Dans le monde du metal, on aime coller des étiquettes, catégoriser des genres et des sous-genres. On a souvent tendance à faire référence au pays d’origine d’un groupe, comme si l’origine géographique avait réellement une influence sur la musique pratiquée. Ainsi le metal allemand est efficace et carré, sans fioriture ni finesse, alors que l’italien est joyeux, chaleureux, souvent symphonique et excessif, à l’image des clichés que l’on peut avoir de ces différents pays.
Insomnium, lui, pratique du « death metal mélodique Finlandais » et le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas lui qui va contredire la théorie fumeuse énoncée en introduction. Car Insomnium n’est pas l’exception qui confirme la règle. Si vous aviez en tête des clichés sur la Finlande, Across The Dark risque bien de les conforter, tout comme l’avaient fait auparavant les albums précédents du groupe. Car autant le dire tout de suite, il n’est pas vraiment question de bonne humeur et de joie de vivre ici. Les maîtres mots sont plutôt mélancolie, voire tristesse, froid hivernal, ambiance glacée et dépression. Joli programme, n’est-ce pas ? Pas à conseiller à un dépressif suicidaire en plein cœur de l’hiver, mais c’est souvent dans la tristesse que la beauté est la plus intense. Musicalement Insomnium l’a prouvé par le passé, notamment avec des albums tels que Since The Day It All Came Down ou Above The Weeping World, manifestes d’un death metal très mélodique mais mélancolique, aux antipodes des mélodies héroïques et positives d’un In Flames par exemple.
Le début de l’album part sur des bases connues essayant de rappeler à notre souvenir "The Gale", la sublime intro de l’album précédent. "Equivalence" est une longue introduction basée sur des arpèges mélancoliques avant de monter en puissance et voir l’apparition du growl death très profond de Niilo Sevänen, plus qu’un véritable morceau. Les choses sérieuses commencent avec "Down With the Sun", premier vrai titre de l’album, basé sur un riff mélodique mélancolique typique, avec couplets et refrain dans la continuité: beaux, mélodiques mais pas très accrocheurs. Pas vraiment percutant comme entrée en matière. "Where the Last Wave Broke" s’annonce comme plus énergique, l’espoir renaît… jusqu’à ce que l’irréparable se produise. Insomnium a osé se livrer à la facilité en sombrant dans le cliché le plus navrant du metal extrême actuel. Oui vous l’avez compris, le refrain de ce titre est chanté en voix claire (certes doublée en growl). Celle-ci est l’œuvre du guest Jules Näveri (Profane Omen, Enemy Of The Sun) au nom digne de figurer au générique de la Chance aux Chansons du pas si regretté Pascal Sevran (« avec Jules Naveri à l’accordéon, ah on est bien Tintin !»).
Etonnant de voir un groupe intègre comme Insomnium tomber dans le panneau de la fausse bonne idée tel le groupe de Metalcore US de base, même si on a déjà entendu bien pire en matière de chant clair. Ici la voix se veut plus plaintive que réellement aguicheuse comme c’est souvent le cas, heureusement, mais le résultat n’est pas des plus convaincants pour autant. On retrouve ce chant clair dans la même configuration sur "The Harrowing Years", puis sur la plus réussie "Lay of the Autumn", longue et lente composition épique alternant passages acoustiques et électriques légèrement plus énervés, qui n’évite pas totalement l’ennui mais sur laquelle le chant clair est mieux employé, lors d’un joli break acoustique et non pas grossièrement sur un refrain. Bon ceci a pour effet de rappeler encore plus l’influence d’Opeth sur les Finlandais ce qui est assez dommage mais tant pis. Finalement ce sont les rares morceaux plus rapides qui sont les plus marquants. "Against the Stream" et "Into the Woods" sont plus pêchus et concis mais conservent l’identité mélancolique du groupe et ont droit eux aussi à leur break acoustique, mais heureusement sans chant clair, renforcés par les claviers d’Aleksi Munter de Swallow The Sun.
Insomnium a certainement voulu faire évoluer quelque peu sa musique afin d’éviter qu’on les accuse de stagner sur ce déjà quatrième album. Le problème c’est que la seule nouveauté apportée ici, le chant clair, n’est pas des plus convaincantes et ne leur permet ni de toucher un autre public (l’évolution est trop faible), ni de perfectionner une recette qui atteignait un niveau supérieur sur les albums précédents. Reste une ambiance mélancolique et apaisée de qualité assez rare pour un groupe de death.