Il est certain que Katharsis a provoqué quelque chose dans l'underground black metal : il ne faut plus avoir honte de faire du black metal à la Darkthrone. Leur WorldWithoutEnd, album ultra-saturé, violent et darkthronien, mais ayant sa petite étincelle à côté a fait l'effet d'une bombe ou laissé quelques uns un peu indifférents. Fini de multiplier les apparitions d'instruments folk, du clavier et compagnie (même si les expérimentations de DeathSpell Omega ont bien pris). Il faut revenir aux temps où une guitare ou deux, une basse, une batterie marteau-pilon et des mélodies sinistres, invoquaient les ténèbres (et très accessoirement avec un clavier). Même si de plus en plus de groupes pratiquent ce créneau, il faut sélectionner ceux qui arrivent à avoir un petit quelque chose en plus. Le groupe qui nous intéresse, français qui plus est, s'est peu à peu imposé sur la scène black.
Christicide, groupe emblématique du talentueux mais un peu dérangé Scars, n'a pas fait dans la dentelle grâce à sa démo Apex of Negativity, sortie en 2004. Fort du succès de cette dernière, le hurleur/compositeur met au point structures, riffs et parties de batteries l'année 2005, avant de prendre le temps de les enregistrer en 2006. Finissant par trouver un deal avec Of Crawling Shadow, le groupe sort l'album en 2007, puis se sépare de Blackblod et de Waste pour trouver dans Ardraos, maitre à penser de Suhnöpfer, un excellent batteur, ainsi que Sin, un second guitariste. Et autant dire que ce premier méfait, digne des allemands et vieilles légendes du métal noir, s'impose comme une référence. Car leur truc à eux, qui évite le plagiat inutile, c'est l'ambiance qui ressort du son. La production est grinçante, incisive mais est très audible et surtout ne manque pas de volume et de basse (qui, elle, est bien présente). Tandis que la batterie impose un rythme entre le constamment rapide, et quelques breaks ne rendant pas la chose ennuyeuse, les riffs se font agressifs. Mais surtout, la voix de Scars est une des plus convaincantes : brute, se fendant parfois du grognement (notamment sur "Eyes Pierced With Truth"), elle renforce la rage de ce disque à la fois sombre et très violent. Quant aux compositions, elles sont témoins d'une réflexion, d'une composition patiente.
En effet, si le seul morceau pas entièrement écrit par lui fut fait avec M.S.T, son compagnon depuis le début, Scars montre de superbes riffs, tantôt épiques, tantôt sinistres et malsains. Leur répétitivité, qui se fait entendre dès le premier long morceau "Where All Begin", est bien utilisée car elle n'endort jamais, bien servie par une batterie en roulement, en mid ou alors en blast non-stop. Tandis que le groupe gronde et se fait lourd sur des morceaux comme "Malum Qui Nescit Occasum", qui alterne lourdeur et vitesse extrême, "The Sun of the Accuser", le plus noble et combattif "Antemattunnum", font preuve d'une vitesse infernale sur riffs très classiques mais bien foutus. Mais comme il ne faut pas ennuyer l'auditeur avec du 100% bourrin, le dernier morceau, "Christicide" se fend de quelques arpèges mélodiques, et le second faisait déjà preuve de parties moins speed.
Ensuite, les riffs deviennent plus impitoyables, martiaux et tourmentés. L'album se termine dans le chaos, accessoirement la douleur, mais aussi l'envie d'en avoir plus. Et puis il y a cet aspect thrash, tellement évident qui fît visiblement le succès de cet album. Déjà percectible au moment de l'intro, il fait partie intégrante de ce brulôt black, notamment sur la très thrash/black, genre Darkthrone-Bathory, "Wrists by Wrists". Et lorsque le mélange des genres apparaît, alors là, c'est la défonce totale. La monotonie se casse sur ces très longs titres, le style se fait plus lourd. Bref, l'hypnose marche, d'autant qu'il arrive que, au détour d'un break, de riffs thrashy, Scars se fende d'un solo, de parties plus lyriques. D'ailleurs, "Eyes With Pierced Wirth" réussit à devenir un puissant moment de moid et d’accélérations, et les riffs se font plus accrocheurs. le tout est emballé, il faut de nouveau le signaler, par cette batterie-rouleau compresseur, et cette voix entre growl et black d'une rage à tomber. Le tout sur fond de satanisme certes, mais une croyance réfléchie, forte, et portée sur un occultisme renforçant l'atmosphère générale de ce skeud.
Bref, avec ce premier album, Christicide impose un black metal de ce qu'il y a de plus épique, noir et violent en même temps. Si vous cherchez un art noir occulte, qui maîtrise son sujet et qui rejette d'emblée le style bas-du-front et sans cervelle, cet album a tout pour vous plaire. C'est pourquoi Christicide mérite fièrement ce 17/20, le hissant parmi les meilleurs. S'imposant parmi les divers groupes comme Katharsis avant lui, Armaggedon et autres à sa suite, le gang de Scars est déjà une référence, un habitué des fanzines de tout poil. Ainsi, ne perdez plus de temps : foncez l'acheter, et, encore mieux, en même temps prenez le prochain qui va sûrement sortir à l'heure où cette chronique est publiée. Vu les impressions sur les morceaux disponibles ici et là, il va devenir la confirmation que Christicide est un excellent groupe de black metal sans concession.