Ah Bathory ! Que d’émotion à la simple évocation de ce nom. Pourquoi donc ? La raison en est fort simple. Le black metal, comme tout genre musical, a dû naître, et il y a eu des créateurs. Bathory est de cette race. Apparu en 1983 juste après la déflagration initiale de Venom et son mythique Black Metal en 82, considéré par certains comme le fondateur du genre, Bathory était là et c’est ce qui nous intéresse. Fondé par Quorthon, jeune boutonneux de 16 ans à l’époque (!), unique membre et compositeur, producteur et tout et tout, il a marqué les esprits comme étant le premier véritable groupe de black metal, avec voix fracassée, costumes ringards, son crade (pas volontaire et un peu à la fois) et violence musicale réelle.
A travers ce statut de groupe fondateur Bathory est devenu une entité légendaire du même acabit qu’Odin chez les scandinaves, mythologique même, de sorte qu’avoir un album de Bathory est indispensable à tout fan de black metal qui se respecte. J’ai donc cédé aux contraintes. Force est de constater que l’adage qui veut que la légende dépasse dans bien des cas la réalité est ici vérifié. Mais il faut se replacer dans l’époque. Bathory était alors un groupe assez ultime dans l’extrémisme musical, d’une violence inouïe. Et puis Mayhem, Darkthrone, Emperor n’existaient pas, encore moins leurs créations. Alors on se dit que c'était quand même vraiment unique en ce temps-là. Et on comprend que le groupe ait pu se forger une telle image, visionnaire qu’il était en quelque sorte. Si on le compare par contre, et l’inévitabilité de la chose s’offre à vos yeux comme une évidence, force est de constater que la musique a vieilli.
L’album s’ouvre sur une intro inquiétante, la nuit percée par le souffle de la bise dans des ruines hantées (c’est du moins ce qui ressort de ce bruit d’ouverture). Et la musique commence… elle est plutôt bonne, là n’est pas le problème, le black metal est une musique primaire et pas forcément ultra torturée (c’est même la majorité des cas). Les riffs sont bons, le son est minable, pouvait-il en être autrement quand on est un groupe de black metal au début des années 80 ?, et la voix étonnamment braillarde étant donnée l’environnement dans lequel le groupe jouait. Ni death ni black n’existaient, le raclage de gorge était aussi connu que le Big Bang du temps de Newton. Du vrai black metal donc, et quelque chose de bien plus convaincant dans son caractère fondateur du genre que le heavy metal musclé de Venom. Mais problème il y a. Car la musique est pauvre. On ne retrouve pas la diversité des ambiances, des peurs, que l’on retrouve sur les grands albums du genre tels De Mysteriis Dom Sathanas, Transylvanian Hunger et In the Nightside Eclipse.
L’impression que la même chanson tourne en boucle est présente et pesante. Une chanson aurait été bonne, mais l’album, même s’il est court, c’est beaucoup (trop). Cela fait plus penser à un défoulement, un exutoire d’une personne enragée qu’à une véritable recherche artistique. Ne vous attendez donc à rien de finement joué. Un peu fait à la hâte, ça ne reste qu’un premier album, un galop d’essai, la maîtrise vient en pratiquant. Qu’en penser ? Il demeure indispensable pour tout amateur de black metal car il représente la genèse d’un genre, un témoignage historique. Pour les autres, si vous êtes curieux, contentez-vous d’en écouter une piste et faites-vous votre idée. La légende a bien dépassé la musique. Quorthon le reconnaissait d’ailleurs volontiers lui-même, un acheteur sur deux des albums du groupe le fait plus pour le nom qu’il véhicule que pour la musique. Il ne devait pas avoir tort.
Pas vraiment l’album de la consécration mais plutôt l’acte de naissance d’un genre qui n’a cessé d’évoluer depuis et qui fait désormais partie intégrante du paysage metal. Ce qui est bon, pour rester sur une note positive redevable à la mythologie, c’est que les bases du genre sont là, à savoir son crade, voix psychotique, riffs répétés à l’extrême et climat sombre. Il ne faut pas oublier que Bathory a été, est, un modèle pour une quantité astronomique de groupes, respect. Profanes, passez votre chemin.