Mai 2022, on peut dire que deux ans après la pandémie qui a touché le monde entier, les concerts ont repris de plus belle. Et en ce mardi, Lille, une fois n'est pas coutume, participe à la fête avec une affiche plus qu'alléchante, jugez vous même : Meshuggah les monstres du metal progressif tendance djent et Zeal & Ardor, LA révélation de l'avant garde metal.
Ce sont les ex-New Yorkais rapatriés en Suisse qui ouvrent le bal, et au vu des t-shirts en nombre chez les spectateurs, le combo n'est pas en terre inconnue. D'ailleurs la salle est comble, chose assez rare pour une première partie. Il faut dire que la bande emmenée par son charismatique leader Manuel Gagneux gagne en popularité au fil des ans, des albums mais surtout des tournées. Si ZEAL & ARDOR peine encore à faire pleinement l'unanimité sur support audio, il s'est taillé une solide réputation live, et autant vous dire que cette dernière est totalement méritée tant le show de ce soir est une énorme claque. Malgré son statut d'opener le groupe bénéfice d'une très grande partie de la scène de l'aéronef. Ainsi les six artistes ont loisir de pleinement s'exprimer à l'image du second guitariste (Manuel, le vocaliste, étant aussi à la gratte) complètement hors de contrôle mais totalement à l'aise avec son instrument. La configuration du sextet n'est pas banal. Outre le leader, il est accompagné par deux choristes, un guitariste, un bassiste et un batteur.
Portée, évidement, par le talent indéniable de Manuel mais également par ses deux compères au chant, irréprochables, la troupe réussit ce soir un coup d'éclat. Manuel quant à lui dispose d'un micro à double sortie, un pour sa voix claire et l'autre pour les screams avec un effet de résonance qui sied parfaitement à cette facette assez hardcore du chanteur. La réussite totale de ce set repose sur plusieurs éléments. Une symbiose parfaite entre les membres, un son violent, ravageur porté par une rage (vocale et instrumentale) et une énergie bluffante mais également par l'intensité apportée par le groupe. Manuel vit et ressent parfaitement ses compositions, ses expressions, en sont témoins des œuvres comme l'époustouflante "We Can't Be Found" mais également "Run", "Don't You Dare" ou encore "I Caught You". Parallèlement le groupe a choisi d’interpréter leurs titres taillées pour le live, leur puissance étant facilement retranscrite à l’instar de "Row Row", "Death to the Holy", "Baphomet" ou encore "Götterdammerung". Ajouté à cela un jeu de son et lumière de pro et vous obtenez ainsi un premier acte mémorable. Le néo fan que je suis est plus que satisfait, et, mon petit doigt (ou plus précisément mon oreille qui traîne) me dit que je suis loin d'être le seul.
Après une petite bière bien méritée, je profite de l'accès ouvert à la mezzanine (ce qui est très rare à l'Aéronef pour un concert de metal) afin de profiter du set de MESHUGGAH, car au vu de l'installation scénique, la vue en hauteur (mais à distance raisonnable) semble la plus adéquate. Si votre serviteur était en terrain conquis avec Zeal & Ardor ce n'est pas le cas avec Meshuggah, leur metal prog technique et djent n'étant pas mon domaine de prédilection. Cependant, j'ai trouvé leur dernier rejeton, Immutable plutôt de qualité et quand je vois l'attroupement et les cris au moment de l’extinction des lumières, je me dis que le show risque d'être unique. Et pour tout vous dire il l'est. Fort de ses trente-cinq ans d'existence, la bande à Thordendal (guitare) et Kidman (chant) ont acquis un savoir faire scénique unique en sont genre. Là encore les jeux de lumières sont tout simplement sublimes mais surtout au service du rythme de la musique. C'est ainsi que sur l'opener, "Broken Cog", le groupe est disposé devant des chevalets représentant leurs ombres. Le rendu est époustouflant, et tout le long du set le groupe jouera avec ses effets qui suivent en parfaite adéquation les effets musicaux propre au djent. Si le dernier effort des Suédois est bien sûr à l'honneur, Meshuggah va passer en revue une partie de leur discographie, allant du second effort Destroy Erase Improve (avec la cultissime "Future Breed Machine" en conclusion du set) en passant par ObZen ou encore Catch Thirty Three.
De ce dernier est interprété le diptyque "In Death" (précédé de "Mind's Mirror") pour ce qui se révèle l'un des moments forts du set. L'ensemble dure une petite vingtaine de minute. Meshuggah calibre sa setlist de manière très intelligente, intégrant entre leurs compositions techniques quelques morceaux plus directs comme l'excellent "Rational Gaze", "The Hurt that Finds You First" ou encore "Born In Dissonnance", peut être le titre préféré de votre serviteur ce soir avec la dynamique "Straws Pull At Random". Mais ce qui frappe pendant ce show, c'est la communion entre le groupe et son public. Durant certains passages, ce dernier semble tout bonnement hypnotisé, tous bougeant exactement au même rythme comme rarement lors d'un concert de metal, l'exemple le plus frappant étant sur le titre "Pravus". Et que dire de sa joie au moment du classique "Future Breed Machine" ! Une audience aux anges, c'est ce qu'il ressort de ce show unique, une expérience musicale qui aura vu des fans en osmose avec le groupe, celui-ci (tout comme Zeal & Ardor) n'ayant pas besoin de parler entre chaque piste. Les frontmen des deux collectifs énonceront quelques mots de ci de là, mais avec le sourire et une joie d'être là fortement visible.
Merci à A Gauche de la Lune Production pour l'invitation à cette soirée de metal avec Zeal & Ardor qui confirme son statut de grand espoir de l'avant garde metal (et du metal tout court) et Meshuggah qui prouve qu'il est l'un, voir le plus grand groupe de metal progressif actuel, n'en déplaise à certains puristes n'adhérant pas au style djent pratiqué par le groupe qui traverse les décennies avec une fan base solide et fidèle.