Sans franche exagération, je pense être à même de vous prouver que cet album, sous ses airs de nouvel arrivant, fait depuis longtemps partie, disons, d’un complot de sauvegarde visant à rappeler l’important lien existant entre l’état de musique et l’état humain. Ainsi, mes dernières recherches ne pourront qu’affirmer et vous confirmer que les personnalités suivantes ont bien été atteintes par la grâce de Mach Dich Frei lors du dépassement de leur être et tout au long du chemin les menant à ce que certains oseront appeler une forme de sagesse. Voici donc les témoignages de Gandhi, Sun Tzu, Beethoven, A. David-Neel et Jean-Pierre qui dort au bas de ma rue et qui sait faire ses lacets tout en étant manchot.
Contre vents et marées noires, la boue plein la gueule, les sables jouant de mouvance sous les pieds, tu ramperais presque. Le ventre se creuse et tu sembles si maigre. L’ombre d’un instant et tout les humains sont fous. Toi, tu t’assoies dans la poussière portée par le vent et la comptine qui frotte te trotte la tripe. Ces instruments si lourds, ces accords tombants, ces frappes sur batterie t’ancrent le cul bien au sol, le regard prêt tandis que les chœurs célestes et les cuivres épiques te relèvent la poitrine ; tes yeux sont ouverts au loin et traversent cette salope de poussière. Ne reste plus qu’un accordéon et tu t’envoles, planeur immobile, quand la folie atteint les autres, tu n’entends plus que ton cœur qui bat son enclume.
Tu te tiens debout sur la montagne et la nuit éclaire jusqu’à ta paupière. Elle te fait voir le no man’s land qui s’étend en contrebas, la clairière prête à être ravagée par les chiens du combat. Tu les sens, ces deux armées qui ne se connaissent pas mais qui bientôt vont se fondre dans une mélasse assassine, hachant les cous jusqu’à la lune, buvant leur sang jusqu’à l’aurore. Alors le temps est aérien et les riffs tondent le gazon avant l’heure, le double d’une pédale déclenche un ciel ombragé et les voix claires se mélangent et s’évaporent ensemble. Devant toi, le tableau s’anime et s’abîme dans son propre nuage de poussière et tu t’en vas, décidant de toi-même que les victoires ne valent pas leurs combats.
Et dans le regard de la tempête, l’envolée lyrique. L’idée d’apposer la symphonie sur la partition écorchée avec la poudre du canon comme encre indélébile. "Im Auge des Sturms", le ciel s’ouvre et la boue sèche sur tes mollets. Aujourd’hui tu es sourd et tu n’entends que ta propre écoute, n’était-ce pas ce que tu voulais ? Cette rythmique galopée qui, d’un seul coup, éclate littéralement en tornade de couleurs fraîches. L’étalon finit Pégase et les plumes qui te poussent sortent des voix des forgerons et non plus de leurs mains. Ce refrain qu’ils clament laisse résonner la vallée : « Fais de toi un homme libre ! » Ainsi ta surdité compose et met en musique jusqu’à la couleur du vent, plus rien désormais ne pourra briser ta stature.
Il est ici l’histoire de cette lutte qui ne peut s’interrompre que dans le silence. Celle de l’homme contre l’être. Celle de l’homme qui ne comprend pas ce que marcher veut dire si rouler existe, et celle de l’être qui ne comprend pas ce que rouler signifie puisqu’il marche déjà. Et puis, il y a la mélodie du monde, cet air que tout le monde respire sans trop savoir comment. Et quand on pense en avoir fait le tour, une flûte apparaît et la mélodie change de visage. Te voilà prêt à jouer de ton être, histoire de croire à une autre respiration. La douleur des accords froids qui se répètent et percutent ta peau, tenue par une basse lourde et linéaire, le martèlement d’une batterie et ces voix, poussant de leur gravité ton cœur hors de ta poitrine chaude, forment ton dialogue interne. Et tout ces airs ininterrompus te parlent jusqu’à l’érosion de ton corps, puis jusqu’à la rencontre du silence.
Faut-il encore que le silence soit représenté ? Tu as marché, beaucoup... et pour voir quoi, pour regarder qui ? Arrivé là où les notes s’étirent et où les changements de tons marquent tes battements de cœur, il n’y a plus rien de grave. Et ton voyage se termine à partir de cet instant où il ne peut que continuer, comment veux-tu qu’il s’arrête... Alors que tout devient léger. "Reise Zum...". Tu marches vers... et c’est le mieux que tu puisses faire. "Finsterforst" installera ce qui te reste de rengaine et t’offrira une marche avant avec vue sur le passé alors que tu t’enfonceras dans la forêt sombre qui perd tout les chemins croisés. Tout s’y mélangera, l’acoustique d’une guitare se joignant aux tremblements des cuivres, l’électrique d’une autre assaisonnant la basse continue, accordéon au sec éclaboussé par les coups de batterie percutants et quelques chœurs s’amourachant la voix d’Oliver Berlin.
Bordel, comme le temps passe... C’est déjà la lune ? Salauds, vous m’avez niqué mon crépuscule, mon ciel qui s'interrompt ! Tout ce temps à parler de vous, à rendre les témoignages pour votre saloperie d’album dont je me permets de faire l’éloge en plus d’une analyse morale et théorique. Vous êtes des crétins, et puis vous avez l’air ridicules avec votre maquillage dans la boue; vous n’irez pas loin, crevures, on vous trouvera, on vous fera cracher les tripes et puis on se gorgera de votre sang. Bon, sans déconner, me niquez jamais mon crépuscule..... Ah, tiens... c’est l’aurore... vous me repassez votre CD ? Que je fasse l’amour...