan nous sortent ce type de vocalise un jour. A vrai dire, personne ne s’est réellement intéressé à cet instrument dans ce groupe, car son homme fort a toujours été son guitariste virtuose Marc Okubo. Pourtant les cordes vocales de Magyar valent clairement le détour et ne dénaturent pas le moins du monde le son et l’esprit du groupe, au contraire. Elle les met largement en valeur ! En revanche, devant le buzz créé par l’excellent "Mikasa", Veil Of Maya s’est dit qu’il fallait pousser l’idée plus loin et a incorporé de la voix claire dans le reste de l’album. Désolé mais non, ça ne peut pas marcher partout non plus, surtout pas dans "Three-Fifty", dans laquelle la voix laisse franchement à désirer. Funeral For A Friend n’aurait sûrement pas craché sur un refrain de la sorte, mais nous si. Heureusement, c’est la seule catastrophe de l’album. Enfin si on excepte le titre éponyme instrumental d’un peu plus d’une minute, aussi inutile qu’un deuxième guitariste dans Veil Of Maya. En parlant du titre de l’album, vous avez remarqué que tous les titres de chansons renvoient à des héroïnes de films, séries, mangas ou jeux vidéo ? C’est fou ça, un concept-album ! Cela expliquerait la mise en avant de la voix claire peut-être.. Rah mais quel misogyne ce Djentleman ! (impossible puisque totalement incohérent avec son pseudo).
Au niveau du format, on reste sur du classique, avec une moyenne de 3 minutes par chanson, mais avec une durée d’album un peu plus longue qu’à l’accoutumée, avec trente-six minutes au compteur (contre vingt-huit, vingt-neuf et trente-trois pour ses prédécesseurs) pour douze titres, ce qui en fait l’album le plus long à tous les niveaux. Pour ce qui est de la production, comme le dit l’adage, on ne change pas une équipe qui gagne et c’est bien évidemment par l’intermédiaire de Sumerian Records, label djent par excellence, qu’est sorti ce Matriarch. Tout ça sous la houlette de Taylor Larson, qui a récemment produit Juggernaut, le dernier Periphery, rien que ça. Quant à l’éclatante et sublime pochette, elle ne trahit pas les thèmes mystiques abordés depuis [id]. La fin de la galette, avec "Daenerys", sorte de "Three-Fifty" mais avec un côté plus deathcore, et "Lisbeth", montre une possible orientation pour leur prochain album. Mais est-ce justement une expérimentation « feu de paille », ou un réel tournant « longue durée » dans leur carrière musicale ? Attention à ne pas trop abuser de cette nouveauté. Il faut savoir la doser avec parcimonie, l’apprivoiser, au risque de perdre une partie de leur auditoire (bien évidemment, cela ne concerne pas les plus fidèles qui sauront confortablement s’adapter). Bon, en même temps une chose est sûre, c’est que Marc Okubo fait ce qu’il veut, et se contrefiche que les fans adhèrent ou non. Mais nous n’allons quand même pas en chier une pendule pendant 107 ans (tiens, pourquoi 107 d’ailleurs ?) car cela reste un détail parmi toute cette œuvre. Parce que malgré ça, ça reste du Veil Of Maya, poussé à son paroxysme. On peut aisément dire que ce cinquième album est celui de la maturité, car on sent que nos musicos ont parfaitement réussi à intégrer tout ce qu’ils savaient faire jusqu’à présent, que ce soit au niveau de la puissance, des mélodies, de la technicité, des riffs polyrhtymiques empruntés au djent, mais aussi la voix claire de Magyar. Matriarch a clairement été écrit pour cette voix, et certaines de ses structures ont été composées autour de cette dernière, pour un rendu (presque) excellent. Voici la confirmation tant attendue qu’une telle voix peut tout à fait convenir à ce style tant décrié. Encore faut-il tomber sur la perle rare.
Vous attendez sûrement une conclusion en bonne et due forme qui résume cet album ?
Rien de plus simple : The Common’s Man Collapse + [id] + Eclipse + Lukas Magyar = Matriarch.