Je vous l’accorde, passer de la chro du dernier Machine Head à celle du premier After Forever Prison of Desire m’a surpris. Mais bon, les gros riffs de légionnaire et les appels à la guerre, ce n’est pas ce qui se fait de mieux pour résoudre les problèmes relationnels du métalleux solitaire. Il faut donc savoir, de temps en temps, entre un Kreator et un Testament par exemple, s’envoyer quelque chose de plus… enfin quelque chose de moins viril. Et çà tombe bien, parce que les productions de « métal-mou-à-chant-féminin », c’est à la mode en ce moment. C’est rien de le dire : il faut voir comme le sillon creusé par Nightwish a vite été comblé par des combos originaires de Hollande notamment (Within Temptation, Epica et… After Forever en tête), bien inspirés sur ce coup-là il faut le dire, au vu de leur succès actuel. Alors, stratégie de niche ou démarche musicale de qualité ? Hmm, j’ai le droit à un joker ?
Bon allez autant l’avouer tout de suite, le jour où j’ai acheté cet album, c’était uniquement pour garder un souvenir de Floor Jansen, dont la prestation vocale (et la plastique pour le moins avantageuse) m’avait complètement scotché lors du passage du groupe au Festival de la Rotonde, à Hirson. C’est vrai qu’à défaut d’être particulièrement novateur ou surprenant musicalement, After Forever avait eu le bon goût d’être efficace et accrocheur ce jour-là… Pour bien comprendre que je ne casse pas le groupe en vous racontant tout çà, je crois qu’il est nécessaire de faire un petit rappel des règles de base d’un bon groupe de métal gothique-atmosphérique. La première, la plus importante, c’est d’avoir une soprano, totalement magnifique dans la mesure du possible, qui se débrouille au chant. A ce niveau-là, tout le monde sait, même les progueux totalitaires (qui l’ont vu passer dans le projet de Lucassen, Star One), que la petite chante divinement bien… Posez donc une oreille sur "Leaden Legacy", vous comprendrez où je veux en venir. Léger, aérien, on voyage d’envolées néoclassiques en passages mélancoliques, parfois tragiques, ou enivrants et exotiques comme peuvent l’être les vocaux de Lacuna Coil ("Follow In The Cry"). Ceux qui avant de lire cette chro étaient déjà sensibles au chant féminin peuvent d’office mettre la moyenne à l’album, sans problème… D’autant plus que le belle s’adjuge sur quelques morceaux le soutien d’un chœur de quatre personnes, beaucoup trop en retrait à mon goût d’ailleurs, mais qui a l’avantage de rendre la prestation de Floor plus solennelle et poignante. Bien sûr, beaucoup d’entre vous ne manqueront pas de la comparer avec ses consœurs Sharon, Tarja ou Cristina… Sharon Den Adel que l’on retrouve sur l’ultime plage "Beyond Me", en guest, soit dit en passant. Bah, c’est avant tout une affaire de feeling je dirais, même si moi ma préférence va quand même à Floor ( Floor, si tu lis ces lignes, n’hésite pas à me remercier en personne, si si, j’y tiens).
La deuxième règle, que j’ai un peu de mal à comprendre, mais bon, je me renseignerais dans la cour d’un collège, là où pullulent les gothiques (j’vais encore me faire des amis), c’est la présence d’un chant gras et rauque, assuré par les deux gratteux, Mark Jansen (parti chez Epica entre temps), le frère de Floor, et Sander Gommans. Après avoir bien réfléchi, lu les textes dans tous les sens, j’en ai déduis que la seule utilité de ces grognements c’était de créer un contraste avec la voix fragile et délicate de Floor. Un trip du genre La Belle Et La Bête si vous préférez… C’est vrai que pris individuellement, c’est risible, vraiment… Mais là, partant de ce principe, on se rend compte que çà a quand même son utilité. La troisième règle, qui n’en est pas une d’ailleurs, qui est juste une constatation personnelle, c’est que l’accompagnement musical du chant, dans ces groupes-là (Lacuna Coil mis à part), ben c’est pas le Pérou comme qui dirait… Les parties de guitares sont basiques au possible, la basse est inaudible, la batterie est simpliste (hé ce n'est pas du Nirvana non plus, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dis). Le seul instrument qui, à priori, se démarque un peu des autres (c’est beaucoup dire) c’est le clavier, dont les nappes sont omniprésentes. Fans de démonstrations techniques et de compositions à tiroirs, passez votre chemin !!! Ici, ce n'est pas le gratteux qui fait le show, qui prend des lignes de coke et qui fait annuler des concerts de 100000 personnes à cause d’une migraine, c’est Floor. Le groupe est juste un écrin destiné à magnifier sa voix, une trame à partir de laquelle elle peut broder son chant. Notons quand même de bons moments sur : "Black Tomb" et "Follow In The Cry" notamment…
Alors que penser de tout çà ? L’alternative est simple, si vous aimez ce style, l’album mérite amplement un 15/20. Si vous êtes Toulousain et que vous écoutez de la musique de caveau à longueur de journée, ou que vous êtes grenoblois et que la branlette de manche vous fascine, il ne mérite pas plus de 10. Pour les autres, un peu ouverts et qui cherchent un bon p’tit CD à écouter de temps en temps, ou à se régaler avec des vocaux féminins prenants, Prison Of Desire est une très bonne solution.
PS : toute allusion à des chroniqueurs existants serait purement fortuite et ne saurait engager la responsabilité de l’auteur.