CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15/20
LINE UP
-Axel Widdén
(chant)
-Aron Parmerud
(guitare)
-Johan Sporre
(guitare+chœurs)
-Linus Johansson
(claviers)
-Mikael Medin
(basse)
-Jimmy Olausson
(batterie)
TRACKLIST
1)The Swine
2)Silver Spoon
3)Stench of the Herd
4)Anthropomorphism
5)Unman
6)Hatelust
7)The Slaughter
8)The Lie
9)Your Hands
10)Creatures
11)Through Veils
12)Their Knives
13)The Truth
DISCOGRAPHIE
Comme chacun sait, la vie est faite de choix. Certains groupes de métal extrême choisissent de s'appeler Napalm Death, Torture Squad ou Dying Fetus, d'autres choisissent de s'appeler Marionette. On ne peut que respecter cette décision inhabituelle, en particulier quand on sait que les Suédois vont se manger toute leur carrière durant des vannes comme « oukilé le gendarme ?», « I'm pulling your striiiiiings » voire même « alors, ça fait pas trop mal, la main dans le c...». Franchement, c'est sacrément courageux de leur part.
En plus d'être courageux, les Marionette ont de l'ambition. Et pour assouvir cette ambition, ils n'ont pas peur de se remettre en question. Envolé, le défaut principal de Spite : sauf lors de rares exceptions, Enemies ne s'englue plus dans des clichés melodeath à la Soilwork. Par contre les Suédois ont jeté le bébé avec l'eau du bain... car les moments de mur sonore à la Strapping Young Lad qui faisaient toute leur force ont disparu aussi ! On a donc affaire à un virage à 180° comme on en voit peu, surtout entre un premier et un deuxième album. Le chant extrême d'Axel Widdén, le goût pour les semi-blast à la batterie, la puissance et le professionnalisme du tout, le niveau de jeu... voilà tout ce qui reste de ce qu'on connaissait. "The Swine" introduit une violence nouvelle dans l'equation, beaucoup plus axée sur le death traditionnel que le death mélodique de Göteborg... et le break des deux tiers révèle une des grandes nouveautés de l'album, à savoir des claviers complètement typés prog-metal. Linus Johansson a en effet totalement transformé son jeu, et les arrangements symphoniques comme les nappes venues du froid ont laissé leur place à des parties lead ultra-méodiques, bien souvent exécutées avec ces mêmes sons synthétiques à la limite du jeu vidéo qu'affectionne tant Jordan Ruddess. Fichtre !
Autre nouveauté : les plans de guitare dont se fend la paire Parmerud / Sporre vont souvent explorer des contrées de power mélo susceptibles de beaucoup plaire aux amateurs, pour peu qu'ils parviennent à supporter le chant écorché de Widdén et la brutalité de la batterie. L'épique et surpuissante "Unman" aurait très bien pu être chanté par un Andy B. Franck ou un Warrell Dane, et les leads de claviers de "Your Hands" évoquent bien plus Dream Theater qu'In Flames ! On se dit d'ailleurs qu'avec un chanteur multicartes à la Christian Älvestam le tout pourrait faire vraiment très mal. Un autre aspect impressionnant est le nombre de plans par morceau : tout en évoluant avec autant de facilité à 3'30 ou 5'30 selon les titres, Marionette a visiblement à coeur de ne jamais céder aux sirènes de la simplicité. Les chansons sont donc truffées de breaks et de changements, et une chanson de 4'06 comme "Hatelust" est exemplaire tant elle réussit à ne jamais laisser de répit à l'auditeur et à se renouveler sans cesse. Du coup le groupe brasse sans cesse ses influences dans chaque chanson, et cette approche permet d'habilement éviter la lassitude : "Anthropomorphism" repartant taquiner les clichés melodeath à la Spite elle aurait pu gonfler son monde, mais le refrain mélodique et le break de claviers lead sauvent le tout.
Le groupe n'a pas encore réussi à s'affranchir de certaines influences par contre : le spectre de Soilwork revient en force sur "Stench of the Herd" , à croire que "Needlefeast" a traumatisé la scène suédoise dans son ensemble... pire encore, le titre envoie juste derrière un plan oriental syncopé complètement System of a Down ! Et surprise divine : non seulement ça tient la route mais ça fait très mal, tout autant que les passages hypermélodiques qui suivent, menés par une guitare lead qu'Angra n'aurait pas renié... pas plus que la guitare acoustique, les twin leads et les mélodies de claviers de "The Lie", une des pistes où la fusion extrême / power mélo / métal prog est poussée à son paroysme. L'unité du tout, la cohérence des plans, la facilité avec laquelle le groupe articule des moments d'agression avec des plages aériennes, tout ça force le respect. Dans ce genre de moments, Marionette dévoile un potentiel insoupçonnable du temps de Spite, et par contraste met également en lumière les aspects à améliorer. La redondance des patterns de batterie en deux-temps est assez lassante : tous les titres de l'album comportent des plans en « boum-paf » speedé et c'est dommage. De plus trop peu de chansons se retiennent individuellement, la faute à une approche typée « déferlante ». Mais qu'importe, le pas en avant est réel.
Enemies est une excellente surprise, et marque une progression franche et nette de la part d'un groupe dont on n'attendait à vrai dire pas grand-chose. Malgré quelques défauts de jeunesse cet album pourra plaire à tout amateur de violence et de mélodie, ce qui recouvre une frange plutôt large du public métal. À essayer !