CHRONIQUE PAR ...
[MäelströM]
Cette chronique a été importée depuis metal-immortel
Sa note :
15/20
LINE UP
-A. Mazurel
(chant)
-A. Irissou
(piano+claviers)
-H. Mazurel
(guitares+mandoline)
-D. Martin
(guitares)
-T. Mazurel
(basse+contrebasse)
-F. Denaux
(batterie)
TRACKLIST
1)Dog meets wolf
2)Prayer in a Tango
3)Death of a writer
4)Haunted
5)Mescaline
6)In a bar with Billy Kunt
7)Son of...
8)The Assassin
9)Liberation
DISCOGRAPHIE
Quatre ans d’existence et une réponse. Une réponse cruciale que tous ont formulée. Tous se sont demandé comment moderniser la, ou plutôt les, folk-music. Comment prendre une musique passée et la rendre à l’actualité. Comment faire sonner une vieillerie pour qu’elle ait l’air froissée par le temps, mais nullement désuète. Et sort un album. Qui, en dépit de tous ses défauts, réussit à ouvrir la grille qui mène du présent au passé – et du passé au présent.
Dès le disque envoyé avec “Dog Meets Wolf”, on croirait entendre un croisement entre Neil Young et son vieux pote Charles Manson. Bien sûr, la jeunesse toute relative du groupe empêche certains éléments (notamment les textes parfois un peu simplistes) de donner le meilleur d’eux-mêmes. Mais au fur et à mesure, malgré les défauts de ce premier ouvrage, on y ressent un disque complet. La pochette représentant une assemblée compacte titrée La Fête Continue corrobore cette intuition. C’est un carnaval nocturne d’individualités masochistes qui délivrent chacune leur voix par l’entremise de chaque instrument présent. Et si on peut se sentir un peu perdu par moment, la faute en est à une production un peu brouillonne qui ne permet pas d’apprécier les magnifiques harmonies de chaque morceau. Pourtant il n’y a pas à écouter longtemps pour s’apercevoir que l’ensemble se fond admirablement...
Un excellent batteur pour base (“Death of a Writer”), une basse lourde ou dansante (“The Assassin”) que la production met sur le devant, et par-dessus moult mélodies collées et greffées les unes sur les autres à base de guitares (“Dog Meets Wolf”) des claviers baroques ou romantiques (“Liberation”), et par les apparitions succintes mais déjà jouissives de violons (“Prayer In a Tango”) et de cuivres (“In a Bar, with Billy Kunt”) qui se renforceront par la suite et apporteront cette touche supplémentaire qui deviendra vite indispensable. «Quitte à faire parler des chimères, autant qu’elles aient plusieurs bouches.» Jack the Ripper l’a bien compris et tente déjà, sur son premier album, d’enfoncer sa propre cage. Gare aux fous qui se complaisent dans leurs fauteuils : «We are making plans… to invade heaven!» tonnent-ils. Car le cabar-rock soigné que propose The Book of Lies tourne vite en rond, “…Billy Kunt” aurait mérité plus de fougue, et il manque une véritable accroche à “Liberation”. Alors le groupe tentera de lui-même de s’en extraire…
L’empreinte de Nick Cave & the Bad Seeds est encore forte (“The Assassin”), celle de Leonard Cohen aussi (“Son Of…”). Alors le groupe ira trouver en Europe de l’Est ce que Londres ou les Etats-Unis ne permettent pas. Quand Jack entonne “Prayer In a Tango” en pizzicato il ne joue pas juste du rock hispanisant, il joue un authentique tango aviné avec désir de mort et glorieux final yiddish en sus. Sur toute la longueur du disque on dirait moins que le groupe essaye de créer un morceau intéressant qu’il ne tente de personnaliser son univers au maximum. C’est à la fois la force et la faiblesse de l’album. Un impact léger sur la musique mais un cachet d’ambiance hors du commun. Et sur la mirifique “Death of a Writer”, indétrônable dark-song, cela ne se discute même plus. Tout y est dans le piano, tout y est dans l’accent sorti de nul part, tout y est en percussion et déroulement de pages encrassées. En arrachant l’écrivain de sa sphère papier, the Ripper arrive à écrire un livre de trois minutes au moyen d’ambiances parmi les plus soignées qu’il ait été donné d’entendre.
Et si pour cette heure le ton est au cabaret le plus nu, les lorgnettes du jazz de chambre d’I’m Coming puis du post-rock mystique qui arriveront dans Ladies First défieront qui que ce soit de douter des hallucinantes facultés protéiformes du groupe. Pour l’heure, Jack the Ripper compose un album brun. Brun comme la caféine, brun comme la nicotine, brun comme le whiskey. Bien sur le style est encore peu tempéré, “Mescaline” fut une erreur et “The Assassin” un titre prétentieux qui aurait mérité bien plus d’attention pour flanquer la frousse prévue. La recette est sensiblement la même sur tout le disque – de même que le chant qui force souvent bien trop. Et si l’album s’étiole de lui-même et qu’on lui préférera les fantastiques opus suivants, il dispose d’une atmosphère de cabaret propre qui le sort de la simple «mise en bouche». Jack the Ripper a réussi son but : ouvrir un portail. Et souvenez-vous : they are making plans to invade heaven...