Oh chouette, un nouveau FK… à force, la formation suédoise est devenue le marronnier du monde progressif : une nouvelle sortie tous les ans, qui ne fera pas avancer le schmilblick et qui importe peu à la majorité, à raison pourrait-on dire. C’est que depuis l’âge d’or de 1997, les choses ont tout de même évolué dans le microcosme prog, et la tendance est plus à l’audace qu’à la nostalgie forcenée ; mais allez donc dire ça à un quinquagénaire qui baigne dans le milieu depuis plus de trente années…
La preuve, c’est que dans l’espoir de relancer la machine, tout ce que trouve à faire Stolt est de clamer un retour aux sources ! Sous-entendu, le temps insouciant de Retropolis, le classic prog dans toute sa splendeur, sans prise de risque ni prise de tête : on prend les pots des grands Anciens pour faire notre confiture, et tant pis si cela donne trop de grumeaux. Et c’est exactement ce qu’il nous est donné d’entendre sur le premier titre de The Sum Of No Evil, ce "One More Time" qui, de la première à la dernière seconde, est un rafistolage complet de plans inspirés/copiés au duo Yes / Genesis. Les Flower Kings n’ont jamais été les champions de l’originalité, mais là il faut l’entendre pour le croire : l’intro, la basse squiresque de Reingold, le refrain, les développements instrumentaux, tout, absolument tout évoque les deux ténors sus-cités. Ces malades ont même poussé le bouchon jusqu’à reproduire à l’identique les sons de claviers qu’utilisait Tony Banks sur la période charnière 73-74 ! Et paradoxalement (?), c’est sous ce masque que le groupe se montre sous son meilleur jour. Si la pratique « tribute-band déguisé » ne vous rebute pas à la base, ce voyage dans le temps vous fera passer un excellent moment riche en rebondissements, même si on repassera pour les surprises…
La surprise justement, parlons-en : Roine Stolt nous a pris pour des billes. Car passé ce premier titre délicieusement régressif, on se retrouve avec une heure de Flower Kings comme on les connaît trop bien, avec ses grands moments qui se perdent dans une masse disparate, ses paroles indigentes (comment peut-on oser démarrer un disque par un vers comme « It’s the beginning of the end, or just the end of the beginning » ?), et ses longueurs… à se demander ce qui se passe parfois dans la tête de Stolt et sa bande. Prenons le « morceau épique » de l’album, "Love Is The Answer" : quatre premières minutes excellentes, exposition et court développement du thème qui s’ensuit sur un passage sévèrement burné ; et un solo final superbe qui montre que Roine a encore de beaux restes. Ajoutons-y des micro-sections ici et là qui ensemble donneraient une section instrumentale tarabiscotée, mais prenante, et on obtiendrait une excellente composition de douze minutes avec de la passion et de l’énergie à revendre. Au lieu de ça, on se retrouve avec un pavé qui en fait le double et perd son chemin tantôt dans des digressions faussement jazz-rock, tantôt des scories anecdotiques. Ah, mais au moins ils les ont leurs vingt-quatre minutes, ils ont une réputation à défendre, tout de même.
Le reste ? Rien d’offensant à l’oreille, rassurez-vous, mais rien non plus qui fera chuter le patient vacciné contre la Roinite depuis bien longtemps. Ici, une tentative de ballade rock peu intéressante, sauvée in extremis par un Stolt décidément en grande forme ("Trading My Soul"), là un instrumental plaisant mais qui n’atteint jamais les hautes cimes ("Flight 999 Brimstone Air") et bien sûr, deux autres sagas de treize minutes : "The Sum Of No Reason", à la tournure heavy intéressante, mais qui s’essouffle sur la fin car perdue dans son propre délire ; et le transparent "Life In Motion" dont le final pompeux n’est absolument pas justifié.
L’intention d’un retour aux racines était finalement louable : au fond, les Flower Kings doivent bien se douter qu’ils ne sont pas là de reconquérir leur trône, alors autant récompenser la loyauté des fans. Mais les dix années qui séparent ces deux périodes ont fait leur office ; et l’identité boiteuse que s’est forgée la formation suédoise sur tout ce temps a pris le pas sur l’idée de départ. Pour preuve, ce disque qui brille par éclats mais souffre de ces défauts qui ont jalonné la carrière d’un groupe qui ne prend plus la peine de se remettre en question.