« Il ne nous reste plus qu’à souhaiter aux Azuréens de se faire signer », vous disais-je en conclusion de la chronique de leur premier EP : et bien c'est chose faite, puisque ce premier album sort chez Massacre Records. OK, ce label généralement cantonné à la D2 allemande n'est peut-être pas le plus sexy, mais cela reste une performance à saluer, d'autant que l'influence des labels est loin d'être aussi déterminante qu'avant dans le succès d'un groupe. De plus, les Niçois ne manquent pas d'ambition, puisque l'album a été mixé et masterisé aux célèbres Finnvox Studios par l'équipe de choc Mikko Karmila / Mika Jussila. Allons voir ça de plus près…
Après une première écoute de Mysticeti Victoria, le premier constat est le suivant : il n'y aurait pas une erreur sur le line up ? Ils n'auraient pas oublié de mentionner le nom du claviériste par hasard ? Non parce que d'un groupe de heavy traditionnel aux accents mélodiques, on est quasiment passé à un groupe de heavy symphonique là ! Bon, on ne va pas exagérer, mais on soulignera les arrangements de claviers et autres orchestrations beaucoup plus fréquents que sur le premier EP. L'exemple le plus patent est évidemment "Eyes Have You", le seul des 4 titres de Natural Defender réenregistré pour cette occasion, dans une version plus chargée. Heureusement, les arrangements sont pertinents et apportent une certaine richesse aux morceaux, sans les alourdir inutilement, même si on n'est pas loin du too much sur "Black Meteor" et "Life, Love & Death". D'ailleurs, le morceau le plus épuré (et par ailleurs le plus agressif), à savoir "Beware the God", est peut-être le moins convaincant du lot. Seule faute de goût : les narrations un peu kitsch sur les refrains de "Roma XXI", mais comme ce titre est excellent, on ne leur en tiendra pas trop rigueur.
Maintenant tout ça c'est bien gentil, mais peaufiner les arrangements ne sert à rien si les morceaux ne valent pas un clou (enfin si, ça peut cacher la misère…). Là encore, pas de problème, car les Niçois disposent de nombreux atouts. Déjà, un sacré chanteur, parfois à la limite niveau justesse, mais très à l'aise pour trouver des lignes de chant originales et séduisantes. Les exemples de très bons refrains sont légion : "Taiji", "Roma XXI", "Lost", "Poison of Life", "Life, Love & Death"… Pour faire plus simple, on pourrait quasiment citer les 9 titres de l'album (hors intro et "From Us", qui est une sorte d'intro symphonique de 40 secondes qui aurait pu être intégrée à "Life, Love & Death"). Autre point fort du groupe, son guitariste Loïc Manuello : en dépit d'un son de guitare parfois un peu gras qui ne lui rend pas justice en rythmique, ses solos sont superbes, car il sait aussi bien sortir de magnifiques phrasés (personnellement, je ne me suis toujours pas remis du passage à 4:15 de "Poison of Life" !) que descendre son manche à toute vitesse. Les quelques touches néoclassiques disséminées ici ou là (sur "Roma XXI" notamment) sont également bien senties.
Sur le plan musical, on appréciera à sa juste valeur l'effort de variété sur les compositions. Tout en restant dans le cadre du heavy mélodique prenant le temps de développer son propos, puisque tous les titres durent de 5 à 6 minutes, avec une pointe à près de 8 minutes pour "Life, Love & Death", la forme diffère fréquemment d'un morceau à l'autre. Vous pensez que Virgin Steele a tendance à se ramollir sur ses derniers albums ? Consolez-vous avec "Roma XXI", à la fois rapide et épique. Vous préférez le mid tempo ? "Black Meteor est fait pour vous, avec son riff qui rappelle le "Trust" de Megadeth. Vous pensez que le speed mélodique est mort et enterré ? "Lost" vous redonnera la foi avec sa ligne de claviers irrésistible et son refrain dans la plus pure tradition du genre. Vous aimez que la musique vous prenne aux tripes ? Ce sera sûrement le cas sur "Poison of Life", qui rappelle un peu l'œuvre de Dickinson en solo malgré une intro à la limite du black metal. Enfin, vous aimez les power ballads pas trop sirupeuses ? Alors "Lightning Guide devrait vous ravir, même si elle manque un peu de subtilité musicale sur le refrain. Ca va, le menu est à votre goût ?
Alors là, wow, juste wow. L'EP était déjà prometteur, mais on sent que Darktribe a passé la vitesse supérieure. Mysticeti Victoria, c'est 53 minutes de heavy metal de haute volée, quasiment sans le moindre temps mort, et avec quelques fulgurances assez impressionnantes. Avec ce premier essai, les Niçois s'imposent d'emblée comme un groupe à suivre, dont on espère la confirmation au plus vite. Espérons qu'ils ne finissent comme le tennisman français lambda, qui cartonne en juniors et qui s'évapore une fois arrivé chez les pros !