CHRONIQUE PAR ...
Alexis KV
Cette chronique a été importée depuis metal-immortel
Sa note :
16.5/20
LINE UP
-Evan Seinfeld
(chant+basse)
-Billy Graziadei
(chant+guitare)
-Bobby Hambel
(guitare)
-Danny Schuler
(batterie)
TRACKLIST
1)State Of The World Address
2)Down For Life
3)What Makes Us Tick
4)Tales From The Hard Side
5)How It Is
6)Remember
7)Five Blocks To The Subway
8)Each Day
9)Failed Territory
10)Lack There Of
11)Pride
12)Human Animal
13)Cornered
14)Love Denied
DISCOGRAPHIE
Joe sort tout juste de chez son disquaire préféré, et ne regrette pas de s'être débarrassé des quelques deniers durement gagnés en bossant à la cantine de son patelin. Il a quand même entre ses mains des brûlots comme Stream From The Heavens de Thergothon, De Mysteriis Dom Sathanas de Mayhem et Transilvanian Hunger de Darkthrone. Parce que Joe, lui, sait bien que la musique doit être violente et non-commerciale, et que tout le reste n'est bon que pour la masse de moutons qui ne comprendront jamais rien à la puissance de ses groupes préférés. Mais Joe est quand même un peu déçu, parce qu'Edouard, son pote vendeur, n'avait plus d'exemplaires du dernier Cannibal Corpse en stock.
Edouard a l'esprit commercial, alors il a convaincu Joe d'acheter à la place un album de metal hardcore, le dernier Biohazard. Le hardcore, c'est pas trop son truc mais bon, elle a l'air sympa cette galette, il y a un gosse en masque à gaz et la mention "Parental Advisory: Explicit Lyrics" sur la couverture. Et puis les hardcoreux, c'est quand même des gars intègres, quoiqu'un peu bizarres, et de toute façon ça ne pourra de toute façon jamais être pire que ces crétins de rappeurs décérébrés… Nous sommes en 1994, et Joe ne se doute pas encore à quel point cet album allait élargir son esprit, ainsi qu'une partie très intime de son anatomie. (Les personnages de cette introduction sont inspirés de personnes réelles. Les noms et les circonstances ont été légèrement modifiés afin de protéger les innocents)
Pour ceux qui ne seraient pas au courant: Biohazard est l'un des pionniers et l'un des groupes les plus influents dans le domaine de la fusion du rap et du metal, et ce State Of The World Address est sans aucun doute le point d'orgue de sa discographie (qui ira malheureusement en déclinant par la suite). La première chose qui contribue à la réussite de cet opus, c'est une production à la limite de la perfection, on est là bien loin de l'horrible son du premier album, et on est même en nette amélioration par rapport à Urban Discipline (dont le principal défaut était d'avoir un chant trop étouffé). C'est le dernier album de Biohazard avec Bobby Hambel et sa guitare lead ajoute une touche unique à chaque composition, contribuant à instaurer cette subtilité inhabituelle et inattendue dans un album rattaché à la sphère "hardcore". Bobby est d'ailleurs passé maître dans l'utilisation de la wah-wah, l'utilisant surtout comme un filtre permettant de passer des fréquences graves au aiguës de manière progressive, plutôt que de faire couiner bêtement chaque note.
Les autres membres du groupe ne sont pas en reste: l'alternance chant punk hardcore de Billy / chant grave et souvent rappé d'Evan fonctionne à merveille, la section rythmique est tour à tour agressive ou sautillante à souhait, et quelques intros calmes donnent à l'auditeur l'occasion de souffler un peu ("What Makes Us Tick" et "Failed Territory"). Le mélange des genres est maintenant parfaitement rôdé et diablement efficace et surtout, surtout, Biohazard sait instaurer des ambiances, pousser son auditeur à l'identification. Même un gringalet rivé à son écran à longueur de journée quelque part du côté de Neuilly pourra facilement, s'il ferme les yeux lors de compos comme "Five Blocks To The Subway", s'imaginer être un gros dur tatoué arpentant les ghettos américains, bandana sur le crâne, tenant en laisse son pit-bull et ouvrant l'œil pour éviter de se faire buter par un junkie en manque. Biohazard nous livre la banlieue new-yorkaise telle qu'elle est: sans la complaisance fumeuse de certains "gangsta-rappeurs" et sans tomber dans la moralisation prétentieuse du "straight edge".
Les meilleurs moments de cette galette sont assurément les titres dans lequel l'aspect rap est le plus mis en avant, à l'image de "How It Is" – enregistré en collaboration avec Sen-Dog de Cypress Hill, le plus rock des groupes de rap – et "Tales From the Hard Side". La facette plus hardcore donne aussi le droit à d'excellents passages, tels le titre éponyme, "Pride" ou le déchirant "Love Denied". Malheureusement, quelques titres un peu plus faibles sont à déplorer dans cette catégorie, en particulier "Each Day" ou "Lack There Of", ce qui ne nuit pas beaucoup à la qualité de l'ensemble. State Of The World Address reste en tout cas l'un des meilleurs albums de rap-metal, bien plus percutant que ceux des quelques suiveurs ayant squatté le devant de la scène ces dernières années. Je crois que notre ami Joe voudrait rajouter quelque chose en guise de conclusion. Tu as la parole Joe:
"Biohazard from Brooklyn, New York… In – Your – Face!"