CHRONIQUE PAR ...
Flower King
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-David Byrne
(chant+guitare)
-Brian Eno
(chœurs+basse+claviers+...)
-Leo Abrahams
(guitare+percus+...)
-Seb Rochford
(batterie)
+ de nombreux guests
TRACKLIST
1)Home
2)My Big Nurse
3)I Feel My Stuff
4)Everything That Happens
5)Life Is Long
6)The River
7)Strange Overtones
8)Wanted for Life
9)One Fine Day
10)Poor Boy
11)The Lighthouse
DISCOGRAPHIE
Bien qu’annoncée en catimini, la collaboration renouvelée de ces deux monstres sacrés avait de quoi émoustiller les amoureux de la pop équilibriste : quelle suite allaient-ils pouvoir donner à My Life In The Bush Of Ghosts, cette douce folie world/funk/electro qui fascine toujours autant nos sens près de trente plus tard ? Eh bien, peine perdue si vous cherchiez l’épisode II : Byrne et Eno n’ayant plus rien à prouver depuis fort longtemps, ils se contentent de nous proposer un petit plaisir pop, bien dans l’air du temps, mais avec cette touche sensible et délicate qui fait la différence…
C’est bête à dire, mais pour une fois la pochette reflète totalement l’atmosphère de ce disque : on imagine sans peine David Byrne dans sa villa au fin fond de la campagne anglaise – oui, il vit à New York, et alors ? – un verre de thé glacé à la main, écoutant les demos de son ami Brian, avant de les habiller de ses parties vocales si reconnaissables, moins tordues qu’autrefois mais toujours empreintes de ce regard enfantin sur la vie et ses tracas, le monde et ses problèmes… nerd un jour, nerd toujours, et c’est pour ça qu’on l’aime. Quant aux atmosphères sonores dépeintes par monsieur Eno, elles sont tranquilles voire bucoliques sur une bonne part du disque, à l’image de l’introductif "Home" qui montre l’exemple pour la suite : une assise mélodique solide sur laquelle se repose notre producteur bien aimé pour imprimer sa patte, avec force guitares noyées dans l’écho, percussions au traitement robotique, basse au premier plan… les amateurs de son dernier album solo en date (Another Day On Earth) voire même du dernier Coldplay ne seront pas dépaysés : Eno ne change plus le monde, mais sa formule convainc toujours.
Et les morceaux défilent comme autant de petits plaisirs, sans enjeu particulier mais avec la marque du savoir-faire : le berçant "My Big Nurse" emballe par sa simplicité assumée et par la douceur inhabituelle de Byrne au micro, "Strange Overtones" surprend gentiment par sa coloration R&B, le cuivré "Life Is Long" passe sans froisser… tout cela est très confortable mais ça va bien au teint de ces deux vieux messieurs. Finalement, c’est lorsqu’ils tentent de retrouver l’esprit frondeur de My Life… qu’ils se plantent : le longuet "I Feel My Stuff" veut nous emprisonner dans son groove mais quiconque a entendu "Regiment" ne se laissera pas prendre au jeu, et "Poor Boy" paraît trop forcé pour convaincre, en plus de disposer d’un refrain clairement en-dessous du lot. Car s’il y a bien un domaine que les deux baroudeurs maîtrisent toujours, c’est celui des harmonies vocales. Écoutez donc le chœur de l’épique "One Fine Day", l’ambigüité des voix entremêlées de David et Brian sur l’ombrageux "The Lighthouse", ou tout simplement le refrain angélique de la lumineuse plage-titre, sommet frissonnant de ce disque où Eno démontre une fois de plus que les mélodies les plus simples sont bien souvent les plus touchantes.
Ce qui fut une simple récréation pour les deux compères d’antan donne un disque dénué de toute prétention, une collection de saveurs légères sur laquelle on reviendra aux beaux jours du printemps, là où seule la brise viendra vous effleurer jusqu’à vous donner la chair de poule. Ceux qui ne jurent que par les années fougueuses des Talking Heads seront sûrement déçus par cette orientation pop moelleuse, mais les autres, qui ne boudent pas le plaisir d’une promenade doucereuse dans les vertes vallées, trouveront en Everything That Happens Will Happen Today une belle occasion de rêvasser.