Digital Connectivity est un DVD retraçant l'histoire de Fear Factory durant toute l'ère Dino Cazares, à savoir depuis Soul Of A New Machine jusqu'à Digimortal. On y trouve les habituels délires en coulisses et fêtes dans le tour-bus dont les groupes de métal aiment à nous abreuver, mais aussi beaucoup plus que ça. L'évolution du groupe est abordée sous presque tous les angles possibles: au niveau purement musical, au niveau scénique, via leur clips, etc. Au final, ce DVD nous permet même d'apprécier la personnalité de chacun des membres. Un bien bel objet, ma foi.
Le DVD peut se regarder d'une traite, prenant alors la forme d'un long documentaire divisé en quatre parties: Soul Of A New Machine, Demanufacture, Obsolete et Digimortal. A ce propos, on regrettera un léger manque de précision dans les menus: il est possible de choisir quelle "ère" on veut voir, d'accéder directement aux clips dans chacune de ces ères, mais la liste totale des chapitres n'est présente nulle part! C'était bien la peine d'inclure un livret dans le packaging! Pas de moyen d'accéder directement aux lives: il faut regarder le documentaire et sauter les chapitres jusqu'à tomber sur un extrait de concert. Heureusement le DVD est bien chapitré. Le livret est totalement rempli par un texte de Burton C. Bell retraçant l'histoire du groupe, texte assez dispensable, pompeux et lourd car trop conceptuel (le groupe est appelé «the machine», les membres «individual parts», etc.).
Dès le départ, le concert au Dynamo Festival de 92 pose une donnée constante: Fear Factory sur scène sont (étaient?) un groupe d'énervés. Quelle énergie, quelle bande de secoués! J'ai rarement vu les membres d'un groupe se démener à ce point, sauter partout, headbanguer comme des aliénés, courir sur d'un bout de la scène à l'autre… La comparaison avec la plupart des groupes de métal récent fait mouche: combien de musiciens de métal passent tout un concert vissés à leur place sur scène? Trop… Sur ce plan-là, Fear Factory n'avait de leçon à recevoir de personne dès le début.
Les lives sont volontairement non retouchés, tant au niveau du son que de l'image, et on a donc droit à certains passages très "amateurs" dans l'esprit, avec un son de bouillie. Mais la précision rythmique du groupe n'est jamais mise en défaut. Il est impressionnant de voir à quel point le jeu de scène "bondissant" des sieurs Cazares et Olde Wolbers n'affecte en aucun cas leur jeu. C'est d'autant plus vrai pour le bassiste, qui dégage une impression de folie furieuse, et qui dès l'ère Obsolete joue sur Fender Jazz Bass à cinq cordes. Cet instrument est un sacré bout de bois très lourd (je joue dessus), et le voir rebondir partout avec ça dans les bras tout en assurant ses parties d'aller-retour supersoniques fait presque peur quand on imagine la condition physique nécessaire.
La première partie comporte donc surtout des extraits du Dynamo, et permet aux zicos de se remémorer leur passé comme l'intégration d'Olde Wolbers dans le groupe, alors qu'il était juste en vacances aux States! Les vidéos amateur de concert dans des caves ou des salles des fêtes sont sympa, et l'Anglais des musiciens est assez compréhensible, même si l'absence de sous-titres sera un barrage pour beaucoup. La partie Demanufacture propose le premier clip de la formation, "Replica", pas trop mal réussi même si totalement dénué d'originalité. En parlant des clips, pas grand-chose d'impérissable ici: le clip de "Cars" (l'immonde reprise de et avec Gary Numan) est affreux, bien que bénéficiant d'un réel budget. Resurrection est intéressant dans son rapport à l'histoire-concept d'Obsolete, mais surtout pour nous rappeler que l'histoire ne finit pas: alors, l'Edgecrusher arrive dans une église, ça lui fait ressentir des choses, et…? Et on ne sait pas. Le clip de "Linchpin" est extrêmement sobre, le groupe joue la chanson avec des images de machines intercalées, représentant assez bien le côté «marteau-piqueur »de leur musique.
Les ères Demanufacture, Obsolete et Digimortal valent surtout pour leurs live: la version présente de "Self Bias Resistor" est un rouleau compresseur, malgré un son de mauvaise qualité, ce qui souligne la qualité de la prestation des Américains. Et l'ambiance du concert est réellement folle, tant sur scène que dans le pit. Le rapport du groupe à ses fans est traité en profondeur, en particulier les fans hardcore, comme ces types qui font signer le groupe sur leurs bras pour ensuite se faire tatouer leurs signatures (?!), ou celui qui a insisté lourdement pour que Raymond Herrera honore son épouse. Passons. En parlant du batteur, il semble acquis que cet homme est réellement un monstre, sans aide technologique pour assurer ses parties les plus véloces, malgré les rumeurs courant sur son compte. Désolé, batteurs de tous horizons, vous avez encore beaucoup, beaucoup de boulot…
Un petit mot sur les parties narratives: les musiciens sont très sympathiques, entre Raymond Herrera systématiquement présenté en train de manger ou de jouer à la Playstation, Burton le tout gentil, Dino et son look (très) gros nounours ainsi que sa passion pour les porno stars à gros seins (on compte d'ailleurs une apparition de Ron Jeremy!!), et enfin Christian et son incomparable bonne bouille. Le discours tenu sur le groupe, son concept, et le concept propre à chaque album est en général intéressant et pertinent. Une jam avec les Pantera ajoute une touche d'émotion involontaire, surtout quand on voit feu Dimebag Darrell repeindre le bouc de Dino en rose. Les petits passages humoristiques sont amusants, et en général l'équilibre narration/live/clips est bien pensé. Personnellement j'aurais bien aimé plus de séances d'enregistrement en studio, mais bon, on ne peut pas toujours tout avoir…
Pour finir, parlons du bonus: Fear Factory a inclus un album entier de remixes, B-sides et musiques pour le jeu vidéo "Demolition Racer" dans son DVD, rien que ça. En gros, une collection de raretés qui fera le bonheur des collectionneurs. L'interface est très mal foutue: il est impossible de faire pause, avance rapide ou quoi que ce soit. Un mauvais point! Au niveau musical on trouve du moyen et du moins bon. Les faces B sont d'un niveau correct sans plus. Et bien que rompu à l'exercice des remixes, il est acquis que Fear Factory n'a jamais réussi à sortir un remix plus puissant que le titre original, ni jamais sorti de remix réellement immonde... "Cyberdine" fait bien bande originale de film de science-fiction, et le reste oscille entre la house, la jungle, et la hard-tech. Avis aux amateurs…
En bref, ce DVD est très plaisant dans l'ensemble et se présente comme une bonne synthèse de la carrière de Fear Factory avec Cazares, malgré l'impasse faite sur les albums de remixes Fear is the Mindkiller et Remanufacture. Le fan moyen en aura pour son argent, c'est plus qu'honnête en qualité comme en quantité. Il semble que la tendance actuelle soit aux bons DVDs de métal, on est donc en droit de se réjouir et d'espérer que tous les groupes nous ressortiront des produits de cette qualité.