Jour
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:09 août 2024
Trois jours, quatre scènes, des dizaines de groupes. Une fois encore, l'Alcatraz fait miroiter quelques noms qui donnent envie de faire le déplacement jusqu'à Courtrai pour voir, et encore plus entendre, de quoi est fait le metal vivant à l'été 2024. Here we go (again)!
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DYSCORDIA - 11h20-12h00 - Prison Stage (MFF)
Formation ultra locale, Dyscordia a l’honneur d’ouvrir le festival, sous la pluie, une entame qui renvoie aux bons souvenirs de l’édition 2019. Les Courtraisiens ne s’en laissent évidemment pas compter et déroulent un metal progressif peu novateur mais bien huilé. Entamant le set une bouteille d’eau de source à la main, le chanteur Piet Overstijns montre son sens de l’à-propos en entonnant le refrain de "Toxic Rain" - « here comes the rain » - bien vu. Trois guitaristes sont à la manœuvre et contentent une audience certes modeste mais fervente, faisant la part belle à leur quatrième et dernier LP paru au printemps, The Road To Oblivion. Du solide d’entrée de jeu.
MASSIVE WAGONS - 12h25-13h10 - Prison Stage (MFF)
Il y a ce truc avec les Brits : sur scène, ils peuvent être habillés n’importe comment, faire à peu près n’importe quoi, ils restent classe (sauf Iron Maiden). Vérifions avec le chanteur de Massive Wagons, troupe originaire de Lancaster : chaussettes de clown – ou plutôt à clowns - Converse myosotis associées à un blouson de campus US pervenche sur un t-shirt floqué Anti-Nowhere League et - Jesus! - un fokin' pantacourt. Un compatriote de Bernie Bonvoisin ou de Jon Bon Jovi avec la moitié de ça sur le dos passerait direct pour un ringard. Pas Barry « Baz » Mills qui, de surcroît, fait des doigts à tout va et se tient régulièrement les parties. Il porte bien sûr de nombreux tatouages, qui apparaîtront une fois que le vocaliste à ressorts aura tombé la veste à la faveur d’un soleil désormais bien accroché. Le reste du gang est plus sobre, même si le guitariste Adam Thistlethwaite, sourire immuable, remue aussi sacrément.
Mis sur pied à la suite d'un concert d’Airbourne et nommé d’après le surnom d'une barmaid, Massive Wagons délivre un hard rock teinté de punk avec force chœurs sur des refrains qui semblent être conçus pour être braillés (avec dignité) dans un pub humant le fish & chips. Sans surprises eu égard au registre pratiqué, le quintet offre son lot de vindictes adressées aux bigots, politiciens et consorts, notamment via le single "Missing On TV" en avant première de l’album Earth To Grey à paraître en novembre chez Earache Records. Le tendre "A.S.S.H.O.L.E" est écarté, mais les lads citent "No Woman No Cry". Du classique, sans doute, mais avec la juste dose de spontanéité matinée d'insolence qui fait mouche. Les Anglais comme on les aime.
SKELETAL REMAINS - 13h10-13h55 - Swamp (Shamash)
À peine le temps de monter la tente que je fonce sous la Swamp afin de revoir Skeletal Remains. Les États-uniens ont sorti au printemps un album de death de très bonne facture. Fragments Of The Ageless a confirmé que la formation comptait désormais dans le paysage death metal international. À grands coups de riffs puissants, ils sauront défendre comme il se doit leur dernière livraison, notamment l’excellent "Relentless Appetite" aux forts relents de Morbid Angel. Chris Monroy, leader incontesté de la troupe, prouve une fois encore qu’il est un frontman de grande qualité et un guitariste au jeu délectable. L’ensemble du concert est puissant et précis, remettant au goût du jour, un death metal qui regarde vers les années quatre-vingt-dix. À force de tourner, le quartet devient une valeur sûre du genre, à ne pas rater s’il passe près de chez vous.
THE LUCIFER PRINCIPLE - 13h20-14h00 - La Morgue (MFF)
On passe une tête sous le chapiteau de La Morgue pour approcher un spécimen d’une espèce portée disparue lors de l’édition précédente : le groupe néerlandais. En provenance d’Appeldorn, The Lucifer Principle, trois albums en vingt ans d’existence, envoie un death metal vigoureux et groovy, chargés en blasts et breakdowns. Les Bataves ont remisé depuis longtemps la contrebasse qui les distinguait à leurs débuts et se montrent plutôt agités, entre un guitariste qui descend dans la fosse faire la chenille et un vocaliste vociférant qui ne tient pas en place et s’offre un bain de foule. Les compositions tiennent la route, "I Am the Law" clôturant le set faisant moins songer à Anthrax qu'à "Roots Bloody Roots" de Sepultura . On est rarement déçu avec le dutch death metal - confirmation ici.
THE KILLBOTS - 14h35-15h20 - La Morgue (MFF)
Autre groupe vingtenaire dont la productivité n’affole pas les compteurs – un album, un EP - The Killbots œuvre dans un stoner aux accents southern rock. Les deux guitaristes se partagent le chant crié tandis que la basse est mise en avant. Pas de vibrations écrasantes, ce qui est une bonne chose pour l’équilibre sonore mais laisse aussi filtrer quelques faussetés de la part des six-cordistes, dont un sosie crédible de Titoff. Le batteur à grimaces tape ses peaux avec la rudesse attendue tout en alternant les tempos. Il se montrera plus délicat avec les maillets à feutrine qu’il utilisera sur un long titre instrumental à l’effet desert rock saisissant, durant lequel sont invités un guitariste ressemblant à Christian Clavier jeune et un monsieur qui souffle dans une sorte d’harmonica émettant des sons cosmiques. L’accélération finale confirme la bonne impression laissée par les Limbourgeois.
MISERY INDEX - 15h50-16h40 - Swamp (Shamash)
La Swamp voit revenir un grand nom du death grind. Misery Index est de retour pour mettre une bonne claque à tout le monde. Depuis maintenant plus de vingt ans, les États-uniens mettent un point d’honneur à éclater les tympans du public venu se frotter à eux. Jason, malgré les années, a toujours autant d’énergie et éructe ses paroles avec une rare virulence. Ses compagnons se mettent au diapason et offrent une prestation violente à souhait. À noter l’absence du charismatique Mark Kloeppel remplacé sur cette tournée par le Nordiste Geoffroy Mansard d’Embrace Your Punishment, qui a su parfaitement s’intégrer au reste du groupe. "The Carrion Call", "New Salem" résonnent lourdement, avant que Traitors ne vienne achever un set dense et brutal.
FIRE DOWN BELOW - 15h55-16h40 - La Morgue (MFF)
Déjà présents à l’édition 2019, les Gantois donnent l’impression d’être restés bloqués dans une faille temporelle : même chapiteau, même line-up (un bon point, a priori), même disposition des musiciens sur l’estrade, mêmes images en arrière-plan, même logo psychédélique sur la grosse caisse, mêmes barbes plus ou moins soignées, mêmes baskets, mêmes pédales d’effet. Le style ? Inchangé lui aussi, et on ne va pas s’en plaindre : du desert rock à la fois lourd et énergique – du Kyuss boosté pour faire court. Le guitariste-chanteur Jeroen Van Troyen, dont l’organe est légèrement sous-mixé, y va de son petit tour dans l’assistance, plus timide qu’il y a cinq ans toutefois. Après un "California" quasi hymnesque, le frontman obtient un mosh pit sur "The Last Cowboy", les deux titres étant tirés de Low Desert Surf Club, dernier LP en date sorti en 2023 – la voilà, forcément, la nouveauté par rapport à leur apparition d’avant le Covid. Seul "The Mammoth", final façon grand huit, est sauvé des enregistrements antérieurs, le premier en l’occurrence. À l’issue d’une ultime embardée, Van Troyen lâche un scream libérateur et remercie chaleureusement ses compatriotes venus l’écouter. Comme en 2019.
THE CASUALTIES – 16h25 -17h15 - Helldorado (Shamash)
Je dois avouer ne pas bien connaître le groupe de punk new-yorkais. Autant le dire sans ambages, leur prestation sous la Helldorado m’a conquis et donné envie d’approfondir le sujet. Punk classique, puissant et radical, le groupe enchaîne les titres qui permettent au public de se déchaîner. Leur chanteur ira même faire un tour dans la fosse, pour prendre la température, déjà élevée. Ça bouge dans tous les sens, ça joue simplement et efficacement. Bref, un concert de punk tel qu’on se l’imagine. Et une belle découverte pour ma part.
FEUERSCHWANZ – 16h25 -17h15 - Prison Stage (MFF)
Des types et des filles harnachés dans de la quincaillerie antiquo-médiévale jouent des chansons festives à faire passer Alestorm pour Alcest. Les lascars portent des lunettes roses, parfois à l’envers - de l’allégresse pour certains membres du public, une trépanation sans anesthésie pour d’autres. Un truc classe, cependant : le violon de couleur bleue tenu par l’une des dames.
BEAST IN BLACK - 17h50-18h50 – Prison Stage (MFF)
Phébus donne à plein en cette fin d’après-midi et justifie les lunettes noires portées par certains membres de Beast in Black - pas les spéciales « Crazy Mad Insane », malheureusement. L’obstination à inclure dans la setlist des titres sans grand relief du premier album en laissant de côté celui-ci et d’autres des suivants ("Midnight Rendez-vous", "From Hell with Love") ne laisse pas d’étonner, mais ce sera bien la seule (petite) réserve émise à l’issue d’une prestation à nouveau impeccable des power métalleux rassemblés par Anton Kabanen, le discret de la bande. Les ballades sont exclues, au bénéfice des speederies euphorisantes. Légèrement en retrait, les samples ne constituent pas l’essentiel du propos musical comme chez certains collègues, mais propulsent et renforcent les refrains imparables à reprendre en chœur qui font le succès de la troupe basée en Finlande. Les chorégraphies sont rodées, les pitreries du guitariste Kasperi Heikkinen et de Máté Molnár muni d’une nouvelle basse customisée aussi.
Les rictus d’Atte Palokangas derrière ses fûts sont de la partie tandis que Yannis Papadopoulos alterne le miel et le feu dans son gosier, et se permet quelques facéties avec les instrumentistes que l’on avait peu constatées jusque là. Le décorum est chiche, la femme-tronc en plastique a été virée (tant mieux). Le single "Power of the Beast" sorti il y a un mois et demi passe comme une lettre à la poste, le discoïde "One Night in Tokyo" met des paillettes incandescentes (virtuelles) dans le parterre avant que le quintet ne termine en force sur le traditionnel "End of The World". Du Beast in Black pur jus, qui aura appliqué sa recette avec style pour le plus grand plaisir de l’assistance.
UADA - 20h20-21h15 - La Morgue (MFF)
Digne représentant du black metal à capuches, Uada déroule avec conviction ses compositions insistantes dans une brume blanche contrastant avec les tenues sombres des musiciens. D’une durée conséquente, les déferlantes de metal grésillent jusqu’à s’affaisser dans des tempos apaisés. Solos, chant clair et passages heavy vintage ponctués de levers de guitares offrent des instants de respiration qui singularisent les hommes en noir de Portland par rapport à leurs homologues de Mgła au style similaire. De brèves ruptures de son sur une guitare ne remettent pas en cause la puissance dégagée par la horde énigmatique qui aura scotché pas mal de monde dans la fosse.
THE OCEAN - 21h00-22h00 - Helldorado (MFF)
Baignant comme à son habitude dans un sombre arc-en-ciel qui donne une sensation d’immersion dans une fin du monde en approche, The Ocean fait la part belle à Holocene, le dernier LP du collectif allemand paru en 2023. Le sludge atmosphérique asséné est conforme à l’identité du groupe et à ses prestations live antérieures, les déflagrations de guitares lourdes alternant avec les accalmies trompeuses. Comme à son habitude, Loic Rossetti se fait porter par les premiers rangs tout en assurant ses parties de chant, on sent qu’il maîtrise son sujet. Fidèle, solide, intense : The Ocean a assuré, une fois encore.
SAXON - 21h10-22h20 - Prison Stage (Shamash)
Saxon est de retour deux ans après son passage à Courtrai. Difficile de ne pas aller voir ce monument du heavy britannique. Plus d’une heure de musique avec un Biff Byford qui semble en forme, malgré ses soixante-treize ans et ses problèmes cardiaques. Les classiques "Wheels of Steel" et "Crusader" sont parfaitement exécutés, tout comme les morceaux plus récents. Les musiciens font preuve d’un grand talent et d’un professionnalisme impressionnant. C’est sous le culte “Princess Of The Night” que s’achève la leçon de heavy.
PARADISE LOST – 22h20-23h20 - Swamp (MFF)
Décalée d’une dizaine de minutes en raison du retard pris par Whitechapel, la prestation de Paradise Lost débute sur un extrait de Draconian Times, "Enchantment", qui laisse à penser que les gars d’Halifax sont partis pour sécuriser la setlist. Effectivement, les classiques seront joués, y compris "Say Just Words" qui suscite pourtant un engouement mitigé et une interrogation quant à l’acharnement du quintet à l’inclure aussi souvent dans ses setlists. Les temps faibles sont rares néanmoins et en dépit d’une batterie un peu trop mise en avant, le son valorise des compositions impeccablement interprétées. Nick Holmes se montre impliqué, alternant grognements et chant clair au gré du répertoire courant sur plus de trois décennies, et lance quelques commentaires pince sans rire (lui ne rit jamais) entre chaque titre – so british.
Les incunables "As I Die" et "Pity the Sadness" ainsi que l’obsédant "No Hope In Sight" déclenchent les réactions les plus enthousiastes, et il est réconfortant de constater que les vétérans de la scène doom death, qui ont joué ces morceaux des centaines de fois, sauf "Ghosts", issu du dernier (vrai) album en date (Obsidian), montrent une conviction qui trahit leur foi dans leur art. Mackintosh, prostré sur sa guitare secoue sa crinière sur chaque riff, son alter ego Aaron Aedy arbore en permanence un sourire de contentement tout en donnant l’impression d’être possédé par chaque accord, tandis qu’à la basse Steve Edmondson affiche un flegme qu’on qualifierait de britannique si l’on n’avait pas peur de donner dans le cliché (n’empêche, il n’a pas bougé hors d’un cercle d’un mètre de diamètre et gardé la même neutralité faciale pendant une heure). Les soixante minutes dans des conditions comme celles-ci passent bien vite, ce qui constitue clairement un bon indicateur du plaisir ressenti, des deux côtés des barrières manifestement.
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BRANT BJORK TRIO – 22h20-23h20 - La Morgue (Shamash)
Je me perds sur le site du fest pour atterrir sous la Morgue, la plus petite tente et scène de l’Alcatraz où encore une fois est programmée une légende du stoner. Faut-il encore présenter Brant Bjork ? L’ancien batteur de Kyuss revient ici avec son trio et son stoner psychédélique classique mais excellent. Ou comment emmener son public loin, très loin...Les morceaux s’enchaînent, planants et puissants. Me voilà happé par ce concert, par les riffs et les rythmiques. La communion avec le public est parfaite et le batteur souhaite que cette dernière dure le plus longtemps possible. Aussi, après avoir allumé son joint, il le fait tourner dans les premiers rangs. Pour en emporter encore plus certains, au son du trio.
CRADLE OF FILTH– 00h20-01h30 - Swamp (Shamash)
La descente est rude. Il faut rassembler ce qui me reste de forces pour aller sous la Swamp voir Cradle Of Filth, groupe qui a bercé une partie de mon adolescence. Il faut cependant bien avouer que n’avoir jamais vu les Britanniques en live ne me manquait pas, sachant que je ne suis plus le groupe depuis le début des années 2000. La surprise, c’est que la prestation n’était pas honteuse. Loin de là, même. Dani Filth peut énerver et ses vocaux en premier lieu. Pour être honnête, il faut dire que le show était somme toute assez plaisant et le frontman en forme. Pas de quoi raviver durablement la flamme en moi, simplement passer un moment relativement sympathique. Les dernières notes de "From the Cradle to Enslave" résonnent et je me résous enfin à retrouver ma tente pour quelques heures de repos.
Crédits photos : Merci Foule Fête et Tabris