Lillian Axe, c’est un peu l’archétype du groupe dont beaucoup de gens connaissent le nom, mais que finalement bien peu ont écouté. Et jusqu’à il y a peu, je faisais partie de cette catégorie de doux ignorants, ajoutant mentalement un « mouais bof, on verra ça un autre jour » quand d’aventure on lisait quelque chose à propos de ce groupe. Il était temps de rattraper ce retard de plus de vingt ans, le premier album du groupe ayant éclos en 1988…
Il faut dire que depuis son retour en 2007, après une période trouble de 8 ans, le groupe déborde d’activité avec 3 albums en 3 ans malgré des changements de line-up incessants. Et pour la cuvée du début 2012, c’est un XI: The Days Before Tomorrow que nous propose le groupe, accompagné d’un nouveau chanteur. Pourquoi « XI » ? Car depuis 1988, il y a eu 9 albums studios et 2 lives, donc c’est soit le 10ème album du groupe soit la 12ème sortie. Mystère. Mais foin de chiffres et d’historique, il s’agit de s’intéresser à ce qu’il y a dans notre assiette. Si à sa création Lillian Axe proposait un hard rock FM voire presque glam, c’est aujourd’hui avec une maturité certaine que le groupe propose un hard / heavy aux relents progressifs, à l’identité affirmée et à l’ambiance unique. Lillian Axe, c’est avant tout une atmosphère : pas de velléité agressive, de fumisterie épique ou d’entrainants hymnes glorieux : Lillian Axe, c’est plus la mélancolie, la douceur, la force tranquille et la mélodie sobre. Sans en rajouter des tonnes, juste avec de bonnes idées et un puissant sens du song-writting qui fait mouche.
Le titre d’ouverture "Babylon" en est un bon exemple : c’est simple, direct, légèrement groovy, et cela nous permet de découvrir la voix chaude, généreuse et presque sensuelle de Brian Jones, le petit nouveau, qui remplace avec succès Derrick Lefèvre - les deux chanteurs ayant malgré tout des tessitures relativement proches. Et c’est là que le pré-refrain déboule, avec son faux air de Muse (voix de fausset en moins) et sa mélodie instantanément mémorisable. Que cela soit dit : attendez-vous, après à peine 2-3 écoutes de cet album à vous voir le fredonner sans même vous en rendre compte, tant l’ensemble de l’album regorge de mélodies et de lignes vocales qui rentrent immédiatement en tête. C’est le cas dès le titre suivant, ses (presque) six minutes nageant dans une torpeur mélancolique, parfaite illustration du mid-tempo mélodique, rappelant avec son piano les riches heures d’une formation comme Savatage période Edge Of Thorns. Steve Blaze, guitariste, membre fondateur et compositeur du groupe, a ce don de composer à partir de choses simples des morceaux catchy et instantanément marquants. Et pour cela, point n’est besoin de cache-misère tels que l’ajout de nombreuses lignes mélodiques, d’une batterie déchainée ou d’envahissantes orchestrations : tout ici est sincère, mesuré et à sa place.
L’émotion est donc le maitre mot de cet album, et si Blaze sait écrire des chansons, Jones sait les chanter. On l’a dit, sa voix est chaude, charismatique, et la manière qu’il a de cracher les « p », les « f » ou les « s » lui donne une espèce de morgue et de mordant rafraîchissant. Et les titres se suivent et ne se ressemblent que par leur réussite : "The Great Divide" et son ambiance triste et traînante, "Take The Bullet" et son flow génial (ou comment une simple ligne de chant donne tout son dynamisme à un titre), "Caged In" et son énergie à l’ancienne, faisant ressortir les racines purement hard rock du groupe… Même les deux power ballads "Bow Your Head" et "My Apologies" ne font pas honte à l’album en restant sobres et posées, "My Apologies" se fendant même d’un très bon solo. Il n’y a que très peu de moments dispensables sur cet album qui fait preuve d’une belle constance durant ces cinquante minutes, sans fatiguer ni lasser l’auditeur. La production a été assurée par Sylvia Massy, relativement inconnue du milieu heavy metal vue qu’elle est plus habituée à mixer des artistes aussi divers que les Red Hot Chili Peppers, Prince, Johnny Cash, Deftones ou encore Tool. Du coup, la production sort un peu des canons du genre en proposant des guitares peu agressives mais un tout équilibré et cohérent.
Tout cela est très bon. Lillian Axe est loin de la flopée de groupes génériques, tous un peu basés sur la même recette et oubliant de développer une vraie personnalité. Ici, c’est un album qui respire la sincérité et l’émotion, un album qui demande un certain nombre d’écoutes pour être digéré mais qui dès la première bouchée procure une enthousiasmante sensation de plaisir dans les oreilles. Vous ne connaissez pas Lillian Axe ? Il n’est jamais trop tard.