Lacuna Coil n’a pas mis plus de quatre ans, cette fois. Si la longue période qui séparait le fabuleux Comalies (2002) de Karmacode (2006) avait affolé les amateurs du groupe italien, au point que la déception fut grande et inattendue – le néometal purement yankee de Karmacode ayant largué pas mal de monde en chemin – Shallow Life débarque avec un timing parfait et sans vraiment avoir prévenu à l’avance.
Seulement, dix ans séparent In A Reverie, ode gothique et atmosphérique devenue un classique du genre, de Shallow Life et le groupe a forcément évolué. Dans le bon sens, cette fois? Le suspense sera de très courte durée, à l’image de la résistance à l’ennui provoqué par ce cinquième album, produit aux Etats-Unis par le très Américain Don Gilmore (Linkin Park, Avril Lavigne, Good Charlotte) et une nouvelle fois soutenu par Century Media, qui tient en Lacuna Coil sa véritable poule aux œufs d’or. Si l’on a aucun souci à se faire quant au nombre de palettes de Shallow Life que vendront les Transalpins sur leur nouvelle terre d’adoption – et c’est dans la logique des choses, tant mieux ! – l’amateur va forcément se poser des questions, aussi futiles et simples que "Pourquoi?" et "Comment?". Que "Spellbound" ne trompe personne : c’est le seul morceau de l’album qui fait le lien entre le Lacuna Coil ancien et celui qui nous intéresse aujourd’hui, le nouveau : rythmique efficace, riff simple mais entraînant, refrain à l’avenant, ce morceau, dans la lignée d’un "Heaven’s A Lie" sans la parure gothique se classe d’emblée comme un choix très intelligent mais aussi et surtout, bien vicieux. C’est à peine si l’on remarque un son lisse et propret, limite fade – mais le refrain, bien amené, fait office de trompe-l’œil. Soit. "Survive", en ouverture d’album, claque un gros riff bien gras dans son couplet avant de sombrer dans un refrain immonde, mené par l’increvable Andrea Ferro. Si le bougre chante mieux, ce groupe mérite mieux que ce chanteur de seconde zone qui n’apporte strictement rien au schmilblick depuis qu’il a décidé de passer du hurlement au chant.
Capable du pire ("I Won’t Tell You") comme du moins mauvais ("Underdog"), le groupe alterne et déroule, à l’instar de son chanteur, à la fois dans la qualité de ses compositions comme dans l’exécution, sommaire et réduite à sa plus simple expression ("I Like It"), des compositions sommaires et autant le dire tout de suite, pauvres et peu avenantes. Si l’efficacité est de rigueur ("Underdog", "I’m Not Afraid", "Spellbound", dynamiques et pêchus) sur l’ensemble de l’album – un point que le groupe a particulièrement travaillé sur Shallow Life et la seule véritable qualité de ce nouvel album – cet opus se permet d’être, de plus, cohérent et bien plus pertinent que ne l’était son aîné. Malheureusement, ce côté concis et efficace, idéal pour percer, s’est immiscé petit à petit dans le style du groupe (on le pressentait sur Comalies, on l’a ressenti plus clairement sur Karmacode, il est évident sur Shallow Life) au dépens du chatoyant clair-obscur et d’une palette atmosphérique absolument enchanteresse qui faisaient le sel des trois premiers albums du groupe.
Sur certains morceaux, l’illusion atmosphérique est de mise ("The Pain", l’intro de "The Maze") mais ne dure jamais plus de quelques secondes. Les schémas musicaux sont classiques (intro, couplet, refrain) et leur contenu, entre avancées timides (le solo sur "Unchained", l’électro-pop mélancolique de "The Pain", un son globalement rock mais pataud) et retours en arrière plus que dommageables (une horreur que ces paroles, aux accents emo et adolescents absolument ridicules), joue au yo-yo avec l’auditeur qui finit par décrocher en dépit de l’accessibilité effarante des douze morceaux de Shallow Life. Un autre revers de la médaille : au bout de quatre écoutes, plus une nouveauté ni légère subtilité ne vient caresser l’ouïe et l’impression, agaçante, d’un déjà-vu immonde fait surface. Seule surnage Cristina Scabbia, qui ose le pari de varier plus encore sa palette vocale et qui n’a jamais aussi bien chanté...sous Pro-Tools. Car, ultime défaut de cet album absolument décevant, la voix charismatique de la belle est assez souvent trop passée à la moulinette des machines et de la production incroyablement non-typée de Don Gilmore ("I Like It", suprême affront, voire sur le refrain de "Spellbound"). Argh.
Une porte ouverte, une: Lacuna Coil a évolué, certes. On ne pourra jamais leur reprocher de faire du surplace, étant donné le gouffre qui sépare désormais In A Reverie de Shallow Life, soit dix ans. Dix ans pendant lesquels le groupe a gagné sa reconnaissance musicale, de l’argent et un public plus américain qu’européen. Cependant, le groupe fait du surplace depuis deux albums en dépit de cette évolution marquante: Lacuna Coil se cherche, et s'est peut-être même perdu entre deux eaux. La moyenne, c'est ce qu'il y a finalement de pire.