Cela fait un peu plus de sept ans que The Common Man’s Collapse est sorti. Sept ans c’est long et ça permet de bien mûrir la réflexion et l'analyse d’un album. Surtout qu’entre temps, trois nouveaux enregistrements sont sortis. Alors pourquoi revenir sur celui-ci en particulier ? Tout simplement parce qu’à ce jour, Veil Of Maya n’a toujours pas réussi à produire un meilleur album que celui-ci. Laissez-moi vous expliquer pourquoi.
Commençons tout de suite par ce qui fâche. Eh bien oui, ce n’est pas une note parfaite qui est inscrite sur votre gauche, c’est donc qu’il y a au moins un point négatif. Mais rassurez-vous, cela va être assez rapide et indolore. Sur dix titres, il y en a seulement deux qui ressortent un peu du lot, ou plutôt qui n’en ressortent pas. Ce sont "All Eyes Look Ahead", la piste la plus courteet "Sever The Voices", trop longue. Et ce n’est pas un hasard puisqu’avec l’excellente "Entry Level Exit Wounds", ce sont des réenregistrements de leur album de 2006, All Things Set Aside. Un full-length d’une qualité plus que médiocre, enregistré sous le label Corrosive Recordings, au même titre que Forging A Future Self de leurs compères After The Burial. Un son exécrable qui se remarque dans "Sever The Voices". Presque rien n’a changé, et elle fait presque tâche parmi le reste. Des blasts qui n’apportent rien à part de l’agacement, une musique trop étouffante et brouillonne, avec peu d’aération et surtout une durée infiniment longue, plus de cinq minutes de supplice. En ce qui concerne "All Eyes Look Ahead", on ressent aussi les premiers balbutiements du groupe, mais cette piste propose une mélodie et une technique déjà plus intéressantes, sans parler du riff bien syncopé à la fin (2’00), marque de fabrique du groupe. A vrai dire, on peut simplement regretter sa durée (2’30). Voilà pour les déceptions.
Passons maintenant aux choses sérieuses. Tout d’abord, un petit message personnel au frontman : « Désolé Brandon, tu remplis bien ton taf, mais on n’arrive pas à se concentrer sur ce que tu nous racontes. D’ailleurs, on ne sait pas vraiment ce que tu essaies de nous dire et c’est peut-être intéressant mais, sincèrement, on ne veut même pas savoir. Ce n’est pourtant pas la faute de ta puissante voix grave que tu modules aisément en chant aigu. Non, la seule véritable erreur que tu aies commise c’est de jouer aux côtés de Marc Okubo. » Oui, celui qui monopolise toute notre attention, c’est le guitariste fou. Car il parle également. Enfin, ce sont plutôt ses mélodies qui nous parlent. Oui, je me répète : cet album parle. Il s’amuse avec nous. "Crawl Back", "Mark The Lines", "It’s Not Safe To Swim Today", "We Bow In Its Aura", "It’s Torn Away" : toutes ces chansons nous harponnent de riffs ayant une signification. Ce sont des messages cachés, des codes cryptés. Et c’est ce pourquoi leurs mélopées restent facilement imprimées en mémoire. Et parmi cette sylve de lieds, quelques breakdowns viennent nous fracasser les cervicales de temps à autres. Au choix, vous pourrez vous contenter de celui de "We Bow In Its Aura" accompagné de son ambiance électro forte agréable (1’11), celui de "Mark The Lines" précédé d’un « Let the pain begin » qui se suffit à lui-même (1’49) ou encore de ceux de l’outrageuse "It’s Not Safe To Swim Today" (0’42 et 2’10).
Et au milieu de tout ça ? Après avoir eu le bon goût de nous fournir une introduction instrumentale ("Wounds"), histoire de nous conditionner au mieux (ce qui deviendra une bonne habitude par la suite), Veil Of Maya va nous placer un interlude ("Pillars") en plein milieu de l’album pour nous laisser un peu de répit dans ce déferlement d’informations diverses et variées toutes plus folles les unes que les autres. Et ces deux titres ne sont pas du tout superflus, contrairement à ceux que d’autres groupes ont pris l’habitude de balancer un peu n’importe où, et souvent pour faire le nombre. Elles restent dans le même thème grâce à leur riffs, répétitifs certes, mais suffisamment proches de la polyrythmie pour que nous ne nous en lassions pas. Ah oui tiens, en parlant de rythmes excentriques, si on tend bien l’oreille pendant les breakdowns de "Crawl Back" (2’41), "Mark The Lines" (1’49), et "It’s Torn Away" (0’36), on pourra entrevoir quelques sons étant partiellement les prémices d’un djent en maturation. Mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour de cet album, dont la pochette est un vivier de traces laissées à ceux qui l’ont déjà écouté. D’ailleurs si vous la trouvez quelque peu éloignée des préceptes auquel ce style est censé incomber, j’espère que vous n’allez pas trop vous y fier. Car vous êtes à des parsecs de vous imaginer ce qui vous attend.
Cet album a certainement tourné une cinquantaine de fois sur mon ordinateur (ainsi qu’une bonne cinquantaine dans ma tête), et impossible de s’en lasser, car c’est tout simplement une pure tuerie et, encore à ce jour, l’un des meilleurs albums de deathcore progressif, si ce n’est de deathcore tout court. Veil Of Maya a clairement posé les bases du genre et de sa discographie avec ce chef d’œuvre, cette pièce maîtresse qu’est The Common Man’s Collapse. Régalez-vous sans modération.