06 décembre 2016
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Paris - Bataclan
Mais qui, qui, qui, qui a bien pu avoir l'idée de placer
High on Fire en première partie de Meshuggah ? Un
power-trio nourri à la bière, avide de
power-chords, ravi de balancer à la face de son public des pistes toutes taillées de «
rock gras / stoner », rythmiquement basiques, grasses et lourdes. L'ensemble avant Meshuggah, pour mémoire. Ce groupe chirurgien parmi les chirurgiens. Lourd également, peut-être, mais tout sauf gras du bide ! J'aurais aimé voir une première partie un peu plus en adéquation avec le maître de cérémonie. Mais avec High on Fire : la catastrophe. Tout ce qui m'ennuie, à titre personnel, en musique, se retrouve dans la musique du groupe. Forcément, je n'ai rien à en dire de positif : le concert fut... nul. Et statique en plus. Je passe donc sur mes commentaires acides à l'encontre du programmateur (j'ai en réalité bien compris le lien entre les groupes : le label) pour aller directement voir du côté de Meshuggah. Qui, pour mémoire, n'est pas un groupe de stoner. Qui est, d'ailleurs, grosso modo, l'antithèse d'un groupe de stoner. Alors désolé pour le professionnalisme, mais c'est un coup de gueule. Pour ce type de soirée, les affiches sont meilleures lorsqu'elles sont cohérentes. C'est dit.
Meshuggah, donc, enfin, nous réveille de notre torpeur au son d'un bon gros "Clockworks", véritable surpuissance rythmique du dernier album en date. D'emblée - et ce n'est encore qu'un aperçu - ce sont les lumières, les jeux qu'elles entretiennent entres-elles et avec nos rétines assaillies, qui impriment le ton de la soirée. Sauf que, sauf que... Dès la seconde moitié de ce premier morceau, drame : lesdites lumières s'évaporent, disparaissent, nous laissant dans une «
perpetual black second » étonnante. D'abord amusé, je commence à craindre que le reste du concert ne doive se priver de ces fameuses lumières, qui participent tellement de l'ambiance de Meshuggah sur scène. Jens Kidman, au chant monotone si adapté à la musique du groupe, se découvre alors timide, visiblement peu à l'aise, presque touchant, lorsqu'il s'agit de broder un peu et de faire la discussion en attendant que ce problème ne soit résolu, ce qu'il fini par être, au grand soulagement du public et du frontman, qui peut alors reprendre ses cris linéaires et emplir l'espace sonore du Bataclan bien plus fort qu'il ne l'a jamais, jamais été. Car Meshuggah, en live, en plus d'être un set de lumières complétement dingues, épileptiques, variées, innovantes, du genre à emporter l'ensemble du public sur une autre planète inconnue de cet univers infini, c'est aussi un son, une densité, rocheuse et mécanique à la fois. «
Tellurique », dirait un poète. «
Cyclopéenne », dirait un Lovecraftien. «
Trop déter de ouf' », dirait un sale ado nullar nazi. Un son, une force qui corrige tous les défauts de linéarité excessive de la version studio et polie de Meshuggah. Le rendu réel de cette puissance ôte au temps tout interstice au travers duquel l'ennui ou l'absence pourraient s'introduire ; et ne reste alors que cette puissance sidérale et monolithique d'un groupe venu pour jouer, qui ne décroche - volontairement et non par fainéantise - pas un mot autrement que pour introduire l'inévitable "Bleed" en fin de set. Dont il faut d'ailleurs rappeler qu'il est inattaquable. L'ensemble, cette sensation et ce choix de pistes, sur le fond de ces lumières auxquelles je reviens toujours et dont il faudrait tant parler, mais qu'il faut surtout et avant tout, vivre et voir ; cet ensemble-là était parfait.
Comprenez-le bien, Meshuggah est un titan, discret eut égard à sa taille réelle, qui doit être rencontré en face. Pour se rendre compte, réellement, de sa force, de sa vitalité, de son apport. Pour s'en prendre plein la pogne, pour disparaître sous les coups, pour fondre, pour voir et vivre. Meshuggah : ce grand groupe.