Suite au départ de Peter Gabriel, Genesis se résout à continuer l'aventure sans lui et c'est Phil Collins qui se collera au chant, tout en continuant d'assurer les parties de batterie, en studio au moins (il sera remplacé pour les concerts par divers batteurs, dont le grand Bill Bruford qui a déja joué avec Yes et King Crimson, rien que ça !!!). Donc les mecs de Genesis ont choisi de rester entre frères et de ne pas prendre le risque de voir un élément extérieur qui pourrait se ramener et chambouler tout l'esprit de la génèse. L'arrivée d'un nouveau musicien aurait pourtant pu apporter une influence nouvelle, des idées fraîches, enfin bon on en restera là !
En tout cas, on comprend mieux pourquoi Peter Gabriel pensait qu'il avait épuisé toutes ses possibilités créatives avec Genesis car là, on a à faire à un album somme toute assez prévisible. Le chant de Phil n'est pas trop éloigné de son prédécesseur, mais il est moins mis en avant, surement par peur de décevoir les fans à l'époque, très touchés par ce changement de chanteur. Il faut dire aussi que Phil n'a pas le charisme de Peter Gabriel, son chant sert juste à accompagner la musique, alors que celui de Peter transcendait carrément la musique, c'est la grosse différence. Enfin bon il s'en sort bien le Phil quand même.
A Trick of the Tail est loin d'être mauvais, et même pas mal de groupes rêveraient surement de pouvoir composer un album de cette qualité. Simplement, il succède à 4 chef-d'oeuvres, ni plus ni moins, (Nursery Cryme, Foxtrot, Selling England by the Pound et The Lamb Lies Down on Broadway) donc forcément il fait un peu tâche à côté. Genesis n'a pas vraiment changé de style, le départ de Peter Gabriel ne marque pas la fin du rock progressif contrairement à ce qu'on aurait pu croire en voyant Phil débouler au chant. Le groupe se contente même d'appliquer une recette qui a déja fait ses preuves, que ce soit sur les 2 belles ballades "Entangled" et "Ripples" qui sont dans la même veine que "More Fool Me" (présente sur Selling England by the Pound, sur laquelle Phil apparaissait au chant pour la première fois), ou les 2 morçeaux les plus enjoués de l'album ("Dance on a Volcano", surement le meilleur morçeau, de loin le plus malsain et l'instrumental "Los Endos" qui reprend des parties de "Dance on a Volcano" et "Squonk" pour en faire quelque chose de planant) qui sont les seuls à contenir des parties instrumentales de ouf avec pas mal de changements de rythmes et des solos de claviers.
The Lamb Lies Down on Broadway marquait l'arrivée de morçeaux très compacts, qui allaient à l'essentiel, dépassant rarement les 5 minutes, pas de chichi donc ! Mais cela en a fait un album TRES TRES fort, car les chansons étaient tellement riches en émotions que là il n'y avait pas besoin de changer de tempos toutes les 2 secondes pour maintenir l'auditeur en haleine. Cette caractéristique qui faisait tout le charme de Lamb Lies Down on Broadway ne fonctionne hélas pas aussi bien sur A Trick of the Tail. En fait, on se rend compte au fur et à mesure que les chansons défilent que Genesis est devenu un groupe "normal" exécutant son rock-prog "normalement", on passe sans surprise d'un p'tit morçeau au rythme sautillant "Robbery, Assault & Battery" à un p'tit mid-tempo sympathique "Squonk".
On sent bien que le groupe a un peu perdu toute la grandeur qui le caractérisait, car même si on en est pas encore dans le pop-prog people jack des années Collins, l'album manque bien d'audace et de folie créative, et le chant de Peter Gabriel qui alternait si bien joie et tristesse nous manque déja. Phil chante bien mais il est beaucoup moins expressif, et c'est à mon avis pour ça aussi que ce disque joue moins avec les contrastes.
Enfin bon, il faut pas non plus trop se plaindre car A Trick of the Tail, même si il n'est pas le chef-d'oeuvre que tout le monde attendait, n'en reste pas moins très bon. Et en plus les groupes phares en cette année 1976 commençaient tous à s'auto-parodier, à part quelques uns (Pink Floyd, Led Zeppelin, Jethro Tull), donc Genesis ne fait pas figure d'exception.