CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14.5/20
LINE UP
-Benji Webbe
(chant)
-Mikey Demus
(guitare)
-Daniel Pugsley
(basse)
-Dirty Arya
(batterie)
TRACKLIST
1)Roots Rock Riot
2)Trouble
3)Ratrace
4)State of Emergency
5)Alright
6)Destroy the Dancefloor
7)Rude Boy for Life
8)Killing Me
9)Spit Out the Poison
10)Cause Ah Riot
11)Ease Up
12)Choices and Decisions
DISCOGRAPHIE
Malgré les quatre disques qu'il a sortis avec Dub War entre 1994 et 1998 le Gallois Benji Webbe est bien plus connu des métalleux grâce à un unique featuring : toute personne ayant écouté le premier Soulfly se rappelle de sa prestation rastacore sur "Prejudice". Passé de Dub War à Skindred le gaillard ne démord pas de son idée de base: fusionner grosses guitares et influences reggae. Babylon avait déclenché des réactions positives mais une sombre embrouille de label avait handicapé la progression du groupe, l'obligeant à ressortir l'album deux ans plus tard avec une tracklist modifiée et une line-up chamboulé. Line-up encore plus chamboulé pour la sortie de ce Roots Rock Riot...
C'est bien simple, de l'ère Dub War il ne reste plus que Benji. Et il faut croire que Benji en a un peu marre d'avoir une idée qui tue depuis 12 ans sans jamais percer : Roots Rock Riot se pose entièrement en album à tubes, infiniment plus que Babylon qui était déjà pourtant très catchy. Tout à été fait en ce sens, à commencer par l'évolution du chant : le flow proche d'Asian Dub Foundation a laissé sa place à des intonations totalement ragga voire dancehall. Doublé presque en permanence par lui-même, Benji balance le jamaican style du pays de Galles avec très grand talent sur un fond de grosses guitares pour un résultat qui donne instantanément envie de sauter partout. À l'écoute de l'opener on réalise tout de suite que l'effet live sera dévastateur : énormes syncopes, gros riffs néo violents et bondissants, chant qui enchaîne la mitraillette ragga, passages mélodiques et gros hurlements... ça blaste autant que c'est fédérateur. Le groupe refait le coup du riff haché à la "Nobody" sur "Ratrace" pour un résultat encore plus boosté : plus agressif, plus virtuose dans le chant et dans les arrangements... et arrosé au passage d'une louche de punk-rock histoire que ça pulse encore plus, ce qui est nouveau.
Skindred s'offre effectivement un remodelage réel au niveau du style, délaissant le dub et le reggae traditionnel pour intégrer le punk-rock californien à djeunz. La démarche devient alors d'explorer toutes les combinaisons possibles entre cet élément, le ragga et le néo des riffs. Le groupe s'escrime vraiment à varier tout ça autant que possible : les sonorités electro vintage qui ouvrent "Rude Boy For Life" ou le début presque zouk de "State of Emergency" font plaisir car ils surprennent et qu'on sent des musiciens refusant de se répéter. La jouissive boucle jungle de "Cause Ah Riot" est utilisée avec brio : on est déjà limite en train de danser quand les guitares et les cris débarquent pour tout casser. L'alternance entre parties néo et parties jungle décoiffe vraiment très fort... peut-être justement parce que le groupe décide pour une fois de juxtaposer les éléments plutôt que faire de la synthèse. Car certains mariages marchent assez peu : les moments où la pop-punk est maîtresse sont les seuls où Webbe est parfois limite. Son chant clair si particulier colle beaucoup moins sur de la musique de skaters et tourne au mièvre malheureusement assez vite ("Alright"). Ça dérange d'autant plus que sa performance est impressionnante par ailleurs.
Ca fait tout de suite métalleux intolérant de dire ça, mais la pop-punk MTV est ce qui pose réellement problème dans cet album. Pas que l'idée était mauvaise à la base : apportée par touches ici et là elle apporte un réel plus car elle renforce l'énergie positive du tout. Mais les Skindred n'ont pas su doser leur nouvel ingrédient, en ont mis des louches là ou un peu aurait suffi : le pré-refrain chanté de "Rude Boy for Life" est ainsi superbe (Webbe peut aussi faire de l'émotion), mais le refrain lui-même vient tout gâcher car il ne fallait pas remettre une couche de punk-rock derrière une autre couche de punk-rock. "Ease Up" en devient difficilement supportable tant le tout semble sucré à outrance... Heureusement, le groupe tente d'autres approches comme sur "Spit Out the Poison" aux excellents couplets basse-batterie où le néo se teinte de rock indé, il reste le bien nommé "Destroy The Dancefloor" qui fera des morts dans le pit et surtout l'ambitieux "Killing Me" dont les orchestrations soignées sont bien éloignées du single de base. Car Skindred laisse transparaître un peu trop souvent sa volonté de faire des tubes : les chansons étant conçues comme des enchaînements de plans catchy, parfois le groupe a du mal à les arrêter et les compos tournent en rond...
Bilan contrasté pour Roots Rock Riot : la nouvelle formule de Skindred blaste sévèrement quand elle est bien tournée (et c'est souvent), mais la pop-punk envahissante ainsi qu'une volonté trop évidente de faire des hits singles desservent la qualité générale. On ne peut pas trop en vouloir non plus au père Webbe : après tout s'ils percent avec celui-là on aura peut-être droit à des albums moins formatés après.