(1996) -
pop
paradisiaque, dream pop - Label :
4AD
Si les malchanceux de Lush sont un peu reconnus aujourd’hui, c’est principalement pour leurs deux premiers albums, mélanges aussi équitables que brillants de dream pop et de shoegaze. Ainsi, il est de bon ton de cracher sur leur troisième album, qui à l’époque leur avait permis une entrée dans les charts, sans que leur aventure ne puisse prendre un tournant plus médiatique ; la faute à un batteur qui aura décidé que la vie ne valait plus la peine d’être vécue, ôtant aux autres la motivation nécessaire.
En 1996, comme le savent sûrement déjà ceux qui y étaient, la dominance de la scène musicale anglaise était à la pop, mais pas n’importe laquelle : la britpop. Face à cela, les groupes de shoegaze, qui se faisaient tirer dessus de véritables obus de condescendance par la presse musicale (aaaah, les Inrocks, déjà comiques en ce temps-là) n’avaient bien sûr pas droit de cité. Lush en faisait parti, et plus par ras-le-bol qu’autre chose, ils décident de changer la formule et de tenter une entrée fracassante dans les tops. Lovelife a donc tendance a être considéré comme une trahison. Pourtant, en l’écoutant, et sans grand besoin d’être très attentif, il apparaît très clairement que le groupe n’a pas le moins du monde laissé tomber son aspect dream pop, et des pointes épisodiques de shoegaze pointent même le bout de leur nez, même si la plus grosse part de la musique demeure dans un registre pop plus classique. De plus, la patte du groupe reste très reconnaissable, ne serait-ce que par le duo de voix Mikki/Emma, qui a déjà maintes fois fait ses preuves, mais reste toujours aussi efficace.
Ce n’est pas pour rien que le groupe a réussi à percer relativement avec ce troisième album : si la musique est plus conventionnelle, elle ne perd rien de l’efficacité qu’elle avait auparavant, et les natifs de Londres règlent leurs comptes avec une presse musicale acide à grands coups de tubes en puissance, pour lesquelles le groupe a une science innée. Ainsi, du début à la conclusion de Lovelife, les morceaux accrochent en diable, sans que cela exclue quelques ratés. On pourra ainsi trouver "500" niaise à souhait, même si quand on écoute du shoegaze, ce serait étonnant. Le son, excellent au demeurant, et plus noyé sous la reverb comme ce put être le cas sur les précédents albums, met donc en valeur ces compositions brillantes, et plutôt optimistes. Il est donc possible d’avoir un sacré choc en entendant pour la première fois "Ladykillers", premier titre très direct et rock’n roll, aux paroles incisives à souhait, mais pourtant si efficace, à l’image de ce que sera l’album, plein de morceaux courts mais taillés pour plaire.
Exit les guitares gorgées d’effets, place à des suites d’accords qui mettent en valeur le chant, qui déclame des couplets et des refrains tous plus aisément mémorisables les uns que les autres ("500", l’accalmie "Papasan", "Heavenly Nobodies"…). Le groupe a également pris la peine de placer de nombreux arrangements qui enrichissent la musique, comme l’harmonica de "Ciao !", les cloches de "I’ve Been Here Before", l’électronique de "Last Night" ou le mini-orchestre d’ "Olympia" ; et qui participent également à la personnalité des titres, car utilisés de façon intelligente. A vrai dire, nombre de groupes de britpop auraient pleuré et supplié pour avoir un début d’album aussi percutant… d’autant plus que cela se poursuit jusqu’à la moitié de l’album, et un premier semi-cafouillage lors du duo sur "Ciao !", pas du meilleur ton, malheureusement, malgré un concept intéressant de dialogue dans le morceau. La suite est un peu en demi-ton, avec des morceaux plus développés, dont un émouvant duo "Tralala" / "Olympia" qui aurait mérité de rester dans les mémoires, qui tranche avec un "Last Night" assez éloigné des habitudes de composition du groupe, et qui surprend, même s’il s’étend trop en longueur. De même, "Runaway", en dehors d’un refrain comme seul Lush en a le secret, est assez peu intéressante, malheureusement.
Au final, ces quelques imperfections ne font que mettre en valeur la perfection des titres précédents, et ce retournement de veste est pour le meilleur. On regrette uniquement, au vu de la capacité d’écriture, que le groupe n’ait pas continué son aventure, même si cela est compréhensible, au vu de l’image que leur collaient les scribouillards du dimanche de la presse. Au final, une belle petite carrière qui aura laissé quelques joyaux de pop pour auditeurs un peu fleur bleue et rêveurs.