CHRONIQUE PAR ...
TheDecline01
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
17/20
LINE UP
-Nehluj
(chant+guitare)
-Nekurat
(chant+basse)
-Nemri
(chant+batterie)
TRACKLIST
1) Ni nom ni drapeau
2) Blâme
3) Gloire
4) L'innocence
5) La France a peur
6) Pauvre Histoire
7) Violence
DISCOGRAPHIE
La France a ceci d'excellent qu'elle recèle de milliers de fromages et de vins dans des endroits souvent cachés ou reculés. Il faut donc chercher longtemps ou connaître le coin pour les trouver, se remplir la panse de victuailles à la francisité élevée. C'est pareil pour le black metal. La France en regorge pour peu qu'on cherche, des bons (Sacrarium), des étranges (Peste noire) et des moins bons (Gergovie). Sordide tient de cette frange de groupes obscurs sortant d'un peu nul part, en l'occurrence Rouen plutôt que nul part, et dont on n'attend rien à la lecture du patronyme.
L'avantage d'être curieux, c'est qu'on veut souvent tout écouter, qu'importe si on sait pertinemment qu'on n'aimera pas, simplement parce qu'on ne peut pas se retenir de découvrir quelque chose de nouveau. On se plante souvent d'ailleurs. Mais des fois, on peut se remercier et louer la bonne fortune. Sordide fait partie des groupes qui pourraient être insignifiants et qui pourtant crèvent l'écran. Le nom fait plutôt penser à la scène québécoise, ou alors peut faire craindre un mauvais relent de national socialisme. L'orientation musicale rappelle cette fois plus Peste noire pour le côté très cru, malsain et fondamentalement anti-conformiste. Et le chant en français également. Chant très rocailleux soit dit en passant. Le groupe marque donc son territoire d'une personnalité marquée et rare dans le milieu.
Il se démarque d'autant plus par des compositions ne laissant que peu la place à l'attendu et l'entendu. Chaque chanson est l'occasion de placer un riff, certes black metal, mais réellement original et emprunt d'un fort caractère. On ne connaissait pas Sordide, on le connaît désormais dès les premières mesures de l'album. Les Rouennais ont en plus l'extraordinaire bonne idée de donner une place de choix à la basse qui réjouit par sa présence et ses lignes, tantôt posées, tantôt incisives. Le complément avec les guitares est total puisque lorsque l'une n'est plus l'instrument mélodique, l'autre prend sa place et inversement rythmiquement ("L'innocence"). C'est donc l'esprit gaillard que nous nous enfonçons régulièrement dans les écoutes d'un album qui sait prendre sa place dans notre esprit. De sceptiques de prime abord, nous devenons enjoués, voire réellement captivés.
C'est la force extrême d'un album vraiment différent et qui ne peut pas vivre sans être lui-même. Sa puissance psychique ressort dans le son, malsain, crade et dégueulasse. Il dégouline sur toutes les fréquences, la basse résonne tant et plus et nous sommes happés, submergés par un déferlement noir de notes malfamées. Il faut écouter le final de "L'innocence" pour se faire une idée de l'intensité maniaque qui peut se dégager de la musique insalubre qui s'abat sur nos tympans. Les variations de rythmes sont en plus parfaitement utilisées, Sordide ne jouant absolument pas dans la cour du trop blasté ni du péteux jazzifiant. Au contraire, le groupe se permet toutes les incartades et abuse du mid tempo lorsque le dégoût le rend nécessaire, tout comme il s'éclate à vociférer force blasts dans ses accès de folie furieuse.
Nous voici donc face à un problème insoluble : récuser un album dégueulasse et repoussant au plus haut point alors qu'on est obligé de s'incliner devant son talent. Seuls les textes qu'on peut comprendre ci et là font peser un climat de moins bon. Le reste est implacable de détermination et de pleine réalisation. Le black metal qui suinte ici est racé, cruel, moche et, oui, sordide. Tout le monde doit donc y goûter, simplement pour savoir ce qu'est le vrai bon black metal français qui pue le fromage.