CHRONIQUE PAR ...
Pietro
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
13.5/20
LINE UP
-Thebon
(chant)
-Obsidian C
(guitare)
-Wizziac
(basse)
-Vyl
(batterie)
TRACKLIST
1)Dragon Iconography
2)The Awakening
3)Judgement
4)The Dragontower
5)Leaving the Mortal Flesh
6)Dark As Moonless Night
7)The Divine Land
8)Reptilian Majesty
DISCOGRAPHIE
L’évolution d’un groupe comme Keep Of Kalessin est intéressante à plus d’un titre. Au départ obscur combo de black metal connu uniquement car son leader était guitariste de session sur scène pour Satyricon, les Norvégiens se sont d’abord fait connaître pour le EP Reclaim au line-up éphémère digne d’un super groupe (featuring Attila Csihar de Mayhem et Frost de Satyricon), puis avec l’excellent album Armada qui marquait le début d’une nouvelle ère pour une formation enfin stable.
Un Kolosus dans la lignée de son prédécesseur et de multiples tournées plus tard, voila que démarque aujourd’hui Reptilian, troisième album d’affilée avec le même line-up. Trois albums en quatre ans alors que le groupe a véritablement passé sa vie sur la route, c’est ce qu’on peut appeler un rythme de croisière assez élevé. Keep Of Kalessin semble en effet vouloir en quelque sorte rattraper le temps perdu au début de sa carrière et semble être prêt à tout aujourd’hui pour gravir le plus rapidement possible les marches du succès. Preuve de cette soif de reconnaissance, le combo de Trondheim a postulé pour représenter son pays lors de l’Eurovison 2010. N’échouant que prêt du but en finale nationale, Keep of Kalessin a dévoilé pour l’occasion un morceau assez surprenant, inhabituellement accessible sans toutefois renier totalement ses racines extrêmes. Ce 'Dragontower' que l’on retrouve sur Reptilian en version légèrement rallongée donne-t-il le ton de ce nouvel album comme l’annonce le groupe (ou plutôt son leader Obsidian C) qui déclare à qui veut l’entendre qu’il a essayé cette fois-ci d’aller droit au but et donc de simplifier sa musique ?
Ce n’est pas vraiment ce qui ressort des premiers titres. 'Dragon Iconography' et 'The Awakening' sont en effet de longs morceaux plutôt alambiqués dans le style que l’on connaît du groupe. Les nouveautés sont à chercher du côté de quelques expérimentations vocales très discutables et d’un aspect à la fois plus heavy et surtout plus orchestral que jamais. Le groupe a en effet sorti les gros claviers pompeux pour renforcer le côté épique de sa musique. Rajoutez à ça des refrains en voix presque claire renforcés de chœurs grandiloquents et vous obtenez une sorte de metal extrême générique mélangé à du Rhapsody (Of Fire Of Doom évidemment) ! Un peu lourd à digérer tout ça… 'Judgement' rehausse le niveau avec son riff mid tempo assez groovy, qui introduit une partie rapide classiquement black metal avant un beau passage mélodique et épique qui ne s’étale pas inutilement. 'The Dragontower', le fameux titre choisi pour l’Eurovision, pousse donc le bouchon encore plus loin en n’accélérant jamais mais en brillant par son refrain accrocheur à la mélodie vocale orientalisante.
Bref un titre accessible réussi, mais que le groupe prend soin de «compenser» immédiatement en envoyant un 'Leaving the Mortal Flesh' tout de suite très rapide et agressif, bien violent et truffé de bruits de combats à l’épée. Cliché ? Non non… Plus intéressant est 'Dark As Moonless Night' avec sa belle intro en arpèges, son riff mid tempo lourd et puissant qui soutient une voix purement death très profonde. Bien sûr le refrain en chant clair est doublé de chœurs pompeux, mais le solo de guitar hero des années 80, les cheveux dans le vent et le pied sur le retour, est assez anachroniquement jouissif. Là encore, 'The Divine Land' compense cette excentricité en remettant la violence black au centre des débats. Reptilian s’achève sur un 'Reptilian Majesty' exagérément long, épique et à la structure presque prog : un quart d’heure de couplets blastés, de break atmosphérique au clavier, de reprise mid tempo purement heavy avec solo mélodique, de longs passages ambiancés blindés de chœurs, avant un dernier mouvement purement black metal et une fin épique et pompeuse au possible.
Keep Of Kalessin ne s’est pas totalement réinventé avec Reptilian mais il a repositionné sa musique. Son black metal racé a laissé place à un metal générique à la limite de l’extrême de plus en plus passe partout. L’aspect épique prédomine, mais les norvégiens n’emploient pas les recettes les plus subtiles en gonflant leurs orchestrations et leurs chœurs pour y parvenir. Les petites touches de subtilité comme les guitares acoustiques hispanisantes ont totalement disparu, et la production aseptisée de Daniel Bergstrand n’arrange pas l’affaire. Cela suffira-t-il pour apporter succès et reconnaissance au groupe, but avoué de la manœuvre ?