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CHRONIQUE PAR ...

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Merci foule fête
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note : 18/20

LINE UP

-Charles Michael "Chuck" Schuldiner
(chant+guitare+basse non créditée)

-Frederick "Rick Rozz" DeLillo
(guitare)

-Terrence "Terry" Butler
(crédité à la basse, bien que ne jouant pas sur l'album)

-William "Bill" Andrews
(batterie)

TRACKLIST

1) Leprosy 
2) Born Dead
3) Forgotten Past 
4) Left to Die 
5) Pull the Plug 
6) Open Casket 
7) Primitive Ways 
8) Choke on It

DISCOGRAPHIE


Death - Leprosy
(1988) - death metal - Label : Combat Records



De retour en Floride après son escapade californienne qui le vit enfanter quasiment à lui seul le séminal Scream Bloody Gore (1987), Charles Michael « Chuck » Schuldiner - fondateur et unique membre permanent de Death - ne désespère pas de mettre sur pied une formation stable. Il recontacte son ancien comparse Frederick « Rick Rozz » DeLillo pour le seconder à la guitare et débauche Terry Butler et Bill Andrews, respectivement bassiste et batteur de Massacre, le nouveau groupe de Rozz. Un joli trio de seconds couteaux en vérité, à l'exemple de Butler, trop inexpérimenté pour reproduire les lignes de basse écrites par Schuldiner. Comment un équipage aussi mal embarqué peut-il être responsable de l'un des tout premiers classiques du death metal ? Leprosy est une énigme fascinante qui mérite d'être résolue.

Si les compositions très crues de Scream Bloody Gore avaient repoussé les limites de la brutalité sonore, leur linéarité faisait craindre une course stérile au matraquage dans laquelle s'étaient notamment fourvoyés les précurseurs britanniques de Venom quelques années auparavant. Or, dès les premiers accords assénés sur un implacable mid tempo, l'évolution saute aux oreilles : mieux maîtrisée et ménageant ses effets, la bestialité naguère désordonnée de Death s'enrichit de trouvailles mélodiques qui la transcendent. Mais qu'on ne s'y trompe pas : l'apaisement n'est pas à l'ordre du jour, comme en témoigne le hurlement à donner la chair de poule que pousse Schuldiner dès l'amorce de l'album. Sur l'opener, Death réinvente – déjà – les règles du style qui porte son nom. Oui, il est tout à fait possible de proposer des riffs travaillés au service de partitions ambitieuses sur fond de torture vocale et de guitares sous-accordées en mode tronçonneuse, le tout propulsé par une section rythmique sans pitié. Le tandem de producteurs Dan Johnson / Scott Burns a eu en effet la bonne idée de noyer la batterie d'Andrews sous trois tonnes de réverb' en donnant à ce dernier la consigne manifeste de taper le plus fort possible sans trop se poser de question. Ou comment transformer une faiblesse - les limites techniques d'un percussionniste adepte exclusif du schéma poum-tchak-poum-roulement approximatif - en une force de frappe qui maintient l'enregistrement sur les rails inexorables de la sauvagerie. Les deux six-cordistes ont alors les coudées franches pour dérouler leurs plans ingénieux sans risque de perdre l'auditeur en route. Et là, c'est l'orgie.
Chaque titre – à l'exception de l'obstiné "Primitive Ways" - se révèle un bijou d'équilibre entre accélérations dévastatrices et séquences mélodiques aussi inattendues qu'inspirées. Dopées par une production bourrée d'écho, les guitares encore très roots sculptent une fresque démente et inédite de la violence musicale en 1988. Il faut dire que les soli de Rick Rozz, qui rappellent autant ceux de Robb Weir (Tygers of Pan Tang) pour l'utilisation frénétique du vibrato que les chromatismes épileptiques de Kerry King (Slayer), instillent une hystérie certes un peu systématique mais totalement jubilatoire. Schuldiner quant à lui soigne ses transitions et exécute avec son personnel les breaks parmi les plus réjouissants du répertoire. Le plus souvent digressions bienvenues aérant les speederies telles que "Born Dead" et "Forgotten Past", ces ruptures affolantes sont capables également de faire subir les derniers outrages à des morceaux fous comme "Left to Die", tentative de groove pachydermique avortée dans les cris au milieu de laquelle Schuldiner place un solo qui annonce la sophistication de ses œuvres à venir. Mais la surprise la plus fameuse se trouve probablement sur "Open Casket" sur lequel Andrews se lance dans une séquence syncopée aussi improbable que réussie qui semble le dépasser lui-même. Et comment ne pas évoquer "Pull the Plug", dont la variété et la maîtrise préfigurent pratiquement toutes les pistes qu'empruntera le death metal dans la décennie à venir ? Même les textes marquent une progression vers (un peu) plus de subtilité, tout en conservant leur saveur horrifique : celui de "Choke on it" évoque les tourments d'un migrant à l'agonie pris au piège avec ses camarades tandis que les paroles saisissantes de "Leprosy", illustrées sur l'étrange pochette au ciel rose d'Ed Repka, rappellent en creux le sort peu enviable de ceux qui ont la mauvaise idée de s'écarter de la norme.


Contrairement à Possessed, l'autre précurseur du death metal, Death a su éviter l'écueil de la redite sur son deuxième LP. Plus riche et varié que son prédécesseur, Leprosy hisse le collectif à un niveau que bien des formations ultérieures ne parviendront pas à atteindre et constitue tout simplement un incontournable du metal extrême, toutes époques confondues. Schuldiner se trouve désormais à la croisée des chemins : va-t-il se reposer sur ce succès et proposer un calque susceptible de rassurer son nouveau public chèrement conquis ou tentera-t-il de poser un nouveau jalon dans l'histoire encore balbutiante du death metal ? Loin d'apporter une réponse aussi tranchée, le Líder Máximo de Tampa n'aura de cesse de sortir des sentiers battus, souvent pour le meilleur, jamais pour le pire, renouvelant ainsi une attitude de pionnier initiée par cette magnifique matrice infernale qu'est Leprosy.


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