Ah tiens, encore un groupe de vieux croulants qui remettent le couvert ! En l'occurrence, c'est déjà le troisième album des Nord-Irlandais de Stormzone. Pas franchement des perdreaux de l'année, puisqu'on y retrouve Davy Bates, le batteur historique de Sweet Savage, régulièrement cité comme pionnier de la NWOBHM bien que le groupe n'ait sorti aucun album à l'époque ! Bizarre de se lancer aussi tard, mais après tout, les vétérans d'Overdrive ont bien sorti un des albums heavy de l'année, donc pourquoi pas…
Aujourd'hui, avec internet, tout est possible. On peut même recruter un chanteur inconnu habitant à des milliers de kilomètres, comme l'a fait Journey avec Ariel Pineda. Stormzone, lui, nous propose de vivre cette situation une trentaine d'années plus tôt. Imaginez une bande d'Irlandais portés sur la NWOBHM qui tombe sur des vidéos mises en ligne par Geoff Tate et qui décident de l'embaucher, lui et ses influences un peu plus mainstream, presque hard FM par moment. Et bien voilà, Stormzone, c'est un peu ça. Ils nous ont même ressorti la production des années 80… et ça c'est mal. Les guitares sont un peu brouillonnes et mixées assez bas, au contraire de la batterie affreusement synthétique; et puis il y a la basse, carrément catastrophique… Alors là c'est simple, elle se résume à un petit cliquetis de temps à autre, si bien que si vous écoutez Zero To Rage en bagnole, sans faire trop attention, vous pourrez avoir l'impression que vous avez oublié d'enlever votre clignotant !
Musicalement, Stormzone, c'est du solide. Les débuts du groupe, placés sous le signe du hard FM, semblent désormais loin et se limitent à "Fear Hotel" (très bien foutue) et quelques titres très soft comme "Last Man Fighting" ou "Monsters". Les Irlandais ont pris depuis un virage heavy qui leur sied parfaitement, d'autant qu'ils en maîtrisent de nombreuses facettes : épique ("Where We Belong"), lourd ("Jester's Laughter", "Empire Of Fear") ou encore calme et mélodique ("Hail The Brave", "Voice Inside My Head"). Ils se paient même le luxe de commencer par une authentique tuerie avec "Zero To Rage", de loin le meilleur titre de l'album grâce à un refrain imparable. Ne vous attendez pas à du très rapide : hormis "Uprising", où Stormzone accélère un peu mais est vite rattrapé par les limites de la prod', le mid tempo règne en maître. Enfin, on saluera la qualité de la paire de guitaristes, qui distillent des solos qui trouvent toujours le parfait équilibre entre technique et mélodie.
Finalement, Stormzone n'a qu'un seul défaut, mais il est de taille : son chanteur John Harbinson. C'est sûr, ce mec sait chanter, il possède un large registre, il sait faire passer de l'émotion… Sauf que voilà, il surjoue tellement TOUTES ses lignes de chant, y compris les phrases les plus insignifiantes de n'importe quel couplet, que cela en devient ridicule. Au début, on en prend son parti, mais au bout d'un moment, difficile de ne pas sentir une petite crispation dès qu'on sent qu'il va aller taquiner les ultrasons (fréquemment donc) ou de ne pas développer une allergie carabinée à son vibrato. Est-ce que cela a un impact sur les morceaux ? Clairement, oui. Un titre comme "Monsters" aurait nécessité de la sobriété, pour le coup c'est raté ; "Cuchulainn's Story" démarre comme un bon "Flight Of Icarus"-like, mais le refrain suraigu est complètement hors de propos ; sans parler des morceaux plutôt corrects au final, mais tous marqués par au moins un passage vocal à vous faire grincer des dents…
Incontestablement, Zero To Rage est un bon album. Un peu long certes avec ses 71 minutes, une durée logique puisque quasiment tous les morceaux dépassent les 6 minutes, mais tous méritent leur place (sauf "Last Man Fighting", qui aurait pu dégager ou au moins être réduite de moitié). Le gros regret, c'est qu'avec une production moins vieillotte et surtout, surtout, un chanteur qui aurait privilégié l'effort collectif plutôt que d'essayer d'en mettre plein la vue, il aurait pu être très bon. Et ce second défaut, il ne va pas être facile à corriger…