De retour ! Après dix ans d'absence, le all-star band de tueurs revient avec un nouvel album alors que personne, il faut le dire, ne les attendait plus. Pourtant, sur le papier, le concept fait toujours autant rêver : réunir des pointures du hard/neo-classique/shred sur un album, voilà qui promet toujours autant de bonheur. Après trois albums en quatre ans, le projet avait été enterré, chacun des musiciens allant vivre sa vie avec plus ou moins de succès. Ces retrouvailles, donc, avaient autant de raisons de réjouir que d'effrayer : ont-ils encore la flamme ?
Pour la plupart des membres, dont l'actualité est toujours aussi foisonnante, cela ne laissait pas de doutes. Mark Boals est toujours aussi actif et talentueux (son passage par Royal Hunt l'a prouvé), MacAlpine sort de temps en temps des albums ou fait des apparitions, avec certes moins d'intensité qu'au début des années 2000, mais il est loin d'être hors-jeu. On regrettera par contre le départ du fou-fou Virgil Donati et son jeu barré pour l'arrivée d'un illustre inconnu au jeu bien moins marqué. Quant aux claviers, on se demandait un peu ce que cela allait donner tant le génial Kuprij fait profil bas en ce moment, hormis une participation au collectif du Trans-Siberian Orchestra qui ne doit pas lui prendre trop de temps. Cette apparition est donc sa première vraie participation depuis son album solo Glacial Inferno en 2007, alors qu'au début des années 2000 le bonhomme était de tous les combats. Et enfin - surprise ! - pour la basse, nous avons le gros Timo Tolki qui, sans doute, s’ennuie un peu avec Avalon pour s'accorder une petite récréation. Alors, Ring of Fire version 2014 : réunion de vieilles gloires sur le retour, ou retrouvailles sincères de musiciens à l'appétit revenu ?
Il ne faut pas beaucoup d'écoute de ce Battle Of Lenningrad pour se convaincre que les gars n'ont pas fait les choses à moitié. C'est riche, dense, créatif et carré. Assurément, on sent ce que ce collectif de musiciens (et d'égos) a derrière lui, et chacun de ses membres a une sacrée expérience (cas mis à part du batteur) et de solides références, tant chaque morceau sent la compétence et le savoir-faire. Ce qui ne signifie pas que tout soit parfait, non, mais en tous cas ça tient solidement debout, c'est pro, bien écrit et joliment joué. Laissant de côté la virtuosité de ses début (quand George Bellas tenait la six-cordes, ça envoyait du sévère bois), Ring Of Fire se concentre plus sur la musicalité et la mélodie, voire – par moment – l’émotion et la subtilité. Bon certes, on retrouve aussi des grosses ficelles mélodiques néo-classiques ("Firewind", "No Way Out" ou encore "Where Angels Play" et ses violons un peu kitch) mais aussi des développements progressifs rappelant Artension ("They’re Calling Your Name", "Battle Of Leningrad" ou la superbe "Rain" et ses claviers aquatiques...).
Bien sur, le groupe n'évite pas l'écueil de la ballade mièvre ("Our World"), mais sur les 53 minutes de musique de ce Battle Of Leningrad, cela s'oublie vite. D'autant que la majorité des autres morceaux s'avèrent nettement plus enthousiasmants, comme le mid-tempo "Empire", sans doute un des morceaux les plus classiques et typiquement Ring Of Fire, mais à l’exécution parfaite grâce, entre autres choses, à des lignes vocales imparables, comme sait nous en offrir régulièrement Mark Boals. Finalement, on regrettera presque que le titre d'ouverture "Mother Russia" soit l'un des moins passionnants du lot, à cause de rythmes martiaux trop classiques et un peu mou du genou, mais aussi de solos un peu paresseux. Heureusement, Ring Of Fire ne laisse pas longtemps son auditeur croupir dans le convenu et remonte très vite le niveau avec un "They’re Calling Your Name" délicieusement progressif et virtuose, très coloré et réjouissant. Et cette impression, globalement, ne nous lâchera plus vraiment jusqu'à la dernière seconde de l'album.
Plus posé que sur The Oracle, moins progressif que Dreamtower, le Ring Of Fire de 2014 ne se réinvente pour autant nullement. Mais l'équilibre semble parfaitement trouvé entre la virtuosité débridée du début et le côté un peu froid et dépassionné de leur dernier album, il y a maintenant dix ans. Reste la question à treize millions de biftons : et maintenant ? Chacun retourne dans son coin ? Messieurs, si l'idée vous venait de remettre le couvert l'année prochaine, nous vous en serions gré. Tout plein, même.