Vous vous souvenez de Xandria ? Si ce n'est pas le cas, c'est normal. Malgré une certaine renommée (on se demande pourquoi), le combo n'a jamais brillé ni par son talent, ni par son originalité. Faisant figure d'un porte-drapeau des seconds couteaux du genre sympho-goth, leurs quatre premiers efforts ne retenaient pas l'attention. On ne prendra pas de pincettes : les Allemands n'ont jamais été très bons, malgré quelques morceaux qui, eux, parvenaient à susciter un peu d'intérêt (comme "India" ou "Firestorm"). 5 ans après leur précédent opus, Salomé, voici Neverworld's End, et surtout une nouvelle chanteuse, Manuela Kraller, membre d'Haggard. Intéressant …
Plus qu'intéressant même. Révélation. Xandria est passé du fruit fade et peu comestible à une véritable pomme du jardin d'Eden. Mordre dedans, c'est savourer un délice qui nous prend au piège. Vous entrez dans leur monde, vous n'en sortirez plus de sitôt. L'opus sonne plus Nightwish-ien, moins gothopouf, et dans cette évolution, on ne peut qu'acclamer les Allemands. La guitare était auparavant en retrait, elle est désormais un élément clé pour la formation, qui nous surprend avec d'excellents solos : dans une tradition power, celui de "Forevermore" est très audacieux, bien exécuté, tandis que celui de "Soulcrusher", plus lent, fait gagner au titre encore davantage de magie et d'intensité.
Si la guitare est au premier plan, c'est grâce à une production taillée à l'épreuve des chocs ! Même les effets de voix sont judicieux, donnant encore plus d'ampleur au superbe organe de Manuela Kraller. Dans la lignée de Lori Lewis ou de Tarja Turunen, le chant lyrique de la belle éclipse les potentielles concurrentes. Avec un combo comme Haggard dans son palmarès, on pouvait s'attendre à du niveau, et effectivement, niveau il y a. Si les ballades que sont "The Dream is Still Alive" et "A Thousand Letters" sont les moins bonnes instrumentalement, la performance vocale de la chanteuse porte les morceaux vers des sommets ! Non vraiment, Xandria dispose là d'une arme, d'un atout de poids, qui n'est pas à négliger, car elle fait des ravages là où elle passe ! Des montées aux graves, tout est convaincant.
Les Allemands s'essayent à nouveau aux longs morceaux, mais plus que d'habitude et, surtout, bien mieux meublés ! Alors que "Salomé" ou "Return to India" étaient médiocres, les 3 titres "A Prophecy of Worlds to Wall", "Soulcrusher" et "The Nomad's Crown" sont des tueries. Aucune longueur, des moments forts et épiques, une voix qui sait se faire caméléon (tantôt mystérieuse, tantôt langoureuse), la guitare termine le boulot en nous assénant ses meilleurs accords. S'il fallait en retenir ne serait-ce qu'un seul, "The Nomad's Crown" et ses presque 10 minutes sont la perle que nous attendions tous. Votre plus grande ennemie, la touche replay, se fera une joie de voir votre addiction.
Même dans les tubesques, les titres courts et marquants, Xandria nous fait presque un sans faute. "Forevermore" et "Euphoria" sont bonnes, mais un peu en dessous de toutes les autres, qui, elles, ont un petit air Oceanborn absolument divin. Et la diversité est là, se manifestant tantôt sur un rythme heavy classique effréné, sur des ambiances plus celtiques, folk, ou alors très orientales, nous faisant effectuer un voyage vers les 1001 nuits. Puisqu'il faut choisir, "The Lost Elysion" est une bombe, puissante et majestueuse à la fois, au refrain tel un point d'orgue, avec des incursions dans le power metal. "Cursed" et son introduction celtique, mais également ses instruments magiques, nous fait rêver : c'est le coup de foudre immédiat pour cette petite pièce à la fois bercée dans les ambiances, mais également marquante par sa frénésie. Une claque !
Xandria paraît presque méconnaissable, et il faut bien avouer qu'on ne leur connaissait pas une telle maturité. On va pouvoir reprocher une influence Nightwish peut-être un peu trop flagrante, et un début d'album qui, peut-être, est moins bon (le trio "Valentine", "Forevermore", "Euphoria", même si déjà agréable). Et après, que des qualités, la métamorphose leur a fait du bien, passant de l'insipide au lumineux, du mou au puissant, de la voix banale de Lisa Middlehauve au chant séduisant de Manuela Kraller. Les Allemands font merveille, typiquement une formation que l'on attendait vraiment pas, et qui termine en nous infligeant une raclée mémorable. Un metal symphonique aussi inspiré que celui-ci, ce n'est pas tous les jours qu'on croise cela, et il est si riche que la barre est très, trèèès haute !
Voilà qu'il est temps de conclure, et c'est un enchantement qui nous a été offert. Merci à Napalm Records et à Xandria pour Neverworld's End, un opus qui marquera le metal symphonique. Très loin au-dessus d'un bon nombre de groupes, les autres formations vont devoir faire preuve de beaucoup d'ingéniosité pour rivaliser avec le quintet. Si le prochain opus est encore meilleur, alors ce groupe est promis à un avenir brillant. Je n'utilise que rarement la première personne car je n'aime pas ça, mais je dois le dire : écoutant du metal symphonique depuis des années, et de mémoire de chroniqueuse, je n'ai rarement entendu aussi bon, aussi abouti. Bravo.