Je propose de commencer cette chro par quelques bons vieux poncifs anti-deathcore, qui sont pour la plupart à peu près justifiés. Style garanti « 100% U.S sans âme », orienté djeuns et marketé à mort, creuset de groupes tellement similaires les uns des autres qu'on pourrait croire que finalement Raël ne s'était pas foutu de la gueule du monde quand il avait annoncé que le premier être humain cloné était né, le deathcore divise, le deathcore ennuie, le deathcore tue le True metal, etc. Seulement voilà, c'est parfois au milieu de la fange que fleurissent les plus belles surprises, et au milieu de la médiocrité ambiante que se mettent en exergue les plus grands...
Et je tiens à dire immédiatement, cher lecteur, qu'After The Burial fait partie de ceux-là. Indéniablement. Après un premier album qui ne laissait pas grand doute sur leur talent et leur potentiel (l'intéressant Forgiving A Future Self, sorti en 2007), mais qui dévoilait un jeune groupe encore trop influencé par le carcan metalcore-death qui cartonnait déjà à l'époque (tendance abusive au breakdown pas très inspiré, riffs ultra martiaux et saccadés à la Despised Icon meets Fear Factory meets Textures, etc). Bref, du talent, de la technique, un sens de la mélodie certain, mais un manque de maturité et de personnalité évidents. Deux ans et un nouveau chanteur plus tard, les Américains reviennent à la charge. Et de quelle manière! Rareform, leur deuxième effort, est effectivement un album d'une qualité rare(-form), c'est même véritablement une TUERIE. Et je pèse mes mots, tant la richesse, la personnalité et la classe de cet album mettent le reste de la scène (et accessoirement l'auditeur médusé, dont votre serviteur) à genoux. Moi qui les prenait pour des sous-Textures, me voilà bien calmé. Bref, que dire de cet album? Tout d'abord que la production s'est nettement amélioré par rapport à leur premier effort et atteint, sur Rareform, des sommets de puissance, de lourdeur et de clarté. Peut-être juste un petit bémol sur la batterie à la double-pédale un peu trop mise en avant par rapport à une caisse claire quelque peu en retrait, mais rien de bien grave quand on voit la qualité, au minimum très bonne et parfois exceptionnelle, des compos. Car en effet, dès le burner ''Berzerker'', on comprend que le groupe a franchi un palier, et pas n'importe lequel, celui qui fait passer de « groupe à suivre » à « groupe de gros tueurs ».
Des riffs hyper incisifs, inspirés et mélodiques, des structures rythmiques toutes aussi variées et dynamiques, le groupe a clairement mûri, et a enrichi son propos tout en restant totalement compact. Mais la force de ce groupe , c'est d'avoir réussi, là où bien d'autres ont échoué, à parfaitement digérer les influences de Meshuggah et peut-être plus encore de Textures, pour être capables de pratiquer une musique extrêmement technique et poly-rythmique tout en gardant un côté très accrocheur (cf. les breaks absolument monstrueux sur ''Cursing Akenaten'', ''Aspiration'' ou encore ''The Fractal Effect''). Mais ce qui fait un grand album, ce sont les tubes, les hits, les poutreries immédiates qui vont rentrer dans la tête pour ne plus vous lâcher. Et là, côtés tubes on est servis, ce qui est rare dans un style aussi casse-gueule que l'espèce d'hybride death progressif/hardcore/metal texturo-meshuggesque que propose le groupe. Citons en vrac ''Cursing Akenaten'' et son énorme intro arabisante, soutenue par une rythmique plombée des plus inventives, ou encore la classe d'un ''Aspiration'' qui allie puissance et mélodie avec un sens peu commun. Notons également l'énorme ''Ometh'', qui arrive de manière assez incroyable à donner un feeling heavy et rétro des plus classes sur certaines séquences d'un morceau pourtant hyper moderne (à partir de 1'21 notamment), avec d'excellents solos et un riff de base juste énorme, à la fois survitaminé, très technique et pourtant étrangement accrocheur. Bref, ce groupe arrive à pondre des morceaux qui restent dans la tête, grâce à un sens de la mélodie particulièrement rare dans le milieu, et qu'ils allient à la puissance de bulldozer de leurs rythmiques à la précision chirurgicale.
Très franchement, du grand art. Du très lourd, le genre d'album qui vous redonne foi en un style (le deathcore) et qui vous permet de continuer à en écouter et à découvrir des groupes plutôt que de dire « tous pourris » et d'adopter la posture un peu facile du gros TrVe métalleux blasé qui défonce le genre à tour de bras par principe. Et même si c'est la plupart du temps à raison que le métalleux moyen (moi le premier) allume le deathcore et le case direct dans les genres à abattre, quand cette attitude vous fait rater des albums d'une telle qualité, on se sent juste complètement con. À bon entendeur, bonsoir.