D'après ce que l'on peut entendre ça et là, le karma serait en chacun de nous, en chaque être vivant. Réceptacle de nos actions, le karma se charge positivement ou négativement selon les actes effectués. A la clé, une réincarnation plus ou moins favorable pour continuer notre bout de chemin dans le cycle perpétuel du Samsara. L'explication est grossière mais suffisante pour ce qui nous intéresse : Soma, nouvel album de My Sleeping Karma. Alors, chouette ou pas, cette réincarnation version 2012 ? Et bien... rien. Car de réincarnation il n'est guère question ici.
Chez My Sleeping Karma (MSK), exit le cartésianisme épuisant et place à la spiritualité. Si la notion ne se rattache pas directement à l'Allemagne dans nos esprits, il faut pourtant se faire une idée : le groupe nous vient d'outre-Rhin, territoire évoquant immédiatement le thrash façon marteau-piqueur ou le heavy pourfendeur de dragons et princesses (pas de chichis, l'Allemand taille dans le tas !). Loin de tout cette violence, MSK s'inscrit dans un courant qui semble trouver une oreille attentive en Allemagne : le post-rock. Après Jasmin ou Long Distance Calling (entre autres), c'est au tour de My Sleeping Karma d'être révélé avec ce... quatrième opus, excusez du peu. La recette est simple : un post-rock noyé dans les fumées d'encens qui accompagne des crescendos lancinants et répétitifs. Car l'élément distinctif de MSK par rapport à ses comparses est cet ancrage mystique, si présent à l'écoute de l'album.
Intégralement instrumental, Soma ne se dévoile pas au premier regard. Premier constat : l'album traîne inutilement en longueur, la faute à de nombreux interludes le plus souvent dispensables. Effectivement, cycle des réincarnations oblige, l'ensemble des structures se fonde sur un schéma classique : une mélodie simple et claire, aux couleurs indiennes, tourne en boucle, ne souffrant que d'infimes variations avant d'exploser (explosion somme toute modérée) le plus souvent en une transe apaisante et libératrice. L'exercice est risqué tant la répétition implique pour beaucoup l'ennui. Et malheureusement, Soma se répète et n'est pas totalement convaincant. L'ennui pointe parfois le bout de son vilain nez. Le karma dort, chut, ne le dérangeons pas. Là où de nombreuses formations du genre visent à toucher par l'émotion, MSK cherche la transe. A moins d'être dans un état de compatibilité avec la musique (vous imaginez bien comment y arriver, non ?), Soma sera plus reposant que transcendant.
Malgré tout, Soma n'est pas un mauvais album, non. Entre deux assoupissements, il se peut que l'auditeur soit effectivement touché par la grâce procurée par les douces mélodies que sont celles d'"Ephedra" ou de "Saumya", entre toutes les autres. Il pourra encore être enivré par le cumul des flanger et autres reverb, aériens, qui ponctuent l'ensemble de l'oeuvre de leurs touches mystiques. Dans le fond, rien n'est réellement raté. Seulement, Soma souffre d'un défaut inhérent au post-rock -il est (très) mou- et se voit le plus souvent relégué en simple fond sonore plutôt qu'en objet captivant justifiant un réel entrain. C'est bien dommage, car avec un peu plus de rythme (mais est-ce compatible avec le projet du groupe, rien n'est moins sûr), My Sleeping Karma aurait pu accoucher d'un album surnageant au milieu de nombreuses sorties. Ce ne sera pas le cas pour cette fois.
Le paradoxe est là, tout entier. La musique de My Sleeping Karma se veut transcendante et ascensionnelle là ou elle n’apparaît que tristement redondante et trop linéaire. Peut-être mon karma n'est-il pas apte à recevoir cette offrande, peut-être les conditions ne sont-elles pas les bonnes mais Soma, semble t-il, rate le coche. Pourtant, malgré le peu d'entrain procuré par l'objet, force est de lui reconnaître un certain pouvoir d'attraction. C'est finalement sur scène que My Sleeping Karma doit prendre toute son ampleur. Le rendez-vous, quoi qu'il en soit, est pris. En attendant, Long Distance Calling, plus varié, plus étonnant, garde notre préférence.